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Photo du rédacteurNabil Z.

Pourquoi Devrions-Nous Tous Lire Albert Camus ?

Dans une contribution publiée dans la presse américaine, Leland Ryken, spécialiste en littérature d’influence, explique pourquoi tout un chacun devrait lire cet écrivain d’exception, dont les publications ont exercé une forte influence sur la pensée du vingtième siècle.


Il n'y a pas de figure intellectuelle plus représentative du milieu du XXe siècle qu'Albert Camus. En plus d'être un auteur de fiction influent, Camus était au centre des courants intellectuels croisés qui tourbillonnaient autour de l'Europe et se dirigeaient vers les États-Unis. Les principes sous-jacents de ces mouvements demeurent omniprésents dans la culture occidentale et cela fait partie de la pertinence de Camus pour nous aujourd'hui.

Né en 1913 en Algérie, Camus était un esprit inquiet qui travaillait sans cesse et suivait de nombreuses voies intellectuelles et professionnelles. Il est aussi célèbre qu'un philosophe ou un écrivain de fiction et ses romans incarnent en fait ses points de vue philosophiques. Camus est mort d'un accident de voiture en 1960, à l'âge de 46 ans.

La nature multiple de la vie de Camus en fait une véritable introduction à la laïcité moderne. Camus était un activiste politique, pacifiste et révolutionnaire. Il s'est marié deux fois mais a vécu une vie sentimentale désordonnée. Cette vie chaotique est elle-même instructive pour ses lecteurs. Si nous voulons voir l'homme moderne «au sens large », Camus est considéré comme largement représentatif.

Ryken ajoute dans son article « La vie de Camus est le refrain de fond (utile) de son écriture. Cette écriture couvre une gamme si étendue que je ne peux pas tout couvrir dans un bref essai. C’est pourquoi je mettrai l’accent sur l’œuvre la plus connue de Camus, son roman L’Étranger, publié en 1942, qui fait autorité dans la littérature moderne. Camus n'avait que 29 ans lorsque le roman a été publié ».

Le conteur d’histoires

Ce qui a frappé notre spécialiste américain dans l’Étranger c’était le fait que le protagoniste (Meursault) avait été reconnu coupable non pas pour avoir assassiné un homme, mais pour ne pas avoir pleuré les obsèques de sa mère. Cette prémisse narrative était pour lui, complètement intrigante. « Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas ». Le télégramme du foyer dit : « Ta mère est partie. FUNÉRAILLES DEMAIN. PROFONDE SYMPATHIE ». Ce qui laisse la question intrigante. Thomas Hardy a déjà affirmé qu'une histoire doit être assez frappante pour en valoir la peine. L’Étranger répond à ce critère.

Camus maintient la brillance de l'écriture tout au long du roman. La dernière phrase est aussi frappante que la première : « Pour me sentir moins seul, il ne restait plus qu'à espérer que le jour de mon exécution, il y ait une foule de spectateurs et qu'ils me saluent avec des hurlements d'exécration.”

« La première raison pour laquelle nous devrions lire Camus le romancier est donc une raison narrative et esthétique : Camus est un grand conteur et fournit le matériel et l'occasion de divertissement artistique. L’Étranger vaut la peine d'être lu pour la brillance de son style », affirme Ryken. 

Voix de l’authentique expérience humaine 

Le sujet principal de la littérature est l'expérience humaine. La littérature nous donne rarement de nouvelles informations. Au lieu de cela, elle nous met en contact avec l'expérience humaine, ce que l’Étranger fait à un degré de premier ordre.

Le protagoniste de l'histoire s'appelle Meursault. Ses actions et réponses sont anormales à l'extrême. Surtout, il est incapable de montrer un sentiment humain normal et donner une signification aux événements extérieurs de sa vie. Il tue un homme et ne ressent aucun regret. Lorsque la petite amie de Meursault, Marie, lui demande de l'épouser, le narrateur à lapremière personne dit : « J'ai dit que ça ne me dérangeait pas ; si elle tenait à ça, on se marierait ».

Dire que cela est tellement anormal qu’il n’est plus pertinent, c’est rater le coche. L'imagination accentue toujours ce qu'elle touche. En conséquence, les expériences de la vie se découpent avec une clarté plus qu'ordinaire. La vie de Meursault est un reflet tout à fait exact de nombre de personnes qui nous entourent. Une image accentuée et exagérée, certes, mais une image fidèle. Ses personnages fictifs et les événements de leur vie sont une fenêtre sur notre monde. Les informations quotidiennes sont aussi une fenêtre sur notre monde, mais elles sont vite dépassées. Meursault, au contraire, hante notre mémoire et devient une connaissance inoubliable. En le méditant, nous en venons à comprendre certaines personnes dans notre propre vie.

Camus le philosophe moderne

Camus est également un philosophe moderne. Il est vrai qu’il a maintes fois renié son appartenance aux écoles de pensée modernes. Pourtant, ces traditions sont évidentes dans ses écrits et ses interviews. Il se méfiait des systèmes organisés. Ainsi, lorsqu'il prétend ne pas être existentialiste, cela signifie qu'il ne souhaitait pas être identifié à toutes les facettes de ce mouvement et de ses adhérents. Lorsqu'il affirma dans un essai de 1950 qu'il avait tenté de toujours « transcender le nihilisme », sa tentative ne fut pas nécessairement couronnée de succès.

À son époque et par la suite, Camus était considéré comme un existentialiste. Le protagoniste de l’Étranger (que Camus prétend admirer) est un héros existentiel : englué dans un monde de subjectivité totale, considérant sa propre existence du moment comme la seule réalité, niant la possibilité d'une réalité surnaturelle et de ses consolations, vivant sous l’ombre de la mort, et opérant sur le principe que la vie elle-même est la plus haute valeur.

Il est inexact de dire qu'un tel existentialisme est mort depuis longtemps. L'existentialisme n'est pas seulement un mouvement philosophique du milieu du 20e siècle ; Il est aussi universel. De nombreuses personnes vivent et pensent en tant qu’existentialistes et, si nous voulons les comprendre, assimiler le roman existentiel de Camus est d’une grande aide.

Le mouvement littéraire et philosophique avec lequel Camus fut le plus profondément identifié à son époque était le mouvement absurde. Il n’est guère exagéré de dire que L’Étranger était le « livre d’affiche » du mouvement absurde. Jean-Paul Sartre, a écrit un essai sur L’Étranger qui a contribué à le rendre célèbre. Il dit : «L'absurdité signifie le divorce, la discordance. L'étranger est. . . un roman de discordance, de divorce et de désorientation.» Sartre a également comparé le style du livre à ce point de vue absurde, notant que chaque phrase est autonome, le monde étant « détruit et renaissant de phrase en phrase ».

Comme pour l'existentialisme, il serait faux de reléguer la vision absurde de la vie à un mouvement philosophique et littéraire du milieu du XXe siècle. L’incapacité de Meursault de donner un sens normal aux événements de sa vie - le fossé absurde entre l’expérience du protagoniste et sa réaction à cette expérience - est ce que nous voyons sous une forme moins radicale tout autour de nous. Si nous comprenons Meursault, nous en savons beaucoup sur notre propre société.

Un autre mouvement moderne qui trouve son expression chez Camus est le nihilisme. Bien que Camus ait voulu se démarquer du nihilisme en tant que système philosophique, son protagoniste fictif, Meursault, est tout à fait un nihiliste qui nie que la vie ait un sens. Meursault crie à l'aumônier qui lui rend visite en prison : "Rien, rien n'a la moindre importance." Une partie de ce nihilisme, bien sûr, consiste à nier l'existence de Dieu ("J'ai expliqué que je ne croyais pas en Dieu", dit Meursault à l’aumônier). Le nouvel athéisme qui nous afflige aujourd'hui n'est pas nouveau du tout. Nous pouvons le trouver dans le roman de Camus.

Une autre bonne raison pour que nous lisions Camus, selon Leland Ryken, « est la clarté avec laquelle son écriture incarne les principaux points de vue philosophiques des mondes moderne et contemporain ». Le fait que L’Étranger se déroule en Algérie il y a 75 ans, loin d'être un préjudice, confère au livre une distance utile par rapport à notre propre moment de l'histoire. Émancipé du fouillis superficiel de notre propre situation culturelle, l’histoire est en mesure de mettre en évidence les caractéristiques essentielles de notre monde.

Nabil Z.

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