C’est jeudi dernier, le 20 Août, comme par hasard, qu’est sorti chez Gallimard, le dernier roman de Boualem Sansal, intitulé «2084», comme pour faire écho à celui de George Orwell intitulé «1984» et qui a été un succès dans le monde entier.
Ce dernier donnait des prévisions de développement du monde à horizon de l’année 1984. Avec le temps, on s’est rendu compte qu’il avait eu raison sur presque tout ce qu’il avait prédit. Tout comme ce dernier, le roman de Sansal se veut une sorte de prédiction sur ce qui attend le monde à horizon 2084.
C’est une analyse froide de l’auteur du «Serment des barbares», autour de la question lancinante que tout le monde se pose: où va le monde ? C’est aussi une dénonciation de la marche du monde et de la direction qu’il prend. L’auteur réagit et tente d’avertir qu’au train ou les choses vont, le monde va droit dans un mur qui semble infranchissable. Pour Boualem Sansal, «la mondialisation excessive conduira le monde vers l’islamisation». Car la mondialisation est une sorte d’ouverture incontrôlée des frontières, sans règles claires ni gardes fous. Le monde fait passer les intérêts financiers avant toutes choses. C’est ce qui emmène les jeunes des pays musulmans à émigrer vers l’occident et l’occuper, puis devenir de plus en plus nombreux au point d’être capables de prendre le pouvoir. Tout commence dans un pays imaginaire que Boualem Sansal a appelé l’Abistan. Il s’agit d’un pays où la population est entièrement soumise à un ordre religieux, régi par dieu cruel qui est prié neuf fois par jour. L’essentiel des activités dans ce pays consiste à aller faire sa prière, effectuer le pèlerinage et assister aux spectacles des châtiments publics de ceux qui veulent s’affranchir de cet ordre. Sansal résume les totalitarismes décrits par George Orwell en un seul qu’il a désigné par le terme de «la Mondialisation», et il est gouverné par le monde de la finance de Wall Street.
En imposant à l’ensemble de l’activité humaine la logique de la mondialisation telle qu’imaginée par les puissants de la finance, Wall Street se laisse surprendre par la résurgence d’un phénomène qu’il croyait avoir dompté depuis longtemps: l’islam. Il s’agit d’une culture qui lui échappe. Il ne la connait pas. Elle a ses lois, sa logique et ses pratiques qui sont totalement étrangères à ce que connaissait Wall Street. Cette idéologie va produire un nouveau genre de totalitarisme qui va submerger et dépasser tous ce que Wall Street avait mis en place dans sa folie de vouloir dominer le monde. Dans une interview diffusée sur France 24, l’auteur de 2084 affirme: «Dans mon analyse, c’est le totalitarisme islamique qui va l’emporter parce qu’il s’appuie sur une divinité et une jeunesse qui n’a pas peur de la mort, alors que la mondialisation s’appuie sur l’argent, le confort, des choses futiles et périssables».
Ce n’est pas tout à fait faux. Tout le long du roman, l’auteur essaie d’argumenter et de développer cette idée. Le mépris que l’occident affiche encore de nos jours envers le monde islamique va finir par lui exploser à la figure et se retourner contre lui. Mais, ce roman n’est pas entièrement une histoire imaginaire. Il est le fruit d’une réflexion longuement menée, après avoir observé et analysé la situation. Il affirme: «la dynamique de la mondialisation musulmane se met en place». C’est une opinion largement partagée par les observateurs, mais que les politiques préfèrent ignorer pour ne pas avoir à l’affronter et à prendre les décisions qui s’imposent. Sansal à cet égard, joue le rôle d’éveilleur de conscience, sinon celui de donneur d’alerte. Le roman est riche et certainement très intéressant. Il s’agit du point de vue d’un des meilleurs écrivains algériens de notre époque, maintes fois primés pour ses romans précédents. Son combat contre l’extrémisme religieux est donc une fois encore confirmé dans ce dernier ouvrage, et Boualemn Sansal n’aura pas fini de faire parler de lui. Sa vision du monde cependant risque vite d’être dépassée par les événements, au vu de leur accélération vertigineuse. Il n’est pas si sûr que Wall Street continue d’exister en 2048, puisque sa fin semble avoir sonné quand on analyse la conjoncture économique actuelle et les analyse de nombre de spécialistes dont Jacques Atali, qui annoncent l’imminence de l’effondrement du système économique actuel. En jouant à l’apprenti prophète, Boualem Sansal risque d’y laisser des plumes, lui qui est le fruit des visionnaires du 20 Août 1956. L’avenir nous dira s’il a eu raison ou s’il s’est trompé dans son analyse. Souhaitons un franc succès à cet ouvrage et à son auteur.
N. Si Yani
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