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Photo du rédacteurNabil Z.

A propos des Langues Algériennes

Noria Benghebrit, notre ministre de l’Education Nationale, avec ses équipes pédagogiques viennent de soulever un énorme problème en invoquant la nécessité de l’enseignement des langues maternelles et de les intégrer dans les programmes scolaires.



Ce problème est tellement énorme, qu’il a d’ores et déjà soulevé des oppositions multiples, principalement dans la mouvance arabo-islamiste. Ailleurs, endoctrinés par des décennies de dénigrement des langues de nos mères, beaucoup ironisent sur la possibilité d’intégration de nos langues algériennes dans le système scolaire. Ils ont de la peine à accepter que leur langue est aussi une véritable langue. Ce qui la empêchée de se développer et de s’épanouir, c’est cette imposition d’une autre langue qu’on a voulue nationale et officielle. Si elle est effectivement officielle, c’est parce que l’Etat l’a imposée, essentiellement à l’école et dans l’administration. Ailleurs, personne ne l’utilise. Ce qui de fait, l’exclue comme langue nationale. Nos langues nationales sont en effet, le Chaoui, le Targui, le Kabyle, le Mozabite et le Dzaïri, ainsi que d’autres encore qu’il s’agira de promouvoir et de développer. Cette richesse a trop longtemps été ignorée et méprisée par ce pouvoir qui veut nous arabiser, alors que nous sommes naturellement amazighs dans un pays amazigh algérien.


En soulevant la question des langues maternelles, Benghebrit a mis le doigt sur le problème linguistique de l’Algérie. Notre pays, du moins ceux qui le dirigent, a honte de nos langues ancestrales. Et cette honte a été inculquée à nos enfants par l’intermédiaire de l’école. En rejetant la langue de nos mamans, nos dirigeants ont réussis à créer le rejet de l’école elle-même. Ce qui explique le taux incroyable d’analphabètes dans notre pays. Mais il faut nuancer les choses. Ces analphabètes ne sont pas forcément incultes. Ils appartiennent à une autre catégorie de citoyens, vivant leur culture en marge de celle que l’Etat veut imposer. Au lieu de les accompagner dans l’expression et l’utilisation de leurs outils culturels, les pouvoirs publics ont de tout temps voulu leur en imposer une autre. Elle a pourtant été rejetée par leurs ancêtres. Sinon, comment expliquer que personne en Algérie ne parle ni n’utilise l’arabe en dehors de l’école et de l’administration ? Dans la rue, dans les cafés, dans les maisons, dans les commerces, il n’y a aucune trace de la langue arabe dans les échanges quotidiens. Ce n’est que récemment que les entreprises commencent à utiliser l’arabe dans leur communication. Après avoir essayé de lancer des campagnes publicitaires en arabe classique, les opérateurs économiques se sont vite rabattus sur les langues dites populaires. L’Usage de l’arabe académique ne prend pas, et les campagnes de communication subissent des échecs répétés.


La question de l’utilisation des langues algériennes est très importante. C’est elles qui définissent la personnalité de notre peuple, et sa singularité par rapport aux autres. Avant l’arrivée des français, les algériens parlaient leurs langues sans complexe. Les arabes, ayant échoué d’imposer leur langue, les turcs n’ont même pas essayé. Ce n’est que dans le courant de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle que les français ont décidé de nous arabiser. Devant la richesse culturelle de notre pays, et la diversité de ses langues, la colonisation a décidé de nous arabiser, pour mieux nous contrôler et nous dominer. Après tout, cette méthode a marché en France elle-même, ou les langues régionales ont été écrasées au profit d’une langue unique : le français. Exit le breton, le corse, et les autres langues régionales, le système français est central et ne tolère nullement l’existence d’une culture parallèle, quitte à se priver de son apport et de sa richesse. C’est donc Napoléon qui décide d’arabiser l’Afrique du nord avec son fameux projet du Grand Royaume Arabe, en envoyant une multitude d’officiers de l’armée coloniale, formés à l’Ecole des Langues Orientales, pour ouvrir ce qu’on a appelé les « Bureaux Arabes ». Ces officiers avaient été chargés de « normaliser » notre langue et notre culture. Ils se sont donc attaqués à l’arabisation des noms des villes et des villages, ainsi qu’aux patronymes. Nos noms de familles ont subis le rabot de la machine française pour, nous avait-on dit, mieux nous civiliser. Car en restant amazighs authentiques, on ne pouvait qu’être barbares, dépourvus de toute civilisation, à leurs yeux. C’est donc grâce à la politique d’arabisation imposée par l’armée coloniale que l’Algérie est sortie de son ignorance et de son analphabétisme. Grâce à eux, le taux de lettrés qui était de 2% de la population en 1830 est passé à 2% à la fin du siècle. Ce sont ces mêmes lettrés qui ont profité de la nouvelle politique qui n’a eu aucune incidence et aucun impact sur le reste de la population.


Un amazigh est un amazigh, et il ne changera jamais. D’autant plus que c’est justement notre peuple qui a donné à l’occident ses maitres à penser. Augustin, Apulée, Gélase, et bien d’autres, ont effectivement transmis le savoir amazigh à l’occident inculte et barbare. Et aujourd’hui, on essaie encore de nous écraser pour effacer toute trace de leur ignorance. Le meilleur moyen qu’ils ont trouvé pour ce faire, c’est l’utilisation de l’arabe comme moyen d’effacement de la berbérité de l’Afrique du Nord. C’est pourquoi il est important de réaliser que toute politique d’arabisation menée par nos gouvernants, n’est que le prolongement de la politique coloniale française. L’occident sait qu’en nous imposant cette politique, ils nous maintiendront toujours dans l’ignorance et l’inculture. Nous laisser nous ré-approprier notre culture les mettrait en danger de concurrence et de dépassement à court terme. Il n’y a pas plus intelligent et plus cultivé qu’un berbère qui a la liberté de jouir de son patrimoine et de ses ressources civilisationnelles, dont la langue ancestrale. Libérer la langue, c’est ouvrir le passage au contenu du cœur et de la pensée. Et dans ce domaine, nous n’avons plus grand-chose à prouver. L’Histoire parle pour nous. En libérant l’expression linguistique, les amazighes arrivent très vite à dominer même les langues étrangères. Et l’occident le sait. Il a trouvé le moyen d’installer un faux barrage sur nos lèvres pour filtrer nos paroles et contrôler notre esprit. Et qui mieux que les « arabes » savent jouer le jeu de la répression pour le compte de leurs maîtres ?


En proposant de libérer les langues maternelles, Benghebrit a montré du doigt la porte de sortie, et l’issue de secours pour notre peuple. Une fois la langue libérée, le savoir circule, féconde, enrichit et développe toute la nation. Tous les peuples développés ont un lien étroit avec leur langue source authentique et ancestrale. Nous serions bien avisés de méditer sur la proposition Benghebritale et ne pas avoir peur d’en débattre. Il convient de vite s’organiser et manifester notre soutien à cette proposition et de constituer des groupes de réflexion et d’action, en vue de concrétiser cette véritable révolution qui viendrait compléter celle du 1er novembre dont les objectifs n’ont pas encore été tous atteints.


Nabil Z.


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