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Photo du rédacteurNabil Z.

Autodafé Politique à Ankara

Depuis le déclin de la laïcité en Turquie, et l’arrivée des islamistes au pouvoir, ce qui était le pays d’Atatürk vit un véritable cauchemar sur les plans politique et culturel. L’actuel Président Erdogan se comporte en véritable despote, et n’entend lâcher ni le pouvoir, ni son idéologie. Le livre est devenu un de ses ennemis le plus combattu.


Derrière une apparence de modernité, Erdogan se comporte comme un véritable dictateur, s’attaquant à tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Après la purge dans l’armée, il a réduit l’opposition à sa plus simple expression. La presse et les intellectuels sont dans sa ligne de mire, et nombre de journalistes, de penseurs et d’écrivains se sont retrouvé derrière les barreaux. Et ce, dans un quasi silence de l’occident, malgré la dénonciation de ces faits çà et là par des intellectuels occidentaux.

Mais il existe une autre situation des plus alarmantes dans ce pays, et qui est passé sous silence. C’est le sort des livres dans les bibliothèques de l’ancien empire ottoman. En plus de la fermeture d’un grand nombre de journaux et de maisons d’éditions, une véritable censure a été imposée aux livres étrangers et ce, quel que soit leur langue.

Le journal allemand, « Deutsche Welle » vient de publier une enquête surprenante sur la situation de la liberté culturelle et intellectuelle en Turquie. « Des dizaines de milliers de livres ont été retirés des collections des bibliothèques turques depuis juin 2016 ». Pourquoi précisément cette date ? Il faut simplement se rappeler qu’un groupe de militaires avait fait une tentative de coup d’Etat, et que cela avait échoué. Erdogan a depuis, réagi avec beaucoup de violence. Pris de panique, et vivant dans une certaine paranoïa, il voit des ennemis partout. Des centaines de milliers de fonctionnaires, enseignants, journalistes, médecins, avocats et juges ont été démis de leurs fonctions, opérant ainsi une purge unique dans les annales de la Turquie.

Erdogan a publiquement accusé son plus grand opposant Fethullah Gülen, réfugié aux Etats-Unis, d’avoir été l’inspirateur et l’organisateur de la tentative de putsch. Le président turc s’en est pris ensuite à l’ensemble des Etats occidentaux soupçonnés de soutenir l’opposant. Il s’est attaqué tour à tour à Obama, Cameron, Merkel, Netanyahou, Hollande à Sissi, au roi Salman, et à toute l’Union Européenne. La purge continue encore à l’heure actuelle. Plusieurs intellectuels turcs se sont réfugiés à l’étranger pour fuir la politique inquisitoire du dictateur.

Concernant la purge dans les bibliothèques, c'est le ministre de la Culture turc en personne qui en a fait l'annonce. Sans le moindre du monde essayer de le nier. Répondant à une interpellation d’un député de l'opposition, Numan Kurtulmuş a déclaré que "les publications sur le mouvement Gülen et Fethullah Gülen, ainsi que celles de maisons d'édition fermées par décret du gouvernement, présentes dans les 1142 bibliothèques placées sous notre juridiction, ont été retirées d'urgence". Il faut bien noter le mot « urgence » dans cette réponse. Cela indique le degré de panique dans lequel est tombé le gouvernement d’Ankara. Mais en plus, le ministre ne dit pas toute la vérité sur le sujet, puisque ce ne sont pas seulement les livres de l’opposant Gülen et de son mouvement qui ont été retirés des bibliothèques. Ce sont tous les livres de littérature, philosophie et d’histoire qui ne vont pas dans le sens de l’idéologie prônée par les islamistes de l’AKP, le parti d’Erdogan. Comment alors expliquer l’interdiction des livres d’Albert Camus, de Baruch Spinosa ou encore de Louis Althusser ?


Le journal allemand ajoute : « Depuis le mois de juin 2016, trente maisons d'édition auraient fermés, par décret gouvernemental. En tout, 139.141 titres sont sur la sellette, notamment des ouvrages d'Albert Camus, du philosophe Spinoza ou de Louis Althusser, qui auraient, d'après les censeurs, "appartenu à des organisations terroristes".

Cette situation est parfois poussée jusqu’au ridicule, puisque tous les livres faisant une référence spécifique aux lettre F (comme la vitamine F) et G (Comme le point G) ont été supprimés des rayonnages. Lesdites lettres sont les initiales de Fethullah Gülen.

Cet autodafé politique qui ne dit pas son nom augure de lendemains encore plus sombres, puisque, poussé au bout de sa logique, il faudrait maintenant faire la chasse aux lecteurs, aux penseurs, et même, pourquoi pas, aux auteurs eux-mêmes. Qu’importe s’ils ne sont plus de ce monde.


Nabil Z.

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