Pourquoi est-ce que les villes d’Alger, Oran, et Constantine, ont-elles gardé leurs noms français, alors que la ville de Bougie a dû abandonner le sien ?
A l’instar des noms des villes sus citées, le nom de Bougie a aussi une véritable histoire. Ce nom résulte à la fois d’une évolution historique et d’une transformation linguistique. Beaucoup pensent, à tort, qu’on a appelé cette ville du nom de Bougie à cause des nombreux savants et des nombreuses inventions et innovations qui ont eu lieu à Béjaia. Détrompons-nous. La vérité est tout autre. Et pour aller au fonds des choses, elle est tout à fait l’inverse de ce que la majorité des gens pensent et croient à ce propos. Revenons aux origines…
Comme beaucoup de villes berbères, Béjaia porte le nom d’une plante. C’est aussi le cas de Bouira, Thouvirets, Tizi-Ouzou et de pas mal d’autres villes. En Tamazight, Béjaia porte le nom de Vegga, d’où son nom de Vegayet. Vegga est un fruit sauvage qui pousse abondamment dans la région. Il s’agit des mûres. On les appelle aussi Thizwel.
Le nom de Vegayet va se transformer et évoluer avec le temps, et grâce aux vicissitudes de l’histoire. En effet, la situation géographique et géostratégique de la ville en a fait de tous temps un objet de convoitise pour les puissances étrangères, depuis les phéniciens jusqu’aux français, en passant par les romains, les vandales, les byzantins, les arabes, et les ottomans. Vegayet sera également appelée Saldae par les phéniciens puis par les romains. Mais la population indigène a toujours gardé son nom, malgré les tentatives des puissances dominatrices d’en imposer un autre. Au onzième siècle, Moulay Nacer, souverain de la ville et du royaume a voulu l’appeler Ennaceria. Mais la tentative a échoué, étant donné que ses habitants étaient très attachés à son nom kabyle, Vegayet.
Contrairement à ce qu’affirmait Ibn Khaldoun, Béjaia n’a jamais été Bekkaia la pleureuse, mais bien Bidjaia la lumineuse. Le nom de Béjaia est venu de la déformation du nom original Vegayet retranscrit en arabe. Ecrire Vegayet en caractères arabes ne peut donner autre chose que Bedjayet. Le suffixe « t » en arabe n’étant pas prononcé, Bedjayet est devenue Bedjaya, d’où Béjaia.
A l’arrivée des espagnols, la retranscription du nom de Bejaia dans leur langue va donner Bugia. La particularité de leur prononciation ne leur donnait guère le choix. Et c’est ce nom de Bugia qui donnera plus tard en français le nom de Bougie.
Bougie est donc purement et simplement la retranscription française du nom original berbère Vegayet. Il n’y a aucun mystère la dessus. Quel serait alors le lien entre la bougie et le nom de la ville ?
L’abondance de la végétation et des fruits sauvages dans la région a fait de Bougie un véritable refuge pour les essaims d’abeilles. Ce qui produisait de la cire en abondance. C’est ce qui permettra aux autochtones de développer quelque chose de particulier qui va révolutionner les moyens d’éclairage dans le monde. Laissons l’encyclopédie en ligne Wikipedia nous en dire un mot : « Durant des siècles, le jonc a été utilisé pour faire des chandelles. Fendu avec précaution pour ne pas en abimer la moelle, il était trempé dans de la graisse végétale ou animale qu'on laissait ensuite durcir. On le faisait brûler dans des brûle-joncs. En Occident, à partir du Moyen Âge la chandelle rivalise avec la lampe à huile. Cette dernière a l'inconvénient de réclamer une attention constante : il faut la remplir régulièrement, couper et remonter la mèche qui charbonne, nettoyer l'huile qui coule. La chandelle, seulement constituée d'une mèche entourée de suif de bœuf ou de mouton, est plus pratique sans être excessivement chère (mais elle est taxée et l'huile reste plus économique). Moins de liquide qui se renverse, de flamme à ajuster, de réservoir à remplir. Mais le suif coule et graisse les doigts, la flamme demeure jaune et fumeuse, il faut toujours entretenir la mèche qui finit par charbonner ». La région de Bougie « fournissait une grande quantité de cire utilisée à la place du suif dans les chandelles, qualifiées alors de "bougies" : sur le plan terminologique cette appellation est réservée à un instrument fait exclusivement de cire d'abeille ».
C’est donc la ville de Bougie qui a donné son nom à la bougie, et non l’inverse. C’est une particularité ignorée par la majorité des gens qui ont toujours cru que la ville a reçu le nom de la bougie, alors que c’est la bougie qui porte le nom de la ville. Vegayet a donc donné au monde un merveilleux moyen d’éclairage et a contribué à éclairer le monde par son génie. Il est pour le moins anormal que la ville méprise et rejette ce qui devrait faire sa fierté, quoi que pas exclusive, Bougie ayant beaucoup d’autres atouts à faire valoir. Appeler Vegayet en français par son nom arabe, c’est renier son génie et ignorer l’une de ses contributions majeures au développement de la civilisation humaine. De plus, cela a tendance à renfermer la ville berbère à dimension universelle dans un carcan exclusivement arabe, puisque même le nom de Vegayet n’existe nulle part dans les arcanes de l’administration et de l’Etat algériens. N’est-il pas temps d’y remédier, non seulement en lui restituant son nom français à la ville, à l’instar d’Oran par exemple qui continue à porter son nom D’Ihran devenu wahran en arabe puis Oran en Français. Il serait important de le faire en valorisant, en cette année internationale de lalumière, tel que décrété par l’Unesco, ses atouts de ville de lumière et de civilisation. N’est-il pas temps d’aménager une place centrale dans la ville qui serait la place de la Bougie ? ou bien d’en installer une géante sur le sommet même du Mont Gouraya, qui puisse être visible à des centaines de kilomètres à la ronde ? Bougie revendiquerait alors pleinement son statut et récupérerait son histoire. N’est-il pas temps de placer des lampadaires sur le boulevard central de la ville, en forme de bougies, plutôt que ces affrosités qui balisent son allée centrale ? Est-il normal que ce soit la ville de Tizi-Ouzou qui ait aménagé une place de la bougie au lieu que c soit Bougie ? Vegayet-Béjaia-Bougie a l’avantage d’avoir un nom dans chacune des langues qui y sont pratiquées : Tamazight, taaravth et taroumith. Pourquoi ne pas lui rendre cet atout qui en fait encore un objet de convoitise et de jalousie ? Ville de civilisation, de lumière de tolérance, d’art de culture, et d’histoire…Alors, si La capitale de la culture arabe s’appelle toujours Constantine, au nom de quoi la capitale de la lumière ne s’appellerait pas Bougie ?
Nabil Z
Je ne peux qu'être très fier de vous cher Frère et Ami, pour tout ce que vous faites et pour ma culture, et pour mon identité et pour le vrai Créateur. Mille fois merci