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Photo du rédacteurNabil Z.

Comment la Culture Traite-Elle les Evénements du 13 Novembre à Paris ?

En Algérie, nous sommes bien placés pour avoir un regard critique sur les traitements qui ont été réservés aux attentats de Paris de la semaine dernière. Pour l’avoir vécu, nous ne pouvons qu’exprimer notre compassion.



Ce mot, littéralement veut dire « partage de douleur ». Pour paraphraser la déclaration de Bachar El Assad, chez nous, ce genre d’attentats était quotidien. Seuls les médias rendaient compte de la réalité, malgré les restrictions qui leur ont été imposés, à la fois par les autorités, et la menace des terroristes. Nous les avons vécus, intégrés dans nos vies quotidiennes et avons avancé malgré tout.

Mais en France, le traitement de l’événement est très différent. D’abord parce que la permanence des attentats n’a pas encore été formellement établie. Leur fréquence n’a rien avoir avec le quotidien syrien, libyen ou malien. De plus, l’environnement médiatique est totalement différent. C’est ce qui permet à la France d’avoir des regards multiples sur l’événement. Ainsi, il y a un traitement politique, médiatique, économique, culturel,… chacun y va de son analyse, et les événements de ce Vendredi 13 ont été disséqués et décortiqués au risque de les vider de leur substance.

Comment comprendre en effet, que parmi les appels à la résistance, figurent des appels à aller « boire un coup » en terrasse, ou aller en masse assister à des galas artistiques et des matchs de football. Alors qu’au niveau administratif les rassemblements ont été interdits, les français ont su contourner cet obstacle pour manifester publiquement leur réaction. C’est salutaire pour l’ensemble de la société française qui a ainsi le courage d’affronter sa douleur, même si elle n’y comprend pas grand-chose.

Déjà, de nombreux journalistes se sont mis à réunir un maximum d’informations pour publier des livres relatant cet événement, tandis que les écrivains de toutes sortes ont déjà commencé à s’inspirer des attentats pour rédiger des romans, des fictions inspirés de la terrible réalité. Des documentaristes ont déjà élaboré leurs scénarios, et des cinéastes cherchent à réaliser des films sur le sujet. Les vidéos amateurs tournées çà et là sur les lieux des drames se vendent sous le manteau à prix d’or. Le traitement médiatico-culturel bat son plein en ce moment, alors que le recul nécessaire permettant d’appréhender ces événements avec sérénité n’a pas encore été pris. Les cendre des explosions sont encore fumantes, et nombre de personnes décédées dans les carnages qui ont été commis n’ont pas encore été enterrées, alors que d’autres demeurent encore non identifiées. Cela ne rappelle-t-il pas le célèbre « Apocalypse now » de Francis Ford Copolla réalisé et produit moins de cinq ans après la fin de la guerre du Vietnam ? A l’époque déjà, on s’étonnait comment le célèbre producteur américain avait pu tourner un film en un temps aussi court. La course médiatique ne permet plus de perdre du temps. Tant que c’est encore chaud, il est plus facile de battre le fer. Et c’est ce que semble faire la classe intellectuelle de l’hexagone, au risque de tomber dans toutes sortes d’excès.

Ce qui ne justifie en rien le traitement culturel que l’Algérie a réservé à notre décennie noire. Notre pays a tellement souffert dans sa chair, qu’il a été pressé de tourner la page et d’oublier. Il est presque devenu impensable de reparler de cette période de notre histoire. Pourtant, tous les psychologues vous le diront, il est important d’en parler, pour éviter que les souvenirs ne s’enfouissent au fonds des mémoires, alors que les blessures n’ont pas encore été guéries. Il est important que les protagonistes s’expriment pour que la blessure évite de s’infecter. A part quelques moments ou des articles dans la presse qui ont réellement abordé la question, la douleur a conduit les intellectuels algériens à vite tourner la page pour démarrer une nouvelle vie, et faire comme si rien ne s’était passé auparavant. Plusieurs d’entre eux ont même changé de livres et de cahiers, allant vivre outre-mer, pour entièrement changer d’environnement et ne plus faire face aux souvenirs douloureux. Quinze années après la fin du gros des activités terroristes, il n’y a eu que très peu de livres qui ont été publiés à ce sujet. Vraiment peu, comparé à l’ampleur de la catastrophe. Combien de pièces de théâtre ont-elles été consacrées au sujet ? Combien de films, de documentaires, de reportages,….

La production intellectuelle de notre pays au sujet de la terrible période qui a été traversée durant les années quatre-vingt-dix a été étouffée par une mauvaise lecture de la loi sur la concorde civile, qui interdisait de ressusciter les causes du calvaire, au risque de rallumer le feu. En aucun cas elle n’a interdit de réfléchir sur le sujet et d’essayer de comprendre les tenants et aboutissant de cette catastrophe nationale. N’est-il pas temps de tenter des analyses de type scientifique entre personnes compétentes pour essayer de rechercher une sorte de thérapie nationale pour guérir toutes les blessures engendrées par une dizaine d’années de terreur ? Il est vrai que ce feu n’est pas entièrement éteint, mais quand même… Ce n’est pas seulement le rôle des médecins et autres « psys » de tenter de guérir la nation. C’est aussi la responsabilité des politiques, des poètes, des artistes peintres, des dramaturges, des écrivains, des romanciers, des chanteurs,… cela fait quinze ans que le pays traine sa douleur, sans que personne n’ose élever la voix pour dire que l’Algérie a mal, et que la seule solution pour que la plaie ne s’infecte pas, c’est d’ôter le bandage qui la cache, et permettre aux médecins de l’âme de la nettoyer et de la traiter.

Nabil Z. -- Eclaire dans la nuit


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