Le CV de ce chercheur amazigh est assez impressionnant, et son parcours mériterait d'être connu de tous, tant ses travaux aident concrètement à mieux connaître l'Homme en général, et celui de l'Afrique du Nord en particulier.
On peut lire sur son site web que Djilali Hadjouis est « diplômé du Muséum National d’Histoire Naturelle et des universités de Paris VI et de Perpignan Il fait des recherches depuis trente-cinq ans dans trois domaines directement liés à la paléontologie. Après avoir été enseignant-chercheur, il est recruté en 1991 au Service Archéologie du Val de Marne comme archéozoologue et paléoanthropologue, il est également directeur de recherche et professeur associés aux universités ».
Ce palmarès est déjà très éloquent, et on sait tout de suite que nous n'avons pas affaire à un chercheur ordinaire, mais plutôt à une perle rare. Il est l'auteur de plusieurs publications scientifiques de premier ordre. « Il a rédigé plus de 200 articles et ouvrages couvrant ces trois disciplines, organisé plusieurs colloques scientifiques, dirigé plusieurs thèses de doctorat, découvert une dizaine de nouvelles espèces animales fossiles africaines et décrit plusieurs maladies dans le territoire du sud est parisien ». Mais Djilali Hadjouis ne n'est pas laissé enfermer dans le bassin parisien, et n'a surtout pas oublié ses racines. Ses recherches portent aussi sur l’Afrique du Nord. Il est co-directeur d’une mission franco-algérienne portant sur l’ADN des Homo sapiens.
Afalu Burmel
Djilali Hadjouis s'est intéressé de près à l'Homme d'Afalu, retrouvé à Melbou près de Béjaia dans les années vingt du siècle dernier. Les célèbres collections anthropologiques d'Afalu Burmel retrouvées par Camille Arambourg en 1927 et fouillé de 1928 à 1930 étaient composées d'une cinquantaine d'individus jeunes et adultes. Ces fouilles avaient été reprises par l'équipe de Slimane Hachi dans les années quatre vingt. Plusieurs travaux spécialisés ont vu le jour après la fameuse monographie de 1934 consacrée à l'ensemble des grottes de Beni-Seguoual. C'est ce qui a poussé Djilali à publier un ouvrage extrêmement bien documenté et détaillé sur le sujet. Il met en évidence de nouvelles recherches paléoanthropologiques et paléopathologiques selon des paramètres d'analyse basés sur la morphogenèse architecturale cranio-faciale par imagerie numérisée.
Ainsi, avec son équipe, il a réussit à reconstituer le visage de l'Homme d'Afalu Burmel, lui donnant enfin une image au travers de laquelle nous pouvons mieux l'identifier et l'étudier. Dans une correspondance avec lui ou nous avons voulu en savoir davantage, voici ce qu'il nous a écrit en substance: « Que pourrai-je vous dire sur la reconstitution faciale d'Afalou ? Pour moi ce n'est qu'une étape de ma recherche afin de mettre en volume ce que j'ai pu analyser sur le morphotype de ce qu'on appelait avant les cro-magnoides d'Afrique du Nord. Et surtout de comprendre à travers le mécanisme de l'avulsion dentaire des incisives supérieures, le développement sur la morphologie faciale. C'est un contexte que j'aborde également avec mes collègues orthodontistes et orthopédistes dento-faciaux. La femme de Taza II, du même groupe humain de Mechta-Afalou, je l'ai fait reconstituer car elle présentait une luxation mandibulaire (avancée de la machoire inférieure), le mechtoide d'Ain Guettara (grottes d'Oran), afin de voir sa morphologie comparative et dentaire avec des individus néolithiques, donc plus récents. Chaque individu a sa propre croissance, même s'ils font partie de la même ethnie méditerranéenne, maghrébine et africaine ».
Mais cette recherche est quelque peu compliquée, surtout quand il y a si peu de travaux antérieurs sur ce même sujet. Djilali Hadjouis fait œuvre quasiment de pionnier. « Mes recherches sur l'évolution morphologique, sanitaire et génomique sur les Mechta-Afalou avancent peu, mais à chaque fois, les résultats sont spectaculaires (fonction, alimentation, pathologies ...) » nous a-t-il ajouté.
Il y a donc encore du travail à faire, et il faut souhaiter que notre chercheur trouve les moyens et aides nécessaires pour arriver à ses fins.
Atlas des mamifères
Mais Djilali Hadjouis a aussi publié d'autres travaux qui concernent cette partie de notre histoire. Il s'agit entre autres, d'un « Atlas des mammifères quaternaires et actuels d'Algérie », Edité au Centre National de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques d'Alger en 2014.
Sur son site on peut lire : « Les atlas de Mammifères, de Reptiles, d'Oiseaux et de Poissons actuels sont légion et d'une très grande utilité pour le spécialiste ou l'amateur éclairé. En revanche, aucun atlas des Mammifères fossiles n'existe pour l'Afrique du Nord, un tel exercice n'est pas facile, en raison de la Classe des Mammifères qui regroupe un très un grand nombre d'espèces. C'est donc le premier atlas des Mammifères quaternaires d'Algérie et par extension d'Afrique du Nord. Des dizaines de milliers de restes osseux, provenant d'une trentaine de gisements quaternaires d'Algérie, ont donc été analysés et inventoriés. Cent dix espèces de mammifères sont décrites, accompagnées pour la plupart de dessins, soigneusement reconstitués en fonction des fossiles conservés ( Crânes, chevilles osseuses de cornes, bois de cervidés, os des membres). Les espèces décrites proviennent exclusivement de sites archéologiques, exceptionnellement de sites paléontologiques quaternaires, depuis le début du Pléistocène inférieur jusqu'à la fin du Pléistocène supérieur. Certains taxons retrouvés dans des niveaux plus anciens comme le Pliocène, ont été décrits eu égard à leur statut paléontologique ou leur critère biostratigraphique. Plusieurs espèces nouvelles découvertes dans les années 1980 sont décrites aujourd'hui dans cet atlas pour la première fois ».
Djilali Hadjouis et ses travaux mériteraient donc largement d'être connus du grand public. Surtout si un jour on décide de se réapproprier notre patrimoine historique dans toutes ses dimensions, et de faire connaître cette richesse inestimable qui devrait faire la fierté de notre peuple, au lieu de le garder enfouis dans les ténèbres au risque de le voir à nouveau enterré dans un afalu qui ne dit pas son nom.
Nabil Z.
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