En apparence, rien ne destinait ce berbère du village d’Azemmour au Maroc à devenir l’un des plus phénoménaux interprètes que l’Espagne ait connu et qui leur a fait découvrir le sud des Etats-Unis.
Estevanico était le surnom donné à un certain Mustapha Zemmouri. Il avait été capturé en 1522 au bord de la mer dans son village de Azemmour, puis vendu comme esclave à des portugais puis à un riche espagnol. Son nom est mentionné dans de nombreux journaux de bord d’expéditions espagnoles dans le sud-ouest américain. Il serait né vers l’an 1500 et mourut moins de quarante ans plus tard.
Ce qui impressionna ses maîtres fut son intelligence et sa capacité à apprendre vite de nouvelles langues ; notamment le portugais et l’espagnol. On ne sait pas si ce sont ses maîtres qui lui ont changé de nom ou s’il s’est converti au christianisme, mais Estevanico avait eu plusieurs surnoms, témoignant d’un changement certain de son statut d’esclave vers un autre, le libérant définitivement pour lui permettre d’exercer ses phénoménaux talents lors des expéditions espagnoles dans le Nouveau Monde.
En effet, Estevanico était également appelé "Stéphane le Noir", "Esteban", "Esteban le Maure", "Estevan", "Estebanico", "Stéphane le Maure", ou encore "Stéphane le Petit").
Il accompagna une expédition vers le sud des Etats-Unis, et atterrit dans l’actuelle Floride. Les relations avec les indiens n’étaient pas au beau fixe, mais grâce à son intelligence hors pair, il réussit à comprendre la langue des indiens, et même à la parler, en seulement quelques jours. Tout le monde fut impressionné par ce talent, et il a eu droit à tous les honneurs. Quand les choses se sont gâtées entre les espagnols et les Peaux-Rouges, tous les européens furent tués par les indiens, noyés ou mort de faim, à l’exception d’Estavanico et de trois de ses camarades, Andrés Dorantes de Carranza, Álvar Núñez Cabeza de Vaca et Alonso del Castillo Maldonado. Ils vécurent en milieu indien pendant quatre années, avant de rejoindre la Nouvelle Espagne, l’actuel Mexique. Cette histoire est consignée dans un classique de la littérature espagnole, le livre de Álvar Núñez Cabeza de Vaca : Naufragios, les Naufragés.
Ces talents d’interprètes polyglottes lui réservèrent une place de choix auprès du roi de Mexico, et son vice-roi Mendoza le charge d’accompagner Fray Marcos de Niza en tant que guide pour aller à la recherche des fabuleuses cités d'or. Mais durant cette expédition ses camarades contractèrent une grave maladie et Estevanico fut le seul à pouvoir continuer la mission, ouvrant le chemin de ce qui est maintenant appelé le Nouveau-Mexique et l'Arizona. En plus de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb conduit par les frères berbères Pinzon en 1492, voila que maintenant on découvre que ce fut également un berbère qui a conduit les conquistadors à la découverte les territoires sud des Etats-Unis.
Alors que tous les historiens sont d’accord pour dire que le Sud-Ouest américain n'aurait jamais été atteint par les Européens sans Estevanico, aucune place publique, aucun parc, bâtiment ou avenue n’ont été nommés en son honneur. Pour Kevin Washburn, professeur de droit à l'Université du Nouveau-Mexique, citoyen de la nation Chickasaw de l'Oklahoma, l'histoire d'Estevanico était oubliée dans l'histoire du Sud-Ouest en grande partie à cause du racisme. Il est dit qu'Estevanico fut un polyglotte remarquable capable d'apprendre en quelques semaines le langage des Amérindiens. Il est également dit qu'il fut considéré comme une déité par les tribus amérindiennes en raison de son grand savoir en ce qui concerne les herbes et les remèdes.
Il fut donc à la fois interprète traducteur, explorateur et pionnier dans la découvertes de nouveau territoires en Amérique. Il reste curieusement également inconnu en Afrique du Nord, et rares sont ceux qui en ont entendu parler. Heureusement que Hamza Ben Driss Ottmani lui a consacré un roman-hommage publié en 2006, Le Fils du Soleil.
Les talents du fils d’Azemmour lui ont ainsi ouvert de nombreuses portes. Mais malheureusement, il y eut autour de lui des gens qui s’en méfiaient et qui l’accusaient de vouloir faire le mal aux population autochtones. Il fut tué par la tribu des Zuñi d'Háwikuh qui le croyaient animé de mauvaises intentions à leur égard. Pourtant, d’autres tribus le venéraient à cause de sa connaissance approfondie des plantes médicinales grâce auxquelles il faisaient des miracles lors de ses passages. Pas étonnant pour celui qui a grandi en consommant de l’huile d’Olive, tellement efficace contre les maladies que son village natale en porte encore le nom. D’ailleurs, beaucoup d’autres villes en Afrique du Nord portent ce nom, comme Zemmoura du côté de Relizane, ou Zemmouri à Boumerdès.
Nabil Z.
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