On connait presque tous l’histoire de la Kahina, la reine juive berbère des Aurès qui a combattu les invasions arabes du septième siècle. Mais, qui a entendu parler de Fatma Tazoughert, la reine rousse des Aurès ?
Fatma Tazoughert était une reine chaouie de la rive nord des Aurès, qui a vécu à l’poque ottomane. C’était, selon les informations disposibles, une mystique, une guerrière, et avait des dons de guérisseuse. La Reine Rousse existe dans l’histoire populaire des chaouis et sa légende est rapportée par des conteurs et poètes de tradition populaire orale. Malheureusement, et comme dans la plupart des cas chez les Berbères, il n’existe presque pas de traces écrites relatant ses faits et exploits. C’est pourquoi son existence même a été remise en question et reléguée au rang de légende.
Pourtant, les sources orales ne sont pas à ignorer, surtout quand les textes écrits font défaut. Fatma la Rousse serait née dans la région de Tamerwent (Merouana) prés de Batna, en l’an 1544. Soit au début de l’poque ottomane. L’écrivain poète et chroniquer Mohamed Nadir Sebaa, la comparant avec la Kahina dit d’elle : « Que savons-nous de cette reine légendaire, qui récitait le Coran par cœur, entretenait des relations commerciales avec chrétiens et juifs, montait les tapis, les burnous – ajridi et les chevaux avec habileté, grâce et adresse ? Unique femme dit-on des siècles après la Kahéna ».
Tazoughert était donc rousse. Sa beauté, tout comme celle de la Kahina était légendaire. Elle fait toujours partie de sa légende, et les conteurs n’omettent jamais de la rappeler. Chose qui semble naturel dans les Aurès, et moins ailleurs, elle accéda au trône selon une tradition matriarcale oubliée et remise à l’ordre du jour par elle. Le même Mohamed Nadir Sebaa a rapporté des vers de la poétesse chaouie Lalla Khoukha Boudjenit, dite Khoukha Tachawit rendant hommage à la reine berbère :
« Hommage à vous Fatma Tazoughert ;
Nous avons complété vos trésors en choses merveilleuses ;
rempli vos réserves d’orge, d’huile d’olives, de miel et de blé ;
Dans nos cœurs, avons gravé votre nom magique pour l’éternité».
Ou encore :
«Taisez-vous tourterelles colombes ;
Chênes, oliviers, cèdres et pins ;
Les cascades d'eaux vives se figent ; Dans une expiation extase ;
Tazoughert Reine des Aurès ;
L'aphrodite, l'autre déesse ;
Se baigne dans le lit envoûté des Tifouress ;
Dans un insolite copsage liquide faiseur ;
De l'historique copulation ».
La légende la concernant raconte qu’elle serait d’une lignée de chefs guerriers auressiens, agissant dans le cadre d’une large conférdération tribale. Dès son accession au trône, elle instaura un conseil de sages exclusivement féminin, et s’est montrée comme une redoutable guerrière. Elle s’est vite engagée dans des guerres de conquête, et alla jusqu’à prendre les villes de Fez, Meknès et Marrakech. De l’autre côté, elle a étendu son influence jusqu’à M’sila et Tébessa. Sebaa la décrit comme suit : « Elle était réputée comme étant une redoutable guerrière, une cheffe de guerre qui avait un excellent sens de l’organisation et du commandement à la tête de ses troupes. Habillée en hoplite, elle restait libre tout en dirigeant la multitude et exerçait sur les montagnards un incontestable ascendant ». Son objectif était de rassembler les berbères, y compris les tribus « arabisées », pour constituer une force suffisante pour repousser lamenace ottomane. On lui attribue, tout comme on l’a fait avec la Kahina, des pouvoirs de prêtresse et de guérisseuse. Ce qui, dit-on, encourageait ses soldats, étant confiants qu’en cas de blessure, leur reine saurait les guérir, notamment grâce à ses connaissances avancées des plantes médicinales qu’elle aurait héritée de sa mère Adhfella. Lalégende rappelle que la Rousse s’occupait elle-même des blessés et entretenait une bonne relation avec ses soldats et ses esclaves.
Mais l’exercice du pouvoir ne va pas sans avoir des opposants, notamment dans son propre clan. En l’occurrence, Fatma trouva de la résistance parmi ses propres frères : Zoltan et Sellam. Elle finit par exécuter le premier et exiler le second.
La Légende de Fatma Tazoughert ne s’arrête pas là. Sans donner des détails sur son mari- ou ses maris-, on lui attribue une descendance de pas moins de dix-sept enfants. Comment aurait-elle pu mener autant de guerres en étant ainsi enceinte quasiment en permanence ? La légende ne nous le dit pas. En fait, ce détail approfondit encore son mystère et épaissit sa légende. Elle est ainsi considérée comme étant l’ancêtre des Ouled Fatma de Merouana, Tamerwant, dans la wilaya de Batna.
Au plan politique et économique, Fatma la Rousse qui aurait hérité de ses parents d’une grnde fortune, a entretenu des relations fructueuses avec les juifs et les chrétiens, aussi bien locaux qu’à l’étranger. Le commerce, malgré les conditions difficiles de l’époque, fut prospère, et elle a ainsi réussit son reigne. Après une longue vie, estimée à plus de quatre-vingt ans, elle a laissé derrière elle une histoire légendaire qui continue à inspirer les habitants des Aurès.
Nabil Z.
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