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Photo du rédacteurNabil Z.

Françoise Atlan, de Bougie à l’international, une artiste de l'Andalou.

Parmi les artistes berbères actuels, il y en a qui ont une réputation internationale, sans que notre patrimoine officiel ne les intègre, et restent donc inconnus du grand public algérien, laissant ce privilège aux seuls initiés. C’est le cas de Françoise Atlan, originaire de Béjaia.



Françoise Atlan est une artiste exceptionnelle. Elle chante le répertoire arabo-judéo-andalou. Elle interprète souvent des noubas qui sont habituellement réservées aux hommes. Dotée naturellement de capacités vocales remarquables, elle travaille sa voix en même temps que ses instruments depuis déjà l’âge de six ans. Elle commence par apprendre le piano et interprète la musique de chambre. A l’université, elle étudie la musicologie à Marseille, et travaille en même temps ses techniques vocales et le répertoire lyrique avec Andréa Guiot de l’Opéra de Paris. Elle interprète, en solo ou en groupe les chants du Moyen-âge et se permet également de jouer au solfège avec sa mère. En 1984, elle obtient son premier prix, celui du piano. Elle continue ainsi sa carrière, se faisant remarquer et inviter par les plus grands ensembles, propulsant sa carrière de manière remarquable. En 1992, elle enregistre son premier album « Romances Séphardies », et deux années plus tard, elle sort son deuxième album, « Entre la Rose et le Jasmin », et obtient le Diapason d’or. Selon le site internet « Great Song » Françoise Atlan « chante soit en ladino les romances séfarades des communautés juives d'Afrique du Nord ou d'Andalousie, soit en occitan les antiques complaintes des troubadours, voire en arabe les mélodies arabo-andalouses ». La recherche musicale passionne l’artiste, et travaille beaucoup son style, afin de rendre de la manière la plus fidèle les sonorités originales. En cela, et de l’avis général, elle excelle. C’est notamment grâce à une connaissance profonde de l’univers andalou. Toujours selon le même site « La finesse de ses interprétations reflètent les influences des pays d'accueil des communauté judéo-espagnoles. Les styles musicaux des communautés arabes - musulmane et juives sont déjà à cette époque fortement colorées d'influences réciproques, accentuant leur cohabitation. Dans les orchestres, ils se retrouvent côte à côte, et seules les paroles des chants permettaient de différencier les origines des ensembles ». La réputation de la chanteuse dépasse largement l’univers strictement andalou. Elle se produit régulièrement un peu partout dans le monde : Japon, Etats-Unis, Grande Bretagne, Italie, etc... En plus de l’Espagne, du Portugal et du Maroc. Ce n’est que l’année dernière que la diva a été invitée à se produire chez elle, puis qu’elle a donné quelques concerts dans le cade de Constantine, Capitale de la Culture arabe. En disant que Françoise a chanté « chez elle », il y a une petite nuance à apporter. Chez elle, c’est à Béjaia. Sa biographie officielle déclare que ses parents sont originaires de la ville de Bougie. Et Cette ville n’a pas eu l’honneur de la recevoir ne serait-ce que pour un seul concert, en hommage à ses racines et à son histoire. Or selon Rochedi Boyahia, président de l’Association Ahbab Cheikh Saddek Lebdjaoui, il n’est pas facile d’obtenir les moyens et les autorisations nécessaires à l’organisation d’un tel événement. Françoise Atlan n’est pas la seule chanteuse de cette envergure qui est originaire de Béjaia. Mais pour en faire le tour, il faut des moyens et du temps. Mais il ne faut pas désespérer de les recevoir un jour.


Youtube est riche en vidéos des chants de Françoise Atlan, et c’est un vrai délice de l’écouter. Récemment, elle a fait un pas vers la chanson kabyle, en interprétant Idir. C’est aussi ce qu’avait fait la finlandaise Stina qui a fini par adopter définitivement notre langue et notre patrimoine artistique. D’ailleurs, actuellement, il y a de plus en plus d’interprètes étrangers qui se mettent à la chanson kabyle. Françoise Atlan est une vrai atlante. Son nom indique qu’elle est berbère de souche, puisqu’il dérive du mot « Atlas ». Pour rappel, Atlas était une divinité berbère, plus connue en mythologie chez les grecs. Atlas était un Titan né en Tamazgha. La mission que lui avait confié Zeus, une autre divinité amazighe, c’était de porter sur ses épaules la voute céleste. C’est pourquoi l’image du personnage c’est celle d’un colosse portant sur ses épaules le globe terrestre qui, soit dit en passant, était rond. Et dire que les occidentaux, des siècles plus tard affirmaient encore que la terre était plate. Le mot Atlas a été attribué aux monts de l’Atlas, à la carte géographique appelée « Atlas », à l’océan Atlantique, mais aussi à la légendaire cité de l’Atlantide. Tout ce qui est dérivé de l’Atlas est donc d’origine amazigh. En anatomie, l’Atlas est une des vertèbres du squelette humain. La C1 est la vertèbre chargée de supporter le crâne. La tête symbole de la connaissance et de l’intelligence est donc portée et supportée par l’Atlas. Symboliquement, cela ouvre une porte pour relier l’Atlas, c’est-à-dire la Berbérie, au monde de l’intelligence, du savoir et de la connaissance. Oublions-nous que ce sont les berbères qui ont fourni à l’occident ses maîtres à penser, comme Augustin, Tertullien, Apulée, Fronton, Juba, et bien d’autres ? Françoise Atlan, bien malgré elle, nous a tendu la perche pour rappeler que si des amazighs continuent à occuper la scène, ce n’est pas le fait du hasard, mais le fruit d’une culture jusques la inconnue et de traditions qui durent depuis des millénaires.


Malheureusement, d’autres civilisations se les ont appropriés, reniant même ses origines. C’est aux amazighs de défendre leur identité et de récupérer ce qui leur est du. Françoise Atlan, le sait-elle ?, est une berbère de pure souche. Quelqu’un pourrait-il le lui rappeler et attirer son attention vers ses racines, pour faire profiter l’amazighité de son magnifique talent. Actuellement, elle est installée au Maroc ou elle dirige le festival des Andalousies Atlantiques d’Essaouira. Son nouvel album, sorti en 2015 a une dimension absolument universelle puisque, après avoir ressuscité les romances sépharades du nord du Maroc, nous apprend le site La Clique, elle a enregistré avec un ensemble grec en consacrant ses chants aux Kantigas sépharades de l’ex empire ottoman. La France qui vient à peine de la découvrir, ne cesse de lui dérouler le tapis rouge, puisqu’elle a été invitée depuis deux années au Théâtre de la ville de Paris, à Radio-France, et au festival d’Arts Lyriques d’Aix en Provence. Elle a chanté l’année dernière sous la direction de Kent Nagano, accompagné par l’Orchestre Symphonique de Montréal. Elle enseigne actuellement en Suisse ou elle dispense des cours aux Ateliers Ethnomusicologiques de Genève, et à l’Institut de recherche et de d’Enseignement pour la Musique Ancienne de Bâle.

Béjaia, avec son riche patrimoine andalou, gagnerait à s’intéresser à cette grande dame, et aux autres chanteurs et artistes issus de ses tripes. Qui sont-ils et combien sont-ils ? Ne faudrait-il pas engager une réflexion dans ce sens, et engager des recherches pour établir une liste de ces talents qui pourraient revenir apporter leur savoir et expérience pour relever le niveau des artistes locaux et les accompagner, pourquoi pas, à développer à leur tour une carrière internationale.


Nabil Z.

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