Fulgence est un moine berbère chrétien de Tunisie. Il est né trente ans après la mort de Saint Augustin. Cela ne l’a pas empêché d’être fortement influencé par ses enseignements.
A cette époque, l’Afrique du Nord est sous l’emprise des Vandales qui avaient pris possession des terres abandonnées par les romains, après la chute de leur empire. Orphelin de père, c’est sa mère qui a pris en main son éducation, et elle a a insisté à ce qu’il maîtrise à la fois le latin et le grec. Ce qui le mènera plus tard à occuper de hautes fonctions dans l’administration. Fabius Claudius Gordien Fulgence devient alors procureur de la Byzacène.
Après avoir constaté de visu combien l’administration était corrompue, il se mit en quête de réponses spirituelles à ses questionnements. C’est ainsi qu’il tombe sur un enseignement de Saint Augustin sur le sujet qui le préoccupe le plus, la morale. Il lit les commentaires du fils de Taghaste, notamment sur le Psaume 36 : « Les justes cherchent à s’élever par l’humilité, les méchants descendent par l’orgueil. Les uns s’abaissent pour se relever, les autres s’élèvent pour tomber. De là vient que les uns souffrent et que les autres font souffrir: que le dessein des justes est de gagner même les méchants pour l’éternelle vie, et le dessein des pécheurs est de rendre le mal pour le bien, et d’ôter même, s’ils le pouvaient, la vie du temps à ceux qui s’efforcent de leur procurer la vie éternelle. Car le juste est à charge pour le pécheur, comme le pécheur pour le juste; ils sont une charge l’un à l’autre. Nul ne doute que ces deux hommes ne soient à charge mutuellement, mais dans un sens bien différent. Si le juste est à charge au pécheur, c’est qu’il voudrait qu’il ne fût plus pécheur, et qu’il se propose de le rendre juste, comme il y tend par ses efforts; mais le pécheur a pour le juste une telle haine, qu’il voudrait qu’il n’existât aucunement, et non qu’il devint bon ».
Fulgence décide de démissionner , et malgré l’opposition de sa famille, s’engage dans les ordres pour devenir moine, et fuir la corruption morale qui l’entourait. Mais les vandales n’allaient pas lui faciliter la vie, surtout que son enseignement n’était pas conforme à celui de l’occupant qui professe l’arianisme comme religion. Nous avions déjà, dans ces mêmes colonnes présenté Arius le berbère et l’arianisme, comme dogme combattu par les chrétiens. Plusieurs pays du nord de l’Europe professaient à cette époque cette doctrine.
Fulgence est contraint de se cacher, et de se réfugier dans divers monastères pour éviter de se faire prendre et de se faire battre de verges comme ça lui était déjà arrivé. Au moment ou la persécution était au plus fort, il décide de quitter le pays. En l’an 500, il décide de rejoindre les monastères des Pères du Désert en Egypte pour s’y réfugier. Il prend le bateau pour contourne les obstacles qu’il aurait pur rencontrer en traversant la Cyrénaïque. Mais arrivé en Sicile, il change de cap et décide d’aller à Rome. Mais il n’y reste pas longtemps pour rentrer au pays. Il s’isole dans un monastère, mais la communauté avait trop besoin de lui et de ses enseignements, l’obligeant à devenir prêtre dans un premier temps, avant d’être ordonné évêque en 507. Mais les vandales ne l’entendaient pas de cette oreille. Avec une soixantaine d’autres évêques, il fut exilé en Sardaigne jusqu’en l’an 515. C’est à ce moment que le roi vandale Thrasamund l’a invité pour un débat public avec les ariens. Il publie alors un livre « Une réponse à dix griefs » qui était censé expliquer sa doctrine. Le roi fut impressionné par la connaissance et l’érudition de Fulgence. Mais, pour éviter des problèmes avec les ariens, il lui interdit d'écrire. Cela n’empêchera pas l’év^que de répondre par une réfutation de la doctrine arienne, dans une série de livres appelés "Trois livres au roi Thrasamund", avant d’être à nouveau exilé jusqu’en 523. Il est mort une dizaine d’années plus tard près de sa ville natale, Ruspe, l’actuelle Henchir-Sbia en Tunisie.
Pendant toute cette période, Fulgence a été considéré comme un théologien, défenseur de la foi, avec son thème préféré : la christologie, en opposition des thèses défendues par les nestoriens et les monophysites. Il a aussi écrit des traités pour défendre les enseignements de Saint-Augustin, sur la grâce, la prédestination, le libre arbitre, ainsi que sur le salut. On lui doit ainsi une douzaine d’ouvrages.
On connaît l’histoire de Fulgence par un livre qui a été publié sur lui par un de ses collaborateurs après sa mort. Il s’agit de « Une vie de Saint Fulgence ». Il nous est aussi parvenu quatre lettres de lui. Ce livre à haute valeur historique nous renseigne sur la vie en Afrique du Nord à la fin du cinquième siècle, sous domination vandale. Il contient certes des récits spirituels, mais aussi des descriptions de la vie sociale et politique de cette époque. Dans ces récits, on peut tirer également de précieuses informations sur les traditions locales et la vie culturelle de la population.
Aujourd’hui les écoles et universités d’Afrique du Nord ne prennent pas la peine d’étudier la vie et les écrits de cet ancêtre, que seuls les catholiques romains et les orthodoxes avaient décidé de canoniser. Heureusement d’ailleurs qu’ils l’ont fait sous le nom de Saint Fulgence, pour en quelques sortes contrebalance le mépris qui lui a été affiché par les gens de son propre peuple.
Nabil Z.
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