C’est une histoire intéressante que celle de Geronimo, condamné à mort à Alger par Euldj Ali pour Christianisme.
Nous sommes au 16ème siècle en Afrique du Nord. Alger est sous domination Ottomane, tout comme de nombreuses autres régions du pays. La piraterie bat son plein, et des deux côtés de la Méditerranée, on organise des raids et des razzias pour faire des prisonniers et les mettre en esclavage.
A l’Ouest du pays, les espagnols occupent des terres et font des razzias pour s’emparer de butins de toutes sortes, dont des hommes, des femmes et des enfants. Parmi eux, se trouve un garçon en bas âge, pris à Tlemcen lors d’un raid. Il est emmené captif à Oran pour en faire un futur esclave au service des maîtres qui voudront bien l’acheter. Mais un ecclésiastique local, future Vicaire Général d’Oran, le prend sous son aile et lui donne une éducation chrétienne, le baptisant du nom de Geronimo.
Quelque temps plus tard, à la faveur d’un raid adverse, le garçon qui venait d’avoir huit ans est repris par les guerriers locaux, puis remis à ses parents. Il est reconverti à l’Islam et grandira dans sa famille en respectant les traditions et coutumes locales.
Mais à l’âge de vingt-cinq ans, en 1559, et pour des raisons que nous ne connaissons pas, Geronimo décida de repartir à Oran. Il retrouva Don Juan Caro devenu entretemps Vicaire Général d’Oran. Il professa à nouveau la foi chrétienne qu’il semblait ne jamais avoir abandonnée au fonds de lui-même. Il trouva même une femme Chrétienne Berbère qu’il épousa. Chose curieuse, puisque, selon la tradition, les Berbères étaient considérés comme arabes et musulmans. Mais nous apprenons, à la lumière de ce récit qu’il existait bel et bien à cette époque, des autochtones Berbères qui professaient encore la foi Chrétienne.
Ce récit nous a été rapporté par Diego De Haido. Cet Abbé bénédictin qui fut lui-même captif à Alger de 1578 à 1581 a publié deux importants livres pour tous ceux qui souhaitent mieux comprendre l’histoire de cette région. Le premier est « Histoire des rois d’Alger », ou il dresse un portrait des trente premiers Deys d’Alger sous occupation Ottomane. Le deuxième qui nous intéresse plus directement dans ce récit est « Topographie et histoire générale d’Alger ».
Geronimo s’engage dans les troupes indigènes de l’Armée espagnole et dans un combat en 1569, il fut pris captif par les Corsaires et ramené comme prisonnier à Alger qui était sous l’autorité du Dey connu sous le nom d’Euldj Ali.
Ironie de l’Histoire, Euldj Ali avait été lui-même captif prisonnier à Alger. C’est lors d’un raid de corsaire en Calabre, en Italie, que le jeune Giovanni Dionigi Galeni fut fait prisonnier en 1536. Il a été condamné aux galères et n’a été libéré qu’après avoir annoncé sa conversion à l’Islam. Il prit alors le nom d’Euldj Ali. Il fut intégré à la marine et devint Raïs, et gravir les échelons du pouvoir pour devenir Dey d’Alger de 1588 à sa mort à Constantinople en 1577.
Apprenant qu’un des captifs était un musulman devenu chrétien, Euldj Ali le fit convoquer pour tenter de le convaincre de revenir à l’Islam. Réunissant autour de lui des imams et des marabouts, le Dey utilisa tour à tour les promesses de libération et la menace de l’exécution. Mais, rien n’y fait, Geronimo refusa de renier sa foi en Jésus-Christ, provoquant ainsi la colère du suzerain qui le condamna à mort de la plus atroce des manières.
Un renégat espagnol du nom de Tamango est chargé de l’exécution de Geronimo en le mettant dans le coffrage d’un pisé et en l’y enterrant vivant dans un chantier à Bab El Oued. Geronimo est couvert de terre, et Tamango lui sauta sur le corps pour le faire mourir d’étouffement avant de lui planter des pilons pour l’achever.
Trois siècles plus tard, alors que l’Algérie est sous domination française, le corps de Geronimo fut retrouvé en 1853 lors de travaux de chantiers entrepris à Bab El Oued. Voici ce que rapportait « Le Moniteur Algérien » du 30 Décembre de cette année : « Une découverte très émouvante vient d’être faite au Fort des Vingt-quatre Heures. Mardi dernier, vers midi et demi, les artilleurs occupaient à la démolition du rempart qui a vue sur la route, aperçurent, en enlevant les déblais, produit par l’explosion d’une des mines, une excavation occupant le milieu d’un bloc de pisé dans le sens de sa longueur et renfermant un squelette humain… Un rapide examen, fit penser à Mr Suzzoni, Capitaine d’Artillerie, chargé des travaux de démolition du fort, qu’il avait sous ses yeux, les restes précieux de Geronimo que l’on recherchait depuis le commencement des travaux… Le Martyr est étendu sur la face, les jambes très rapprochées l’une de l’autre. La position des os de l’avant-bras et une corde collée encore aux poignets, sur les parois du véritable moule que le corps de Geronimo s’est fait dans le pisé avant la destruction des parties charnues ; tout porte à croire que la victime avait les mains attachées derrière le dos… »
On ne sait pas ce qui est advenu de la dépouille de Geronimo. Le pape Pie IX qui avait été touché par l’histoire de ce martyre s’était engagé à le béatifier. Mais jusqu’à présent, rien ne semble avoir été fait pour tenir cette promesse.
Mais en dehors de ces aspects formels, l’histoire de Geronimo nous renseigne sur une période obscure de l’histoire de l’Algérie, une période où, pour différentes raisons, il y a eu des conversions de chrétiens vers l’Islam et de musulmans vers Jésus-Christ. Combien furent-ils et que sont devenus leurs descendants ? Quel rôle et quelle influence ont-ils exercé sur la société de leur temps, et qu’en reste-il aujourd’hui ? Existe-il des traces écrites de cette période qui pourraient nous éclairer davantage sur ce sujet ?
Nabil Z.
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