Michel Onfray est un philosophe français très connu. Auteur d’une centaine de livres et de nombreuses émissions de radio, il est régulièrement invité sur les plateaux de télévision pour débattre de questions d’actualité, en les commentant avec son regard de philosophe. Cette semaine, il a publié sur son blog un commentaire sur le discours de Greta Thunberg devant les députés de l’Assemblée Nationale à Paris.
Les textes de Michel Onfray sont riches en vocabulaire et sont encore plus rehaussés par ses jeux de mots, ses allusions et son humour. Il est à la fois subtil et direct, ce qui rend ses textes agréables à lire, même si le ton y est souvent sévère. Dans cette intervention, il analyse le phénomène Greta Thunberg et nous livre à la fois ses sentiments et ses critiques.
« Cette jeune fille arbore un visage de cyborg qui ignore l’émotion - ni sourire ni rire, ni étonnement ni stupéfaction, ni peine ni joie. Elle fait songer à ces poupées en silicone qui annoncent la fin de l’humain et l’avènement du posthumain. Elle a le visage, l’âge, le sexe et le corps d’un cyborg du troisième millénaire : son enveloppe est neutre. Elle est hélas ce vers quoi l’Homme va ». Il ne s’attaque pas à la personne, mais bien au personnage qu’il affirme être manipulé par des gens qui se cachent derrière sa jeunesse et son innocence. Il jette un regard critique sur les arguments développés par les communicateurs et les expose aux lecteurs : « Les journalistes nous font savoir avec moult précaution, presque en s’excusant, qu’elle est autiste - il faut le dire, sans le dire, tout en le disant quand même. Dont acte. Je laisse cette information de côté. L’usage métaphorique de ce mot est interdit par la bienpensance, mais on découvre également qu’il l’est aussi dans son sens premier. Donc on le dit, mais on n’a rien dit ». Cette jeune fille qu’il appelle « gamine », s’est fait connaître en décidant de boycotter ses cours chaque Vendredi pour aller protester devant le parlement suédois pour l’obliger à voter des lois en faveur de la limitation des émissions du CO2. Michel Onfray se pose des questions à son sujet : « Quelle âme habite ce corps sans chair? On a du mal à savoir… Elle sèche l’école tous les vendredis en offrant l’holocauste de ce qu’elle pourrait apprendre à l’école pour sauver la planète. Est-ce que ce sera suffisant? Vu la modestie de l’offrande, je crains que non…Trop contents de ce magnifique prétexte pour ne pas aller au collège, un troupeau de moutons de cette génération qui se croit libre en bêlant le catéchisme que les adultes leur inculque, propose de suivre son exemple et offre en sacrifice expiatoire la culture qu’elle n’a pas, mais qu’elle pourrait avoir - si d’aventure elle allait à l’école, encore que, si c’est pour y apprendre les billevesées gretasques… » Autrement dit,comment peut on donner des leçons d’écologie, en faisant appel à la science, alors qu’on boycotte les cours de sciences à l’école ? Pire encore, « La cyborg suédoise a même annoncé qu’elle prévoyait de prendre une année sabbatique pour sauver la planète! En effet, pourquoi apprendre des choses à l’école quand on sait déjà tout sur tout? La preuve, plume à la main, le soir dans son lit, elle lit avec passion les volumineux dossiers du GIEC dont elle débite les chiffres, donc la science, avec une voix de lame de fer - jadis, c’était Rimbaud ou Verlaine qu’on citait quand on n’avait pas dix-sept ans… »Tout le ridicule de la situation est ainsi décrit par le philosophe qui se pose et nous pose aussi des questions pertinentes. Ça sent la manipulation, et Michel Onfray ne se gêne pas pour le dire :
« Quelle intelligence est celle de ce cyborg? On ne sait… Ce qu’elle lit, à défaut de le dire librement, n’est pas écrit par une jeune fille de son âge. La plume sent trop le techno. Sa voix porte le texte d’autres qui n’apparaissent pas. Qu’est-donc d’autre qu’un cyborg, si ce n’est le sujet d’acteurs invisibles? Cette intelligence est vraiment artificielle, au sens étymologique: c’est un artifice, autrement dit, un produit manufacturé. Toute la question est de savoir par qui. Or, la réponse est simple, il suffit de se poser une autre question: à qui profite ce crime? Laréponse se trouve probablement dans l’un des dossiers du GIEC - la bible de cette pensée siliconée ». Allant plus loin dans sa réflexion, le philosophe ose franchir le rubicond : « Certes, comme toujours, les véritables motifs - d’incommensurables profits…- ne sauraient être avoués tels quels. Il faut un excipient moral à cette révolution permettant d’entretenir le culte du Veau d’Or. Et quoi de mieux que le projet de sauver une planète en danger de mort? » Origine de la philosophie des écologistes
« Dans Le Principe responsabilité (1979), Jonas fait savoir qu’en matière de survie de la planète, il s’agit d’en finir avec la raison des Lumières qui n’a rien produit, sinon des catastrophes, et qu’il faut désormais opter pour "une heuristique de la peur". Autrement dit: il faut dramatiser, inquiéter, amplifier, exagérer, faire peur, c’est-à-dire tout le contraire de penser, examiner, réfléchir, débattre. On ne pense plus, on récite; on n’examine plus, on assène; on ne réfléchit plus, on psalmodie; on ne débat plus, on insulte, on excommunie, on anathèmise. On ventile… »
La manipulation de la science
Michel Onfray parle de science. En tant que philosophe, il peut le faire, puisque la philosophie, dit-on, est mère de toutes les sciences. Pas seulement de quelques unes, mais de l’ensemble des sciences. C’est justement ce qu’il reproche à ces écologistes qui utilisent la science juste en partie, favorisant ce qui les arrangent et ignorant ce qui va à l’encontre de leur doctrine : « Ce cyborg post-capitaliste parle en effet au nom de LA science. Mais, du haut de ses seize ans, que sait-elle de l’astrophysique, des cycles cosmiques, des orages solaires et de leurs cycles, autant d’informations qui relèvent aussi de la science, mais auxquelles ni elle ni les siens ne font jamais référence quand il s’agit de penser la question du réchauffement climatique - une incontestable vérité: il n’y a pas à douter de ce fait mais des causes que certaines en donnent.Pour Greta Thumberg, il semble que LA science se réduise au compendium de passages à réciter, hiératique comme dans une cour du palais des papes planétaire, après prélèvement des phrases stabilotées dans les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ».
Voilà qui est dit. La manière dont est abordée l’écologie à l’heure actuelle, est partielle, et même partiale, puisque derrière ce comportement se cache une volonté de manipulation et de tromperie manifeste de l’opinion publique. Pour cela, deux cibles sont dans le collimateur de ces manipulateurs : les politiques et les journalistes. Les remarques et les reproches que leur fait le philosophe sont très durs, et à la limite, humiliants.
Greta en maîtresse des politiques :
« A l’Assemblée nationale, elle a froidement fait la leçon à des adultes qui, se faisant mépriser, ont consciencieusement applaudi. Il faudra un jour réfléchir sur le rôle tenu en politique par l’humiliation chez certains qui jouissent à se trouver des maîtres et à jouir dans la soumission - fasciste, brune, rouge, noire, islamiste ou verte. Cette fois-ci, le maître est une maîtresse: c’est une jeune fille au corps neutre et à la parole belliqueuse. Effet terrible: la menace du Tribunal révolutionnaire exprimée avec une voix pré-pubère blanche comme la mort… On se croirait dans un manga. Glaciale, elle a tapé les élus, elle a cogné les politiques, elle a frappé les chefs d’entreprise, elle a giflé les adultes, elle a molesté les journalistes, et le public a applaudi, la regardant comme s’il s’était agi d’une nouvelle apparition de Thérèse à Lourdes ». La « gamine », intronisée en maîtresse continue ses attaques humiliantes : "Nous les enfants", dit-elle quand elle parle! Quelle civilisation a jamais pu se construire avec des enfants? C’est le monde à l’envers! Qui plus est: avec des enfants expliquant aux adultes qu’il n’ont rien à faire des cours qu’ils leurs dispensent et que, de ce fait, ils entendent prendre une année sabbatique avant même d’avoir obtenu le brevet des collèges? C’est vouloir entrer dans le monde du travail en commençant par plusieurs années de retraite! » Le philosophe s’interroge :
« Que disent les adultes ayant fabriqué cette génération d’enfants rois qui décrète les adultes criminels, irresponsables, méprisables, détestables? Comme dans les mangas SM, ils jouissent et disent "Encore! Encore!"… Elle attaque les journalistes? Et que répond la corporation? Elle prend les coups et se force à sourire: … ils baissent le tête, regardent leurs pieds et filent doux… L’Alice suédoise tance les adultes, elle leur dit, avec son visage non pas de marbre mais de latex: nous sommes des objets de haine, vous nous menacez, vous nous traitez de menteurs. Des adultes censés incarner la représentation nationale applaudissent… Prenant un plus long fouet, elle ajoute, s’adressant aux mêmes: "vous n’êtes pas assez mûrs". Dans un spasme de jouissance sadomasochiste, sauf une femme qui semble raison garder, bravo madame, tous applaudissent ».
Onfray termine son papier en ayant une tendre pensée pour cette gamine utilisée de manière éhontée par des gens qui se cachent derrière sa naïveté et son innocence d’adolescente qui n’arrive même pas à suivre ses cours au collège, et ces adultes irresponsables qui lui tendent une oreille soumise : « Il n’y a rien à reprocher à une enfant qui veut voir jusqu’où va son pouvoir d’agenouiller les adultes, c’est dans l’ordre des choses. Le pire n’est donc pas chez elle, elle fait ce que font tous ses semblables, mais il se trouve chez ces adultes qui jouissent de se faire humilier par l’une de leur créature: un enfant qui fait la leçon aux adultes qui ne mouftent pas et jubilent même de recevoir des coups de leur progéniture, voilà sans conteste matière à conjecturer que nous entrons dans le stade suprême du nihilisme…
Nabil Z.
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