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Photo du rédacteurNabil Z.

Histoire Pré-Islamique du Territoire Amazigh des Maures

Il existe un pays surnommé par les arabes El Maghreb Al Aqsa, autrement dit le Maghreb extrême, situé au fin fonds de Tamazgha. Il est une composante essentielle du territoire des amazighs, occupant un pays généralement appelé le pays des Maures.



Historiquement, la population du Maroc actuelle n’a pas beaucoup changé. Elle a été constituée par un apport successif d’émigrants venus de toutes parts, enrichir le peuple déjà installé là-bas depuis des millénaires. Appelés comme les autres berbères « libyens » par les auteurs grecs, ils constituaient une frange importante de la population amazighe depuis les débuts de l’occupation des terres vierges du « Pays des Hespérides ». Ils furent ensuite rejoints par les espagnols, les celtes, les phéniciens, et même, les perses. Malgré la succession des différentes occupations étrangères, la population autochtone ne s’est que très peu mélangée aux étrangers, préservant ainsi sa tradition et sa culture, en plus de sa langue.


Les Maures ont été célèbres dans l’histoire, surtout après la conquête musulmane de l’Andalousie. Mais le nom de « Maures » leur avait été attribué depuis belle lurette déjà. Ces berbères de l’occident étaient très jaloux de leurs territoires qu’ils appelaient « Amour », c’est-à-dire « part ». Au féminin, on dit « Tamurt ». D’où le nom de Marrakech, « Amour N Yakouch », la part de Yakouch, ou son pays. Nous reviendrons plus bas sur ce Yakouch.


Le mot « Maure » a aussi été repris pour désigner ce que les romains appelaient « Maurétanie ». C’est-à-dire, « Amour N Tanit », la part ou le pays de Tanit. Ce royaume d’ailleurs s’étendait sur l’ensemble de Tamazgha. Le vocable « Amour » a donc une consonance particulière et une importance vitale pour les berbères. Leur part de territoire ne devra jamais leur être enlevée, sous peine de terribles représailles. C'est ce qui explique l’état de révolte permanent que vivent les populations de l’Afrique du Nord, et dont aussi bien les romains que les autres envahisseurs ont fait les frais. La jalousie qu’éprouvent les berbères quant à leur terre s’explique aussi par d’autres noms que portaient ses illustres ancêtres, à l’exemple de Gaia, le roi Massyle, père de Massinissa. Pour les amazighs, Gaia rappelle la terre qu’on appelle encore aujourd’hui « Qaâa ».

Mythes fondateurs de l’Occident

D’ailleurs, la mythologie berbère va donner aux occidentaux ses mythes fondateurs. Déjà, Zeus, cette divinité berbère considérée comme le dieu des dieux chez les grecs, va charger une autre divinité berbère, de porter le globe terrestre sur ses épaules. Il s’agit d’Atlas, qui donna également son nom aux hautes montages de ce pays. Un peu plus loin, on donnera ce nom à l’Océan Atlas, ou Atlantique, puis le mythe de l’Atlantide. Cette partie de Tamazgha qui n’est séparée du reste du territoire que par le fleuve du Moulouya, actuellement séparant le Maroc de l’Algérie, va également donner naissance au peuple mythique des Atlantes, s’étalant des îles britanniques au Sénégal, occupant ainsi une bonne partie du littoral atlantique de l’Afrique.


Royaumes berbères

Il existe en fait, très peu, sinon pas du tout de sources documentaires écrites sur l’histoire ancienne du Maroc. Tout ce que l’on sait à son propos a été rapporté par des sources occidentales, souvent en allusion à des faits, plutôt qu’en description d’une réalité politique ou civilisationnelle. Mais ce que l’on sait de manière plus ou moins prouvée, c’était l’existence d’un royaume qui s’était constitué à la manière de la Numidie, c’est-à-dire une confédération de petits royaumes autonomes, sous l’autorité d’un souverain qui en assure le fonctionnement harmonieux. C’est ainsi que la dynastie des Bocchus a régné pendant trois siècles. Le plus célèbre d’entre eux, Bocchus 1er a été le beau-père de Jugurtha. C’est lui, craignant les représailles de Rome, qui a livré le roi Numide. Pendant longtemps, le nom de ce souverain maure a été associé, dans la culture populaire au « Bekhs », la trahison et l’humiliation. Au temps de Juba II, ce territoire a été mis sous autorité du royaume de Maurétanie, jusqu’à la mort de Ptolémée son fils, et l’annexion de la Maurétanie à l’empire romain. Cette partie de l’empire a été appelée « Maurétanie Tingitane », par rapport à la ville de Tingis, Tanger. Mais nul ne peut dire actuellement, ce qui fut les frontières de ce pays. L’étendue de ce territoire demeure encore un mystère, d’autant plus qu’au sud du Maroc, demeure encore aujourd’hui un conflit territorial qui traine en longueur. Une meilleure connaissance de l’histoire de cette région aurait pu permettre de mettre un peu de lumière dans cet imbroglio qui empoisonne la vie des populations de cette partie de Tamazgha, et qui a des répercussions affreuses sur la vie en Afrique du Nord. Si les conflits territoriaux entre l’est et l’ouest de la Moulouya ont été nombreux dans l’histoire, la sagesse finissait toujours par l’emporter, et chacun retournait chez soi pour vivre en paix.


Situation géostratégique

Au temps des phéniciens, le territoire marocain a connu un essor considérable, puisque de nombreux comptoirs ont été installés le long de ses côtes, permettant à la flotte carthaginoise de se déplacer jusqu’à l’actuel Cameroun, et même au Gabon, à la recherche de mines d’or, d’argent et de cuivre. Mais dans le conflit entre Carthage et Rome, les Maures ont opté pour cette dernière, à l’image des Numides, pour contrer l’influence de Syphax et des Massaessyles, alliés des Carthaginois dans la région. Ils furent largement récompensés, puisqu’ils ont réussi plus tard, à étendre leur royaume et à stabiliser la dynastie régnante, la confortant dans son rôle d’Etat Central de toute la région. D’ailleurs, la trahison de Bocchus longtemps après, a permis de mettre en situation de faiblesse le royaume Numide, ce qui permit aux Maures de grignoter les territoires situés à l’est de la Moulouya.


Ce fleuve semble pourtant être une frontière naturelle entre le royaume Maure et celui des Numides. C’est ainsi qu’Ibn Khaldoun a décrit le royaume des Maures, comme « pays détaché de tout autre pays ». Cette situation géostratégique exceptionnelle a permis à cette population de préserver sa langue, ses traditions et sa culture. L’influence carthaginoise et romaine s’est limitée à quelques grandes villes, particulièrement aux garnisons et aux sièges de l’administration. Pour le reste les Maures se sont montrés impénétrables. D’ailleurs c’est cette même situation géographique qui empêcha les ottomans d’envahir ce territoire et de boucler leur influence sur l’ensemble de l’Afrique du Nord. On ne trouve guère de trace turque au Maroc actuellement, sinon d’infimes influences importées du pays voisin.


Religion des Maures

Sur le plan religieux, les Maures, tout comme les autres amazighs étaient polythéistes et tolérants aux diverses influences religieuses. S’ils ont donné aux occidentaux une partie de leurs mythes fondateurs, il y a également des divinités très peu connues en occident, à l’exemple de Tanit et Yakouche. Tanit était une divinité féminine, qui aurait donné naissance à l’ISIS égyptienne, toutes deux divinités de la fécondité. Paradoxalement, le culte de Tanit incluait une pratique des plus affreuses, consistant en des sacrifices humains. C’étaient les familles de la bourgeoisie et de l’aristocratie qui la pratiquait le plus, en sacrifiant leurs propres enfants à cette déesse, pour implorer ses richesses et sa protection contre les guerres, les famines et les épidémies. L’horreur inspirée par le passage au feu de bébés a poussé les romains à interdire cette pratique. A côté de cette divinité, existait un autre « dieu » appelé Yakouche. C’est en son honneur que la ville de Marakech a été baptisée, puisqu’il signifie Amour N Yakouche, le pays de Yakouche. Cette divinité était tellement répandue en Tamazgha que certains lui donnaient la valeur d’une divinité suprême. C’est pourquoi les Ibadites, après l’arrivée de l’Islam appelaient Allah « Yakouche ». Cette pratique continue d’exister encore à certains endroits, même si elle a beaucoup diminué. Les Maures, pas plus que les autres berbères n’étaient pas connus pour mener des guerres de religion. Leur foi polythéiste faisait que tous respectaient la croyance des autres, et que même chacun était libre de rendre un culte à plusieurs divinités, sans que ça n’offense qui que ce soit. Cette situation a aussi permis aux juifs de s’installer en Tamazgha dès le dixième siècle avant Jésus-Christ, en dépit de leur foi monothéiste. Ibn Khaldoun signale la présence de plusieurs tribus judéo-berbères à l’arrivée des arabes. De son côté, le christianisme a été attesté en Tamazgha dès le deuxième siècle, peut-être même avant. Marc l’évangéliste est venu annoncer « la Bonne Nouvelle » de l’Evangile dès le premier siècle et a été mis à mort à Alexandrie, en Egypte. Le plus célèbre des chrétiens berbères de l’époque fut sans conteste Tertullien, et le plus grand, saint Augustin. Il y en eut de nombreux autres. Les martyrs chrétiens en Afrique du Nord furent très nombreux, exécutés non par les amazighs eux-mêmes, mais essentiellement par les romains. Les premiers martyrs de chrétiens amazighs furent rapportés dès l’an 180 dans l’actuelle Tunisie. Au Maroc, en l’an 298, le premier martyr chrétien berbère fut décapité dans la ville de Tanger par les romains. Malgré cela, la foi chrétienne a continué à se répandre parmi les berbères. Les ruines romaines de Volubilis attestent d’une importante présence chrétienne dans le pays Maure.


Ce sont d’ailleurs les berbères qui évangélisèrent l’Europe, et non pas le contraire. L’histoire atteste qu’au moment où il y avait des centaines d’Evêques en Afrique du Nord, seuls quelques-uns s’étaient fait connaître en Europe. L’arrivée des arabes ne fut pas facile. Elle a été combattue férocement par les amazighs, et les combats ne prirent fin qu’au bout de près de soixante-dix ans, contrairement à l’Egypte et la Syrie qui s’étaient rendues très vite. Même l’islamisation de Tamazgha n’a pu se faire réellement qu’au bout de plus de deux siècles, apostasiant, selon Ibn Khaldoun, une douzaine de fois.


L’histoire de cette partie de la Berbérie serait intéressante à mieux connaître, surtout en liaison avec le reste du territoire allant jusqu’aux rives du Nil. Il y a également une autre partie du territoire qui devra être tôt ou tard exploitée, c’est celui des tribus Guanches, Iguanchiyen, aux îles Canaries.


Nabil Z.


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