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Photo du rédacteurNabil Z.

Honneur à la Femme Berbère de l’Antiquité: Martyre de Sainte Crispine.

La femme berbère a toujours payé le prix fort pour garantir sa dignité et celle de ses enfants, de ses frères et de son peuple. Si le 7 Mars on se souvient du martyre des saintes Perpétua et Félicité à Carthage, elles furent nombreuses celles qui ont souffert le martyre sous la domination romaine. Sainte Crispine est de celles qui ont été martyrisées à Théveste-Tébessa.



Le 5 décembre 304, dans la basilique du forum de Theveste, un groupe d’hommes et de femmes était présenté devant le tribunal du proconsul Caius. Annius Anulinus. Ce dernier était chargé de faire appliquer les édits impériaux contre les chrétiens. C’était à l’époque, le règne de Dioclétien, un des pires empereurs de Rome. Déjà, plusieurs personnes avaient été arrêtées mais les conversions à cette nouvelle religion continuaient et touchait toutes les franges de la population. Les nouveaux convertis proclamaient que Jésus-Christ était leur roi, suscitant la crainte de l’empereur de perdre son trône au profit de cet étrange roi qu’on disait ressuscité des morts. A défaut de pouvoir mettre la main sur lui comme l’avait fait Ponce Pilate du vivant de Jésus, et de le mettre à nouveau à mort, Dioclétien et Dèce avaient décidé de persécute ses fidèles dans l’objectif de mettre fin à cette nouvelle foi.

Face à l’entêtement de ces croyants qui refusaient de renie leur foi, Anulinus avait prononcé des peines capitales pour que cesse cette croyance. Le 5 juillet 304, il avait fait exécuter le chef de la communauté chrétienne de Thibiuca, un certain Félix, qui avait refusé de livrer leurs bibles et évangiles. Plusieurs autres croyants ont subi le même sort. Des femmes aussi, parfois très jeunes, comme ces innocentes décapitées quelques semaines après l’évêque. Elles s’appelaient Donatilla et Maxima. Anulinus les avait obligées à suivre enchaînées et pieds nus sa tournée d’inspection de ville en ville. Sans succès. Ni l’humiliation, ni la honte, ni la souffrance ne sont parvenues à briser la foi des jeunes femmes. Une certaine Secunda de Thuburbo Maius, avait même décidé de les rejoindre par solidarité. Le proconsul avait alors ordonné la peine capitale, dans l’espoir de faire peur aux autres et de les amener à renier leur foi. Il les fit condamner aux fauves mais l’ours auquel elles avaient été livrées n’en avait pas voulu. Elles eurent la tête tranchée le 30 juillet 304.


Parmi les nombreux croyants de Tébessa à cette époque, il y avait une certaine Crispine. Elle appartenait à une famille sénatoriale,donc de la classe aisée. Saint Augustin a rapporté les faits en racontant l’histoire de cette femme courage. Elle était mariée et avait des enfants. Elle a été arrêtée et interrogée par ce même proconsul Caius Annius Anullinus. Il lui demande de sacrifier aux dieux romains, c'est-à-dire de renier sa foi en Jésus-Christ et redevenir païenne. Crispine reste ferme et ne se laisse pas intimider. Voici, tel que rapporté par l’histoire, le contenu de cet interrogatoire :


Anulinus : Connais-tu le texte de l’édit impérial ?

Crispina : Non. Que demande-t-il ? Anulinus : De sacrifier à nos dieux pour le salut des princes. Telle est la volonté de nos seigneurs, les pieux Empereurs Dioclétien et Maximien.

Crispina : Je n’ai jamais sacrifié et je ne sacrifierai qu’au seul Dieu véritable et à son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, qui est venu en ce monde et qui a souffert pour nous.

Anulinus : Quitte cette superstition et courbe la tête devant les autels des dieux romains. Crispina : Chaque jour, j’adore mon Dieu tout puissant. Je n’en connais pas d’autre. Anulinus : Je te ferai décapiter. Si tu n’obéis pas aux ordres de nos Empereurs et Seigneurs. Tu seras contrainte de céder. D’ailleurs toute l’Afrique a sacrifié, tu le sais bien.

Crispina : Jamais on ne me fera sacrifier aux démons. Mais je sacrifie au Seigneur qui a fait le ciel, la terre et la mer et tout ce qu’ils renferment.

Anulinus : Ils sont donc sans valeur ces dieux ? Pourtant tu es bien obligée de les adorer, si tu veux sauver ta vie. C’est d’ailleurs le seul moyen d’avoir une religion.

Crispina : Belle religion, en effet, qui réduit à la torture ceux qui s’y refusent.

Anulinus : Mais non. Nous demandons simplement de venir au temple, d’incliner la tête devant les dieux de Rome et de leur offrir de l’encens : ainsi tu seras des nôtres.

Crispina : Depuis ma plus tendre enfance, je ne l’ai jamais fait. J’ignorais même vos rites. Et je n’en ferai rien tant que je vivrai.

Alors le proconsul dicta au greffier : « Qu’on la livre à l’infamie. Qu’on lui rase les cheveux ; que son visage, le premier, soit confondu. »

Crispina : Fais parler les dieux, et je croirai. Si je ne cherchais pas le vrai salut de mon âme, je ne me trouverais pas en ce moment devant ton tribunal.

Anulinus : Veux-tu continuer à vivre, ou préfères-tu mourir dans les tourments comme sont mortes tes compagnes ?

Crispina : Si je voulais mourir vraiment, et perdre mon âme dans le feu éternel, j’accepterais de sacrifier aux démons.

Anulinus : Pourquoi supporter plus longtemps les impiétés de cette chrétienne ? Qu’on relise le procès-verbal.

Le proconsul Anulinus lut la sentence sur la tablette : Crispina s’obstine dans son erreur infâme et refuse de sacrifier aux dieux. Sur les ordres des Augustes, elle sera décapitée. Ainsi l’avons-nous ordonné.

Crispina : Je bénis Dieu qui me délivre ainsi de tes mains. Grâces lui soient rendues ! 


Ce même jour, furent exécutés à Théveste Iulius, Felix, Potamia et d’autres encore. Il y avait aussi Heraclius, Donatus, Zebboc, Secundianus, Victorianus, Publicia et Meggen, ces berbères fiers et décidés à tenir ferme face à la persécution romaine.


Quelques années plus tard, arriva au pouvoir à Rome l’empereur Constantin. Il fit arrêter les persécutions et proclama la liberté religieuse pour tous les cultes. Les chrétiens de Théveste érigèrent alors en l’an 313, une basilique sur le lieu même de l’exécution de Crispine. La basilique de Tébessa est ainsi considérée comme «un des plus beaux spécimens de l'architecture religieuse en Afrique ». vers l’an 415 fut ajouté un monastère qui lui est contigu. Suite à cela, un autre temple fut érigé, dédié à toutes les religions, comme signe de tolérance et du vivre ensemble, le temple de Minerve.


Les femmes martyres suite aux persécutions religieuses ont étonné les romains qui croyaient pouvoir les intimider. La férocité de leurs persécutions, selon Tertullien a au contraire fait arroser l’Afrique du sang de ses martyres et provoqua une réaction contraire à celle attendue. Des milliers de conversions furent enregistrées ça et là en Afrique du Nord, en faisant le terreau du développement du christianisme et de lacivilisation occidentale.

Des femmes martyres, il y en a eu beaucoup en Afrique du Nord. Si on célèbre le 7 Mars l’anniversaire du martyre de Perpétua et de Félicité, il ne faut pas oublier celui de Salsa, de Marcienne et de tant d’autres ayant vécu à Carthage, à Tébessa, à Cirta, à Lambèse, à Césarée, à Volubilis, et partout ailleurs.


Il faut rendre hommage à ses femmes en cette journée particulière ou on célèbre la Femme dans toutes ses dimensions, dans toute sa richesse. Elle ont inspiré des milliers d’autres qui ont donné leurs vies pour préserver celles des autres. C’est au travers d’elle que la Berbérie subsiste et continue de recevoir l’héritage de nos glorieuses mères.


Nabil Z.

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