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Photo du rédacteurNabil Z.

Issiwiyen, les Berbères d’Egypte

Autant les Guanches et les Maures sont les habitants de l’Ouest de la Berbérie, autant les habitants de Siwa, sont ceux qui occupent les territoires de l’est de Tamazgha.



La vallée de Siwa est connue pour sa célèbre oasis habitée par un peuple qui parle une autre langue que celle des autres égyptiens. Cette vallée se trouve à l’ouest du Nil. Elle constitue l’entrée réelle en territoire amazigh. Elle occupe toute la partie occidentale du fleuve, même si les autorités égyptiennes ont tout fait pour parquer cette population, estimée officiellement à 25 000 habitants, dans une zone limitée autour de l’Oasis.


Contrairement à ce qu’affirment certains historiens, les berbères de Siwa ne viennent pas de Libye, mais du Proche-Orient, comme tout le reste des peuples descendants de Noé. Il faudrait se rappeler que l’Arche de Noé s’était déposée sur les Monts Ararat dans l’actuelle Turquie, et c’est de là que les peuples sont partis pour peupler le monde. Mais les berbères, descendants de Cham, fils de Noé, ont été les premiers à avoir traversé le grand fleuve du Nil. Ils furent donc les premiers à occuper les territoires qui se situent à l’Ouest de ce fleuve. La traversée du fleuve se serait faite au sud de l’Egypte, puisqu’il y existe une grande ville encore aujourd’hui appelée Assouan, dont le nom est de la même racine que Siwa. D’ailleurs, à cet endroit, il existe plusieurs ilots au milieu du fleuve, qui auraient facilité la traversée vers l’autre bord. Assouan, vient de Assiwan. Et le mot Siwan en berbère, désigne aujourd’hui le parapluie. Il est donc en relation avec l’eau et l'arrosage. Et c’est à Assouan que Djamel Abdennaser avait fait construire le Grand Barrage du Nil, et c’est à Siwa, une oasis (présence d’eau) que les berbères d’Egypte se sont installés.


Avec le temps, ces proto-berbères se sont étendus à la fois vers l’Ouest, et vers le Sud. Il y a beaucoup de similitudes entre leur langue et celle des Touaregs, par exemple, et leurs traditions sont identiques à celles des autres berbères quels qu’ils soient. On trouve chez eux les mêmes plats, dont le couscous, les mêmes fêtes, la même façon de s’habiller- surtout chez les femmes-, la même structure de gouvernement avec une sorte de Tajmaat, un conseil tribal et villageois, etc… Ils ont été les premiers à combattre les arabes, et leur résistance a duré longtemps, puisqu’ils ne se sont convertis à l’Islam qu’au douzième siècle. Leur conversion s’est déroulée de manière subtile, puisque, petit-à petit, des tribus venues d’Arabie se sont établies dans le sud de l’Egypte, encerclant puis étouffant les autochtones, jusqu’à les forcer à la conversion. C’est également au sud de l’Egypte que les tribus de Banou Hilal et des Banou Souleim, se sont établies avant d’être chassées par le gouverneur d’Egypte vers l’Afrique du Nord. Les Siwis ont en été les premières victimes, allant même jusqu’à se voir interdire l’usage de leur langue et de leurs traditions. Comme tous les autres berbères, ils ont organisé la résistance dans le silence, attendant des temps favorables pour s’exprimer et réaffirmer leur identité.


Curieusement, c’est en 1926, c'est-à-dire au moment de la première crise berbériste qu’a connue l’Algérie, que les Siwis ont commencé à reprendre du terrain en Egypte, allant même jusqu’à bâtir de nouvelles villes et villages. Mais le gouvernement égyptien les a maintenus dans l’isolement le plus total, sans aucun service public dans toute la région. Ni routes, ni écoles d’Etat, ni services sanitaires. Et ce n’est qu’au milieu des années quatre-vingt que la première route reliant Siwa à la ville de Marsa Matrouh a été ouverte, rompant ainsi l’isolement de cette population. Ce qui a ensuite permis l’ouverture des autres services publics. Pour rappel, Marsa Matrouh était la ville dans laquelle l’ALN possédait une ferme utilisée pour regrouper les armes acquises auprès des fournisseurs étrangers, destinées aux maquis en Algérie. Lesdites armes étaient ensuite transportées via la Libye et la Tunisie jusqu’aux frontières.


Résistance berbère

Tout comme les autres berbères, ceux de Siwa sont frondeurs, et en régulier désaccord avec le pouvoir central du Caire. En général, les habitants ne se soucient ni des élections, ni de la vie politique centrale, et ce malgré la tentative du gouvernement de dissoudre les conseils tribaux et de la remplacer par des structures officielles de l’Etat. Les chefs de tribus font office de véritable autorité respectée par tous. C’est pourquoi ils constituent le premier interlocuteur de l’Etat et des tribunaux pour régler les affaires publiques et les conflits commerciaux dans la région.


Femmes recluses

Mais, contrairement aux autres tribus berbères, les femmes ne jouissent pas de la liberté qu’on les kabyles et les chaouies, par exemple. La femme a fortement subi la tradition arabe et bédouine, qui la confine dans l’espace intérieur, et qui ne lui permet aucun déplacement si elle n’est pas accompagnée par un homme.


La présence de l’école publique a toutefois atténué ces pratiques, puisque les garçons comme les filles se fréquentes dans ces espaces, et une fois grandis, ils partent vers les grandes villes pour y continuer leurs études. Et c’est là que les femmes reprennent en quelque sorte leur liberté. La plupart refusent ensuite de revenir dans leurs villages ou elles savent qu’elles risquent d’y être cloitrées. Mais avec l’éducation, même les hommes ont commencé à évoluer et à lâcher du lest.


Et depuis le printemps berbère dont les siwis n’ont entendu parler que très tard, une prise de conscience de leur identité a commencé à prendre forme. Et la rupture de leur isolement leur a fait découvrir qu’ils n’étaient pas seuls au monde à être berbère et qu’ils ont de nombreux autres « frères » dans toute l’Afrique du Nord. C’est pourquoi, ces tribus ont repris du poli de la bête ont se réclamant de plus en plus ouvertement de l’amazighité.


Même si une sorte de répression morale existe encore et des résistances encore vives, les siwis n’hésitent plus à revendiquer leur identité, et attendent beaucoup des autres berbères pour les aider à être reconnus dans leur propre pays. Car malgré tout, ils se disent fiers d’être égyptiens, rappelant à qui veut les écouter, que l’un des plus grands pharaons n’était autre que Chachnaq le berbère. Mais il tarde avoir une véritable organisation culturelle et politique qui revendique l’identité amazighe dans une Egypte fortement imprégnée d’arabisme. La plupart des égyptiens se disent arabes, alors que leurs gênes montrent qu’ils sont nubiens dans le sud et berbères dans le nord. Les études génétiques menées par l’Université de Djeddah en Arabie Saoudite montre que 60% des habitants du nord de l’Egypte ont le gène berbère, et que celui des arabes représente moins de 5%. A quand le réveil ?


Nabil Z.

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