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Photo du rédacteurNabil Z.

Izekaren une Tribu Berbère non Islamisée ?

Existe-t-il en Afrique du Nord des poches de résistance à l’invasion arabe et qui ne se soient pas soumises à l’Islam même de nos jours ? Il semblerait en effet qu’il en existe bel et bien, notamment à l’est du Maroc, près de la frontière algérienne.



Il faut commencer tout de suite par nuancer ces informations, même s’il y a un fond de vérité dans ces propos. Cependant, la manipulation, de part et d’autre, ne permettra pas d’y voir plus clair dans cette situation, jusqu’à ce que des travaux universitaires viennent défricher les bribes d’informations disponibles. Et certains chercheurs s’y mettent enfin.


La tribu des Zekara, Izekaren en berbère, se situe au Sud d’Oudjda, non loin de Maghnia en Algérie. Il s’agit d’une tribu berbérophone qui se serait montrée hostile à l’arabisation et qui aurait organisé la résistance jusqu’à rejeter « la religion des arabes ». cette tribu est considérée comme mystérieuse et ses pratiques religieuses restent très floues et très vagues, ne pouvant être attribuée à aucune religion particulière, et à la fois, empreinte de traditions que l’on retrouve chez les musulmans, les juifs, les païens, les chrétiens, les druzes, etc...


C’est au début du vingtième siècle, en 1905, que cette tribu a été mise à la une, après les recherches d’un disciple de René Basset. Ce dernier avait publié un ouvrage fort intéressant intitulé « La religion des berbères ». Son disciple du nom de Auguste Mouliéras a publié un livre explosif intitulé « une tribu zénète antimusulmane au Maroc (les zkara). Mouliéras était un traducteur militaire français né à Tlemcen, et parfait arabophone et berbérophone. Il militait pour la mise sous protectorat du Maroc par la France. Ses objectifs étaient clairs, et il ne les cachait pas. Cette tribu était particulièrement visée, parce qu’elle était farouchement jalouse de son indépendance et refusait de se soumettre à quelque envahisseur que ce soit, et avait même aidé ses voisins algériens dans la résistance anti-française. Il était donc de rigueur de la décrédibiliser aux yeux de l’opinion pour la préparer à son agression puis son invasion.


Auparavant, Mouliéras avait publié des études sur la Kabylie et le Mzab, ainsi qu’un important ouvrage sur le Rif marocain. Il rêvait de devenir le premier explorateur scientifique du Maroc en publiant nombre d’articles et d’ouvrages sur ce pays, comme préparation à son idéal politique de la mise sous tutelle du Maroc par la France.


Sa méthode de travail consistait à utiliser des intermédiaires pour le renseigner les mœurs et les coutumes des différentes tribus, sachant qu’il ne pourrait pas avoir les informations voulues en se déplaçant lui même, étant rejeté en tant qu’étranger, même maîtrisant les langues locales. Il procédait ensuite au recoupement des informations pour se faire une idée plus ou moins précise de la situation. Il est allé jusqu’à inviter des autochtones à lui rende visite pour en parler. Des autochtones qu’il recevait avec faste à Oran, pour pouvoir les impressionner et les séduire.


Des tribus non islamisées

Une des questions qui intriguait Mouliéras était de savoir s’il existait encore en Afrique du Nord des tribus qui seraient restées chrétiennes malgré l’islamisation du Maghreb depuis plusieurs siècles. Ces tribus étaient appelées des Baqia, c’est à dire des Restes.


Ce que découvre Auguste Mouliéras est assez surprenant. Izekaren était une tribu en effet non islamisée, qui pratiquait des rites difficiles à identifier, et encore mois à classer. Parmi ces rites, il en existait qui avaient été développés pour contrer l’influence de l’Islam sur leur société.


Lesdits rites venaient d’un mélange de paganisme et de traditions existant entre autres en Algérie, dans la région de Miliana, sous le commandement spirituel d’un cheikh local, lui aussi résistant, Sidi Ahmed ben Youcef, ayant vécu aux 15eme et 16eme siècles.Il existait en effet encore un certain nombre de poches de résistance en Afrique du Nord, qui ont permis aux tribus berbères de garder leurs traditions intactes.

Déjeuner public durant Ramadhan

L’une des particularité de leur pratique religieuse consistait à faire l’inverse de ce que croyaient les envahisseurs, notamment en ce qui concerne le Ramadhan. En effet, le premier et quinzième jour de ce mois, la tribu organisait sur les places publiques en plein jour, un déjeuner spécial pour montrer leur opposition au jeûne de Ramadhan, et encourageait les gens à manger ouvertement et en public tout au long de cette période. Les démonstrations de déjeuners publics en plein Ramadhan auxquels nous assistons en Kabylie, au Maroc et en Tunisie actuellement, seraient-elles des rémanences inconscientes de ces pratiques ?


Autre rite constaté, celui de la circoncision. Izekaren avaient pour coutume d’organiser des cérémonies spéciales à l’occasion de la circoncision de leurs garçons, ou des formules étaient prononcées contre les pratiques des musulmans pour s’en distinguer.


La valeur de la femme avait une importance insoupçonnée dans cette tribus, puisque le meurtre d’une femme était doublement sanctionné par rapport à celui des hommes. D’ailleurs, celles-ci circulaient librement et ne portaient pas le voile. Elles avaient quasiment la même liberté que les hommes et avaient même le droit de choisir elles-mêmes leurs futurs maris.


Reste que le livre de Mouliéras a été par la suite vivement attaqué. Même si personne ne pouvait démentir ses affirmations, beaucoup le soupçonnaient de vouloir affaiblir cette tribus aux yeux des musulmans locaux pour faciliter sa conquête par l’armée française. Aujourd’hui plusieurs chercheurs se sont mis sur le sujet, et on attend d’y voir plus clair, car il est sûr que cette question revêt une grande importance, sur les plans historiques, anthropologique et politique, tout autant que religieuse.


Nabil Z

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