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Photo du rédacteurNabil Z.

«J’ai voulu aborder un sujet sur lequel on ne parle pas beaucoup»

L’équipe de « Je te promets », (3ohdheghkem) a terminé la phase de tournage du film et elle est actuellement en train de procéder au montage des scènes. Nous avons rencontré à cette occasion, Mohamed Yargui, l’auteur et réalisateur du court-métrage, produit par Moussa Haddad. L’histoire se déroule à Béjaïa et sa région.



La Dépêche de Kabylie :

Comment est venue l’idée de votre film, et comment avez-vous écrit le scénario ? Mohamed Yargui : Durant la première édition du Festival de Djoua, on a découvert pour la première fois le contre champ de la vue habituelle que nous avions de Béjaïa. La ville vue d’un angle différent. Elle était d’une beauté extraordinaire. On découvre la ville sous la montagne, avec, au-dessus, le fort de Gouraya. Dans le passé il était éclairé la nuit ; mais plus maintenant. J’ai essayé de le faire éclairer à nouveau pour les besoins du film, parce qu’une fois éclairé on dirait un diadème. Mais ça n’a pas été possible. En redescendant, j’ai vu une vieille maison, et à côté d’elle une nouvelle construction toute moche, avec les tiges en métal qui en sortaient, les murs non encore revêtus et non peints. J’ai imaginé quelqu’un qui habite là-bas, qui voit Béjaïa tous les jours de cet endroit, cet Eldorado qu’il contemple chaque jour, sans pouvoir y aller. J’ai imaginé plusieurs personnages avec des vies différentes. J’ai alors décidé de m’inspirer de l’expérience que j’ai eue dans le travail associatif où j’ai côtoyé plusieurs femmes aux talents insoupçonnés, mais qui n’ont pas eu la chance de fréquenter les bancs des écoles. Elles sont pourtant d’une grande sensibilité et d’une grande intelligence. Si elles avaient pu aller à l’école, elles seraient aujourd’hui médecins et cadres dans l’administration et les entreprises. Elles auraient aidé à construire l’Algérie. Alors, j’ai décidé d’en prendre une pour créer ce personnage, en composant entre la vie de plusieurs d’entre elles. J’ai voulu aussi parler de la relation entre frère et sœur. Au début, ils ont la même vie, les mêmes contraintes, les mêmes rêves. Le destin les sépare de façon injuste. En se séparant, le frère va à l’école et souffre aussi de l’éloignement, en fréquentant souvent des écoles et lycées qui se trouvent loin de chez lui, dans les internats et les dortoirs. Mais, au moins, il se dit qu’il est en train de construire sa vie et de réaliser son rêve. La fille, elle, reste à la maison, et quitte rarement son village et son environnement immédiat. Le seul moyen pour elle de sortir de cet enfermement serait d’aller à l’école. Mais celle-ci est loin. Elle se trouve à Béjaïa, et elle aurait besoin d’y être mise au régime de l’internat. Mais on le lui interdit. A la base, l’histoire du film a commencé sur cette idée. En écrivant le scénario du film, la relation frère-sœur s’est imposée, avec un accent sur la détresse de la fille. Pour elle, ce sera un rêve qu’elle ne pourra pas réaliser. Face à l’isolement de la sœur, le frère sent qu’il a pris quelque chose de plus qu’elle. Par rapport à elle, il sent qu’il a pris quelque chose qui ne lui appartient pas, et qu’il a été privilégié puisque lui a le droit d’aller visiter l’objet de leurs rêves, mais pas elle.  C’est la deuxième phase de l’écriture. Dans la troisième phase de mon écriture, je me suis demandé si, le jour où on interdit à la fille d’aller à l’école, son frère réagit. Il se promet, une fois grand, qu’il l’emmènerait à Béjaïa, et de monter sur la montagne en face et de contempler leur village de loin. Un peu comme l’autre face de ce que moi, j’ai vu. On sait que les promesses faites quand on est enfant sont oubliées une fois arrivés à l’âge adulte. Ça a l’air de n’être qu’une petite promesse, mais on est responsable de ses promesses. Je me suis alors demandé comment écrire ce scénario et le transposer à l’écran. C’est comme ça que l’idée du Flash-Back s’est imposée. Le frère, une fois adulte, revient sur ses pas. L’ascension des sentiers escarpés et abrupts, menant vers la maison natale, font appel à la montée, en contrepoids, de ses souvenirs. Il fait l’inventaire de ses sentiments et de sa vie pour essayer de se réconcilier avec lui-même. Il revit en quelques sortes dans ses souvenirs. Arrivé à la maison, il découvre quelque chose d’inattendu. Au lieu de se rendre dans la nouvelle maison construite récemment, il se rend dans l’ancienne, là où il a tous ses souvenirs. Et il se souvient de la promesse qu’il avait faite à sa sœur. Du coup, et par la magie de la fiction du cinéma, je lui fais tenir sa promesse de façon fictionnelle, si j’arrive à le ressortir dans le montage… Je laisserai le spectateur découvrir la suite, une fois que le film sera projeté.

Habituellement, dans les films, on raconte plutôt des histoires d’amour entre enfants qui se promettent de se marier une fois devenus adultes, puis ça ne marche pas. Cela fait plus romantique. Toi, tu as choisi une histoire entre un frère et une sœur ; pourquoi ? Justement, j’ai voulu aborder un sujet sur lequel, en général, on ne parle pas beaucoup. Cette relation entre frère et sœur, nous l’avons eu étant petits. Le déchirement est plus accentué dans ce cas-là que dans le cas d’une relation d’amour qui n’a duré qu’un temps limité. Entre un frère et une sœur, c’est une histoire de vie qui a commencé à la naissance.

Mais pourquoi tu as choisi de faire un court-métrage, alors qu’il y a peu d’espace pour une histoire aussi profonde et aussi complexe ? Est-ce pour des raisons financières ? J’estime que je suis toujours en formation. J’estime que, pour l’instant, je n’ai pas encore tous les outils nécessaires pour aller plus loin. C’est une étape dans ma carrière, sachant que le court-métrage est un genre cinématographique à part entière. Je suis en train de préparer un projet de long-métrage, dont nous reparlerons plus tard. Mais, après cela, je compte revenir sur le court-métrage. Peut-être même un documentaire. Pour cela, il faut huiler la machine. Dans le court-métrage, les difficultés et les risques sont plus importants, puisqu’il est presque impossible de récupérer une symbolique qui est perdue, par exemple. Dans un long-métrage, on a encore suffisamment d’espace pour récupérer un détail qui aurait pu échapper. On a besoin de tout un ensemble de compétences pour arriver à réaliser un film cinématographique, et chacun dans son poste est un artiste créateur au service des intentions définies à l’avance; une fois que l’équipe est séduite par le scénario et adopte son contenu et que tous partagent le même objectif que le réalisateur, le film peut se faire malgré toutes les difficultés du monde. Bien sûr, pour qu’un film se fasse, on a besoin de financement à la hauteur des intentions du réalisateur et de l’esthétique exigée par le scénario. Pour cela et pour ce scénario, je n’ai pas voulu le faire sans véritables moyens ou juste avec des amis bénévoles. Dans mon cas, c’est mon assistant, Hakim Abdelfettah, qui m’a présenté à la Production, puisqu’il a déjà travaillé en tant que premier assistant de Moussa Haddad. C’est comme ça que j’ai pu déposer mon scénario et que la production a fait le nécessaire pour obtenir quelques financements. Il est avec moi depuis le début de l’expérience “Je te promets “, et il continuera jusqu’au « Final Cut », si on peut s’exprimer ainsi. On a terminé presque tout le tournage. Il ne reste plus que la séquence avion, et le montage pourra être terminé. La Production est en train de faire les démarches nécessaires pour pouvoir le faire. Dans le film, la prise aérienne de Béjaïa est importante. Ce sera l’accroche du film. Je ferai le nécessaire pour transmettre cette image au spectateur, car, dans le cinéma, il faut aussi communiquer des émotions, avec l’image, le son et le jeu des comédiens. Il faudra utiliser certains outils qui permettent de transmettre la force de ces émotions. Pour le moment, nous allons recevoir dans quelques jours une cheffe-monteuse qui va intervenir sur le montage du film en travaillant sur certains aspects comme la fluidité des images, le passage d’une scène à l’autre…. Une fois le montage terminé on fera la post-production en Belgique, pour les traitements de l’image, du son et de tous les aspects techniques.

La musique peut porter un film dans le sens où elle peut accentuer ou étouffer les émotions suscitées par le jeu des acteurs. C’est Bazou que tu as choisi pour cela. La musique a-t-elle déjà été composée ? Bazou composera une fois qu’il aura vu les images. C’est un professionnel qui connaît bien son travail, avec en plus une sensibilité artistique et la culture indispensable pour ce genre de film. J’ai collaboré avec lui sur mes courts-métrages et documentaires, il me comprend rapidement et arrive à toucher les points que je veux mettre en évidence. Pour la musique, il y a bien évidemment le générique, mais aussi des morceaux qui devront accompagner les scènes. Ce projet de film est assez ambitieux. Il y a un certain nombre de risques qu’il faut prendre. Malgré cela, il faut toujours essayer. Je préfère cette démarche plutôt que d’abandonner sans avoir essayé. Nous avons fait le nécessaire pour éviter certains écueils, et nous faisons aussi le nécessaire pour rendre au spectateur les émotions contenues dans le scénario.

La sortie est prévue pour le printemps ? Oui, ce sera mars-avril. Nous ne savons pas encore combien de jours durera la phase de post-production. Mais ce sera dans cet ordre-là car nous espérons aussi participer à certains festivals.

Béjaïa, est-elle en train de devenir une place de cinéma, en même temps qu’une place de musique et de théâtre ? Béjaïa est depuis longtemps une place de cinéma. Les rencontres cinématographiques de Béjaïa, les journées du Documentaire, le Café Cinéma …et en plus, il y a beaucoup de cinéastes qui souhaitent tourner à Béjaïa. Le climat, la beauté des sites naturels et l’accueil de la population a toujours attiré les professionnels du cinéma vers cette ville.

Entretien réalisé par  N. Si Yani



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