En repensant à la journée de la Liberté de la Presse que nous venons de célébrer, il serait utile de reconsidérer les choses et d’essayer, autant que faire se peut, de déchaîner nos libertés.
Déchainer ou désenchainer ? Il faudrait voir. Car la liberté de presse toute seule n’a aucun sens, et aucune raison d’être. Des costumards en crayon - tablettes justes bons à déranger les habitudes acquises depuis si longtemps, ou encore à empêcher de truander le bon peuple en rond. La liberté de la presse peut aussi avoir des méfaits insoupçonnés. Déranger les tenants du pouvoir à l’abus facile.
Un journaliste libre est dangereux pour une société qui se complait dans sa situation, sans jamais essayer de sortir la tête de l’eau, ni arrêter de patauger dans la marre de ceux qui n’en ont jamais marre. Laisser libre cours à un journaliste pourrait aussi déranger la pensée si unique et si tranquille.
Forcer les gens à écouter un autre discours, à penser et à réfléchir. Un journaliste qui fait cela, mériterait d’être recyclé dans un journal gouvernemental, pour lui ôter l’envie de déranger les neurones d’autrui, ou de faire changer leur couleur, en les repeignant en gris. Car, la liberté de la Presse dérange encore plus que celle d’expression. Car l’expression est naturelle. Pas la presse qui est une invention humaine. Le malade exprime sa douleur en criant, le client son besoin en payant, l’amoureux sa joie en embrassant, et la princesse sa beauté en s’exhibant. L’expression est impossible à éradiquer. La presse, si. Celle-ci a besoin d’outils, d’instruments et de moyens d’expression. Elle a besoin d’organisation, de méthode, de discipline… Autant de points forts qui peuvent devenir, si on n’y prend garde, des points faibles. Car, comment faire une presse libre sans moyens ? Quelle est l’audience des médias électroniques gratuits aujourd’hui ? Seule la publicité nourrit et alimente la presse. La publicité, disions-nous ? Non, en fait, le lecteur. C’est lui qui est visé par la pub, autant que par la presse. Ah, ce lecteur, si recherché, si convoité, si sollicité…
Comment avoir des lecteurs ? C’est très simple pourtant. Nul besoin de lancer des campagnes de pub, pour cela. Pour transformer un non lecteur en lecteur, il suffit de l’envoyer à l’école. C’est là-bas qu’on apprend à lire et à devenir journaliste. Du moins, en théorie. Apprendre à lire, c’est la mission de l’école. C’est elle qui est censée fournir à la presse ses clients. L’école a donc besoin elle aussi de liberté. La liberté d’enseigner et de transmettre le savoir. La liberté de partager les secrets de la science, et la pensée des penseurs… L’école a besoin de moyens pour exercer sa liberté. Moyens matériels, financiers, et humains. Car pour enseigner, il faut des enseignants. Des gens qui sont censés en savoir un peu plus que leurs enseignés. Les enseignants sont capables, du moins en théorie, de jongler avec les idées. Maîtriser leurs tenants et aboutissants. Et pour cela, il faudrait qu’ils se débarrassent de leurs limites. Car ses enseignants ne peuvent transmettre que ce qui leur a été enseigné à eux-mêmes, auparavant. Pour se surpasser, le premier obstacle à sauter est celui des limites qui leur ont été imposés. Par la société, l’éducation les traditions, et aussi, par ceux qui leur assurent un revenu en fin de mois. La liberté, à ce stade, consisterait-elle à repousser des limites ?
Limites artificielles plus que celles induites par la nature humaine, forcement limitée. La liberté de penser, de chercher de créer, d’innover, de transformer, de dire, d’écrire, de filmer, d’enregistrer, de partager, et de mettre sur la place publique. La liberté de ne pas être d’accord, d’avoir une opinion ou un angle de vue différents. La liberté de ne pas en avoir. La liberté de se poser des questions, d’avoir des doutes, d’aller plus loin. La liberté de débattre, de confronter les idées, de démentir, de démontrer. La liberté d’aimer, de respecter, d’accompagner, ou de se tenir à l’écart.
Chaque élément de liberté est enchaîné et est dépendant de l’autre. La liberté, finalement a deux corolaires : le respect de l’autre et les limites naturelles. Car la liberté n’est pas forcément l’addition de toutes les libertés, mais leur usage sensé et intelligent pour faire le bien. Il n’existe pas une liberté qui soit indépendante de l’autre. Elles ne peuvent s’exprimer qu’en groupe. Elles sont liées les unes aux autres par cette nécessité de survie, car la Liberté est Une. En extraire une partie ou un aspect fait tomber l’Homme dans l’illusion, et non dans la vraie liberté. Peut-on se dire libre, par exemple, si on ne peut s’empêcher de critiquer le pouvoir ? Et pourrait-on en dire autant, si on en était empêchés.
La liberté devrait être considérée comme un bien au- dessus de tous les autres. Ne pas en faire usage, pourrait porter atteinte à l’Amour, au respect, à la compassion, à la sagesse à la connaissance, et à tout le reste. Si Wonder ne s’use que si l’on s’en sert, et Warta que si l’on s’en sert pas, la liberté jamais ne s’usera. Elle se recharge à chaque usage. Libertés en chaîne, c’est la liberté qui se déchaîne.
Nabil Z.
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