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Photo du rédacteurNabil Z.

« Juifs et Musulmans en Algérie : VIIème- XXème siècles », de Lucette Valensi, Chez Tallandier

« Il était une fois un pays, l’Algérie, où des juifs vivaient en grand nombre, répartis dans plus de 250 communes. C’était en 1954. Huit ans plus tard, il n’en restait plus que quelques milliers, qui allaient à leur tour quitter le pays où leurs ancêtres avaient vécu depuis la nuit des temps ».


C’est ainsi que commence le livre de de Lucette Valensi, en introduction au sujet délicat de l’histoire de la présence des juifs en terre d’Algérie, et leur rapport avec les populations musulmanes. Elle ajoute : « Il est aujourd’hui un pays, l’Algérie, où les jeunes ne savent pas que des juifs y ont très longtemps vécu ». Elle pose ainsi le problème du tabou qui entoure la question des juifs d’Algérie. C’est aussi la raison qui l’a poussée à chercher et enquêter pour retracer l’histoire juive de l’Algérie, depuis les origines. Même si l’auteur de « Juifs et musulmans d’Algérie » s’est concentrée surtout, sur la période allant du septième au vingtième siècle. L’histoire qu’elle raconte, remonte à la nuit des temps, rejoignant ainsi nombre d’autres auteurs qui rappellent que la présence des juifs en Afrique du Nord remonte à plusieurs siècles avant Jésus-Christ. En arrivant en terre amazighe, les arabes les y ont trouvés déjà établis depuis plusieurs siècles.

Mais le thème du livre de Lucette Valensi se concentre surtout sur la période d’après l’arrivée de l’Islam en Afrique du Nord, pour analyser le type de relations qu’entretenaient les deux communautés juive et musulmane entre elles. Ce qu’elle appelle « une coexistence millénaire ». Et elle se pose la question de savoir « comment cette coexistence a-t- elle été possible ? Et comment a-t-elle pris fin ? »

Un des écueils que l’auteure va essayer d’éviter tout au long de son livre consiste en la définition géographique de ce qui va devenir « l’Algérie ». Car les frontières ont sans cesse bougé avec le temps. « Le Maghreb central, en effet, ne s’individualise pas aisément ». Dès l’arrivée des arabes et l’islamisation de la région, il devient difficile de séparer ce qui se passe en Afrique du Nord du reste du monde musulman, Bagdad, Le Caire, Kairouan, Fès ou Grenade. Mais pour les juifs les références religieuses sont Bagdad et Jérusalem qui sont les pôles intellectuels de l’époque. Le Maghreb Central mettra du temps avant de s’imposer intellectuellement, avec d’abord au XIe siècle, Kairouan puis l’Espagne musulmane.

Sur le plan juridique, aucune loi n’est venue faire la distinction entre les juifs et les musulmans, chaque communauté se contentant d’appliquer ses propres lois et préceptes dans le respect des uns et des autres. Ce n’est qu’au quinzième siècle qu’un traité de Qayyiem el Djouziyya est venu établir « Ahkam Ahl Al Dhimma ». Mais ce traité a de la peine à pénétrer en Afrique du Nord, son auteur étant de rite Hanbalite, étranger à l’Islam maghrébin. Les juifs, pour la population musulmane de l’époque, n’étaient pas considérés comme des étrangers, mais comme de véritables autochtones.

L’histoire du Maghreb à cette époque s’est caractérisée par une instabilité politique permanente. Et le statut des juifs a varié d’une dynastie à une autre, même si dans l’ensemble, cette communauté a continué à vivre dans une certaine quiétude, partageant les conditions de vie des populations musulmanes, tout aussi affectées par les fréquentes guerres de conquête de territoires et les conflits politiques incessants. D’ailleurs, les sources documentaires disponibles, aussi bien du côté arabe que juif, ne relatent pas de conflits particuliers entre les deux communautés.

Les premiers changements significatifs vont apparaître après l’arrivée des ottomans, qui vont chambouler la vie politique et sociale de la région. Puis, vers la fin du quatorzième, et du quinzième siècle, l’Afrique du Nord va recevoir des nouveaux émigrants juifs, expulsés d’Espagne.  Au dix-septième siècle, de nombreux autres juifs sont venus d’Italie, s’installer dans l’actuelle Algérie. Preuve s’il en est, que les relations entre les communautés étaient paisibles et que le commerce était prospère.

Comment cette relation a brusquement pris fin au début des années soixante du vingtième siècle ? C’est ce que Lucette Valensi a tenté de raconter, sinon d’expliquer tout au long de son livre. Colonisation française, Décret Crémieux, lois de Vichy, Guerre de Libération Nationale, tous les éléments historiques vont être pris en compte pour essayer d’y voir plus clair. Existe-t-il encore un reste de communauté juive en Algérie ? L’auteure ne s’étale pas sur la question, se contentant d’avancer le chiffre de cent trente mille juifs algériens avant l’indépendance, et juste quelques milliers aujourd’hui.

Lucette Valensi est historienne réputée du Maghreb. Elle est l’auteure de plusieurs autres ouvrages, dont « Le Maghreb avant la prise d’Alger : 1790 :1830 », paru en 2004 aux éditions Cérès.

Un livre passionnant pour les amateurs d’histoire de l’Algérie, qui reste encore à découvrir, dans ses nombreuses facettes. Il est heureux de voir que des historiens s’intéressent encore à la question, alors qu’en Algérie même, la demande en documentation sur notre histoire ne cesse de grandir, et le besoin de connaître nos racines et notre parcours dans l’Histoire alimente la soif des intellectuels, avide d’informations et de documentation. Le livre de Lucette Valensi vient à point nommé, contribuer à étancher la soif des amateurs de lecture et de recherche historique.


Nabil Z.

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