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Photo du rédacteurNabil Z.

Jésus-Christ à Alger

Quelle relation y-at-il entre la ville d’Alger en Afrique du Nord et le Fils de Dieu ? Quel accueil le pays de Massinissa a-t-il réservé au Messie ? Et quelle réaction a-t-il eu avec le Crucifié ?


C’est dans les années trente qu’Alger a ouvert ses bras pour accueillir le projet de tournage d’un film relatant la vie et l’oeuvre de Jésus de Nazareth. Car, en 1934 eut lieu le tournage de « Golgotha » à une quinzaine de kilomètres à l’est de la ville d’Alger. Le film a été écrit par un prêtre Catholique directement inspiré du récit des Evangiles et tourné par le réalisateur Français Julien Duvivier. La distribution, avec plusieurs décennies de distance, paraît impressionnante : Robert le Vigan, de son nom de scène Robert Coquillaud dans le rôle de Jésus, Lucas Gridoux dans celui de Judas, Juliette Verneuil dans celui de Marie et Jean Gabin dans le rôle de Ponce Pilate.

Depuis le début du Cinéma, ce n’est pas la première fois qu’un film sur Jésus est tourné. Il y eut d’abord La vie et la Passion de Jésus-Christ de Ferdinand Zecca et Lucien Nonguet en 1902, un film colorisé constitué d’une trentaine de tableaux introduits par des intertitres. C’est l’un des tout premiers longs métrages du Cinéma. Quatre années plus tard, le premier Peplum du Cinéma vint raconter La Vie du Christ. réalisé par Alice Guy et produit par Gaumont. En 1908, il y eut Le Baiser de Judas, puis le Cinéma s’emballe et plusieurs films sur Jésus voient le jour, toujours bien accueillis par le public. Dès 1912, les Américains s’intéressent au sujet et plusieurs productions sont proposées au public : De la Crèche à la Croix, de Sidney Olcott en 1912, puis Le Dernier Diner, de Lorimer Johnston en 1914, suivi de Intolerance, de D.W. Griffith en en 1916, etc... La même année est sorti sur les écrans un film Italien d’Alberto Pasquali intitulé Christus, suivi de productions Danoises, Allemandes et Mexicaines,.... La particularité de ces productions était que la quasi totalité de ces films étaient muets. Le Cinéma n’étant encore qu’à ses débuts, il aura fallu attendre les années trente pour voir le premier film Français parlant, sur Jésus. Et il a été tourné à Alger.

C’est en 1935 que le film est sorti dans les cinémas. Le réalisateur a joué grand puisqu’il a pris le risque et la responsabilité de montrer le personnage de Jésus de près et de faire entendre sa voix. Jusque-là, les films sur Jésus prenaient soin de garder une distance entre le personnage et la caméra, et même n’osaient pas le montrer dans son intégralité, se contentant de le prendre de dos ou de profil, afin de ne pas choquer le public attaché au sacré et rejetant l’idolâtrie, malgré l’omniprésence des statues dans les églises catholiques.

Julien Duvivier a donc pris des risques énormes, à une époque ou la religion avait encore une place importante dans la société. La basilique Notre Dame d’Afrique trônait sur les hauteurs d’Alger et plusieurs édifices religieux voyaient le jour dans tout le pays. Sensible aussi a fait que dans les Dix Commandements il est proscrit de se faire des images pour les adorer, le public risquait de se faire écorcher si on lui présentait une image animée du Christ. Mais, le réalisateur avait sa propre idée sur le sujet et le producteur a fini par le laisser faire, fort de quelques films à succès, comme Poils de Carottes ou Allo Paris, ici Berlin.

L’essentiel du film a été tourné à Fort de l’eau, l’actuel Bordj el Kifan dans la banlieu immédiate d’Alger. Les décors et les tableaux sont fabriqués sur place et les figurants recrutés localement. Des bâtiments énormes, ainsi que l'enceinte de la ville et la tour Antonia de trente-sept mètres de hauteur sont également construits. Des maquettes sont fabriquées et des toiles sont peintes, cherchant à produire un certain réalisme. Le réalisateur gardait à l’esprit la qualité des produits made in Hollywood et cherchait un niveau de qualité capable d’impressionner et le public et les professionnels.

Le réalisateur, en plus des moyens matériels, utilise beaucoup de techniques cinématographiques encore complexes pour l’époque. Il ne se contentait pas des plans éloignés, mais utilise des gros plans pour rendre vivants les personnages. La caméra est parfois mobile et plonge au milieu de la foule, rendant la vivacité des scènes.

Le choix des acteurs a été fait de manière judicieuse par le réalisateur. Il ne voulait ni un film religieux ni une production mondaine. Ce qui faisait son parti-pris, sa partie subjective, c’était le contexte dans lequel vivait Jésus. Un accent particulier est mis sur la foule et sa méchanceté qui poussait Pilate à prononcer la condamnation de celui qu’il avait appelé le Roi des Juifs. Cette foule, justement, était constituée de quatre mille personnes recrutées pour la plupart en Kabylie. Le réalisateur a estimé que cette population ressemblait parfaitement à celle qu’il avait envisagée pour le film. Ces gens n’avaient besoin ni de maquillage ni de costumes particuliers. Leurs vêtements ressemblaient beaucoup à ceux portés au temps de Jésus.

L’essentiel de la vie de Jésus est donc tourné à Fort de l’eau. Il y faisait froid -entre 1 et 4 degrés- et Jean Gabin supportait mal de mettre la jupette romaine pour son rôle de Ponce Pilate. Parfois, le vent et la tempête détruisaient les décors. Il fallait donc attendre pour les réparer et reprendre le tournage. C’est alors que le réalisateur, pour gagner du temps, engagea la partie relative à la scène de la crucifixion. Car elle allait être tournée, à la Casbah.

Dans l’ensemble, les choses se sont bien passées. Mais le réalisateur devait s’adapter à une situation imprévue dans son programme : le Ramadhan. Non seulement les figurants n’étaient pas toujours en forme, mais en plus, ils ne pouvaient tourner qu’à certaines heures pour respecter les exigences de ce mois si particulier.

Toujours est-il que finalement, le tournage a été bouclé et l’équipe est repartie à Paris pour le montage du film qui devait être présenté au public l’année suivante, en 1935. Un public Français d’abord, avant d’être exporté aux Pays-Bas, Autriche, Portugal, Danemark, Finlande, Hongrie, Suisse, mais aussi au Québec, en Italie, et en Espagne...

Malgré la critique qui fut parfois injuste, Golgotha a eu un grand succès et a permis à d’autres producteurs de tourner leurs propres versions de la vie de Jésus.

Questionnement :

Il arrive, devant des situations inédites, de se poser des questions particulières. Plusieurs siècles plus tôt, c e fut un Nord-Africain qui fut chargé de prendre la croix de Jésus le jour de Sa crucifixion. Pourquoi, à Jérusalem, a-t-il fallu que ce soit quelqu’un venu d’aussi loin qui a eu la tâche -et l’honneur- de porter la croix du Fils de Dieu ? De même pour ce film, la question s’impose d’elle même. Pourquoi le premier film parlant sur Jésus a-t-il été tourné en Afrique du Nord ?

En méditant sur la question, on peut également supposer que l’événement porte en lui les signes d’une réalisation future, quelque chose comme le retour de Jésus en Afrique du Nord, après l’avoir visité pendant des siècles, faisant de ce peuple Berbère, la nation la plus christianisée durant des centaines d’années, produisant des géants qui ont fait avancer la foi et la civilisation, à l’instar de Tertullien, Cyprien et Saint Augustin.

Nabil Z.

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