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Photo du rédacteurNabil Z.

L’Amour Royal en Terre Amazighe. I

I- Hiarbas et Didon

Les histoires d’amour ont de tout temps rythmé la vie des berbères. Entre les mariages arrangés et les fougues amoureuses, les rois et les reines en Tamazgha se sont distingués par des comportements insolites, mais récurrents. Trois histoires vont nous révéler la force de l’amour et la dignité qui l’accompagne.



Nous sommes au début du dixième siècle avant Jésus-Christ. L’histoire commence quelque part à Tyr, dans l’actuel Liban, pays des phéniciens. Un jeune prince nommé Pygmalion convoite le royaume de son père, et se prépare à le renverser pour prendre son pouvoir et sa richesse. Mais sa jeune sœur ne l’entend pas de cette oreille. Elle prend ses trésors et s’enfuit, destination l’inconnu.


Elyssa Didon et Hiarbas.

La princesse Elyssa, entourée de ses gardes, prend trois bateaux de la flotte de son père, et s’enfuit en pleine nuit avec une poignée de soldats, de serviteurs et de servantes. Ils longent les côtes nord de la Méditerranée et font plusieurs escales, à la fois pour se reposer, se ravitailler et s’assurer qu’ils n’ont pas été suivis par les fidèles de son frère.

Vers 960, les trois bateaux mouillent au large de ce qui va devenir plus trad, la ville de Tunis. Ils sont repérés par les soldats de l’armée du roi local, Hiarbas. Ils ne semblent pas constituer une quelconque menace, et c’est avec beaucoup d’élégance que le roi amazigh va accueillir la jeune princesse qui est arrivée sur une chaloupe. Celui-ci est frappé par sa beauté, mais ne fais rien pour se l’accaparer.


Elyssa raconte sa mésaventure et demande l’hospitalité au roi. Celui-ci, craignant un mauvais coup de la part des soldats qui accompagnent la jeune femme, refuse, mais lui propose de les ravitailler avant qu’ils ne partent ailleurs. Mais, ne pouvant refuse l’hospitalité à la princesse, il lui propose de passer la nuit sur le rivage, mais ne l’autorise à occuper que l’espace d’une peau de bœuf sur laquelle elle pourrait s’allonger pour dormir. Elyssa accepte, et le prend au mot. Elle prend la peau de bœuf en question, et la découpe en fines lanières, obtenant ainsi une longue corde avec laquelle elle délimite un périmètre suffisant pour accueillir tout son équipage. Hiarbas est impressionné par l’intelligence de la jeune femme, et la laisse faire sans réagir. Il l’observe et voit combien elle était vivace, organisant et donnant des ordres pour que son personnel s’installe dans les meilleures conditions. En quelques jours, l’équivalent d’un petit village est constitué, avec une tente pour la princesse et des espaces pour le reste du personnel. Entre temps, elle fait venir des mercenaires de Grèce, d’Italie, de Malte et beaucoup de la Cyrénaïque. Elle fonde une petite ville qui deviendra célèbre dans le monde entier : Carthage.


Elyssa est dynamique. Elle bouge sans cesse, et ne semble jamais s’arrêter. Les habitants de la région se moquaient de la jeune femme qui ne fait que marcher sans jamais s’arrêter. Ils la surnomment Deddou, celle qui marche. Elyssa, grâce à ce surnom va entrer dans l’Histoire sous le nom de Didon.


En peu de temps, Hiarbas est conquis. Il est à la fois impressionné par la beauté de la jeune dame, et séduit par sa personnalité. Il lui offre des cadeaux et de l’aide pour améliorer son confort et celui de ses serviteurs. Il l’invite à dîner à plusieurs reprises et lui fait sa déclaration. « Deviens ma femme, et je partagerai mon royaume avec toi ». Didon hésite. Elle a déjà un royaume, celui de son père. Et elle ne cesse d’y penser et de chercher le moyen de le reprendre à son frère. Pour cela, elle a besoin d’une armée, et elle a de quoi la payer. Mais Hiarbas ne consent pas à son plan, et comprend vite que si son invitée réussissait à constituer une armée, elle deviendrait dangereuse pour lui et son pays. Mais au lieu de la chasser, il lui fait comprendre, lors d’une cérémonie grandiose, qu’elle n’aurait pas d’autre choix que de l’épouser. Pour Hiarbas, c’était le seul moyen de la contrôler et de mettre la main sur son trésor.


Le drame

Le décor est planté. Sur la place publique, on allume un grand feu, et prépare de la nourriture en abondance. Fruits, légumes, victuailles de toutes sortes, chants et danse, jeux, … Hiarbas était paré de ses plus beaux habits royaux, regardait arriver la plus belle des princesses. Ses vêtements étaient scintillants, sa parure et ses bijoux étincelants, et sa démarche élégante. Elle s’assoit aux côtés du roi qui lui a préparé de somptueux cadeaux. Mais Elyssa ne semblait pas à l’aise et se montrait agitée sur son siège. Hiarbas se lève et l’invite à faire le tour de laplace, pour parader devant les invités. Didon, soulagée de pouvoir se lever et marcher, fait mine d’accompagner le roi. Les invités étaient dans la liesse quand soudain, alors que personne ne s’y attendait, Didon saute dans le brasier en flamme et se laisse brûler sans que personne n’ait eu le temps de faire quoi que ce soit.

Elyssa Didon venait de mettre fin à sa vie, préférant mourir que d’épouser un homme qu’elle n’avait pas choisi. L’amour et la liberté venaient de se confronter, alors qu’ils auraient dû s’allier. On ne peut aimer sans liberté, ni être libre sans amour.


La première grande histoire d’amour en Tamazgha venait de se terminer en drame et deviendra célèbre dans le monde entier, faisant l’objet d’innombrables écrits comme l’Enéide de Virgile, pièces de théâtre comme celle de Christophe de Marlow, et de plusieurs poèmes. On a retrouvé à Pompéi une fresque représentant la légende d’Elyssa. Plusieurs tableaux ont été également réalisés un peu partout dans le monde pour célébrer « la chasteté » de la fondatrice de Carthage. Didon inspirera également plusieurs opéras, dont ceux de Berlioz, Puccini et Cavalli.


L’histoire d’Elyssa-Didon fait partie du patrimoine amazigh. La ressusciter et la raconter aux nouvelles générations devrait être un des soucis de nos manuels scolaires. Car elle nous instruit et nous relie à notre histoire, plus riche qu’on ne le pense.


Nabil Z.

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