III- Salim Toumi et Zaphira
Les histoires d’amour ont de tout temps rythmé la vie des berbères. Entre les mariages arrangés et les fougues amoureuses, les rois et les reines en Tamazgha se sont distingués par des comportements insolites, mais récurrents. Trois histoires vont nous révéler la force de l’amour et la dignité qui l’accompagne.
Nous sommes au début du quinzième siècle. Le royaume des Ait Mezghenna est gouverné par un roi d’envergure modeste, mais qui était connu pour avoir l’une des femmes les plus belles de son époque, rendant jaloux bien des rivaux. Le royaume d’Alger vivait dans une paix relative à cette époque, surtout depuis l’alliance contractée avec les espagnols assurant une certaine stabilité à la région. Mais des dépassements de soldats ibériques sont vite signalés ça et là, et le mécontentement de la population commençait à se faire sentir, sans que Salim Ettoumi ne puisse rien faire. Malgré ses plaintes auprès des souverains espagnols, rien n’y fait, et les notables proposent au roi de faire appel aux corsaires déjà établis depuis quelques années dans une ville côtière de l’est, Jijel.
Salim envoie une délégation aux frères Barberousse et leur propose de lui venir en aide pour se débarrasser des « infidèles » ; ce que les corsaires s’empêchent de faire, menant guerres et batailles pour libérer Alger des espagnols. Une fois libérée, Alger accueille les frères Barberousse avec beaucoup de joie…. Jusqu’au moment ou ces dernies et leurs corsaires se soient mis à se comporter comme les anciens occupants. Une fois de plus, la population commence à se plaindre et Salim Ettoumi se propose de faire appel une fois de plus aux espagnols pour se débarrasser des corsaires encombrants. Arroudj, ayant eu vent du projet, fait assassiner le roi dans son bain et prend le pouvoir. Il découvre la veuve et est immédiatement subjugué par la beauté de Zaphira, la veuve de Salim Ettoumi.
Arroudj Barberousse
Arroudj est excité et ne dort plus. Zaphira est incroyablement belle. Il la voulait et décida de l’épouser coûte que coûte, à la fois pour satisfaire son désir et aussi pour s’imposer aux yeux de la population comme quelqu’un de sans scrupule, capable du pire ; cela aurait pour effet de terroriser les gens, et ils se tiendraient tranquille, renonçant à nouveau à faire appel aux espagnols.
Dans un premier temps, Arroudj fait parvenir des présents à la veuve et lui exprime ses condoléances, faisant mine de ne pas être derrière l’assassinat de son mari. « Pour moi, lui dit-il, tu es toujours la reine d’Alger, jusqu’à ce qu’un nouveau roi monte sur le trône ». Endormant les suspicions de Zaphira, celui-ci finit très vite par se proclamer chef d’Alger, comme il l’était aussi de Jijel et s’apprêtait à s’emparer du royaume de Tlemcen.
Arroudj envoie des émissaires à la reine déchue, lui proposant de garde son statut en acceptant d’épouser le nouveau souverain : Arroudj lui-même. Mais Zaphira refuse et décide de résister. Ce dernier met la pression et pousse la reine à accepter, d’autant plus qu’une partie de la population voit encore en elle l’héritière du souverain assassiné. Elle reçoit aussi des messages en secret de la part des espagnols, lui suggérant de se préparer pour les recevoir à nouveau, si elle le désirait.
Arroudj panique. Il décide de faire fit des convenances et fixe une date de mariage, sans même demander l’avis de la souveraine. Malgré les émissaires et les intermédiaires, Arroudj était décidé à s’approprier la plus belle femme qu’il ait connu, surtout que ce mariage, pensait-il, allait lui assurer une alliance stable avec les notables locaux et la population. Usant de religion à outrance, il ne se gênait pas pour se comporte en vrai mécréant. Le vin coulait à flots, le marché des esclaves battait son plein, et les richesses indues entraient sans compter. Il était devenu une véritable terreur des mers, lançant des razzias partout sur les côtes méditerranéennes, et s’appropriant de jeunes garçons et filles pour en faire des serfs au service du nouveau pouvoir.
Drame de Zaphira
Zaphira est contrainte à la résignation, et la date du mariage approchait très vite. Elle n’aimait pas cet homme et lui en voulait d’avoir fait assassiner son mari. Elle ne voyait en lui qu’un criminel, et savait que ce qui l’intéressait en elle n’était pas sa personne, mais l’influence qu’il allait avoir sur la population au travers d’elle. Elle serait, si elle acceptait, considérée par la population comme une traitresse et serait comparée à une véritable garce ayant accepté de vende son âme pour rester au pouvoir. Mais la femme est digne et fière. Elle ne va pas se laisser faire. Avec l’aide d’une de ses servantes, elle se procure un poison et se prépare à en user au moment venu. Elle se préparait à éliminer son bourreau, et attendait l’occasion favorable.
Malheureusement pour elle, cette occasion n’est jamais venue. Elle pensait qu’au moment du banquet de mariage, elle allait pouvoir verser le poison dans la coupe de la brute. Mais Arroudj, sans éducation, ni savoir vivre, n’avait même pas pensé à célébrer le mariage d’une manière royale. Il avait seulement préparé les noces de manière grossière, se contentant de faire appel à un imam qui allait lire la Fatiha, suite à quoi il rentrerait pour consommer son mariage.
Ayant compris ce qui l’attendait, Zaphira retourne le poison contre elle-même, et l’avala d’un coup, avant de s’effondrer, morte sur son lit.
Cette histoire reste très peu connue, et n’est enseignée nulle part dans les écoles et universités algériennes, préférant présenter les frères Barberousse comme des libérateurs et héros. Alors qu’en fait, ils avaient tué tous les rois locaux à Alger, Tunis, Tlemcen et ailleurs. Les sources historiques sont très peu nombreuses à ce sujet, même si certains ont essayé de reconstituer ce drame au travers de romans ou de pièces de théâtre. On peu consulter à cet effet les livres de Gilbert Ménier (qui vient de nous quitter) et Mahfoud Khaddache.
Grands royaumes
On peut toutefois constater que ces trois histoires de Hiarbas et Elyssa Didon, Massinissa et Sophonisbe, Arroudj et Zaphira se ont toutes terminées par la mort de la reine. Chose curieuse, elles sont également suivies par la création ou l’installation d’un grand royaume en Tamzgha. Le premier fut Carthage, le second le royaume de Numidie, et le dernier à mit l’Afrique du Nord à la Merci de barbares de premier plan, et l’emprise ottomane sur toute la partie sud de la Méditerranée.
Nabil Z.
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