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Photo du rédacteurNabil Z.

L’Écriture Arabe, Aurait-Elle été Inventée par des Chrétiens ?

Au-delà des légendes et des dogmes religieux, l’Archéologie continue de faire des découvertes qui permettent d’avoir des lectures nuancées sur les faits historiques.


Le chercheur et écrivain Sam Bostron, spécialiste de l’histoire ancienne, vient de publier un intéressant article sur la revue « Ancient History ». Il y affirme que l’écriture arabe a été inventée par des chrétiens d’Arabie, en réaction à la persécution dont ils souffraient de la part du royaume yéménite de Himyar. 

Ainsi, la plus ancienne écriture arabe connue a été trouvée en Arabie saoudite, et date de l’an 470 Après Jésus-Christ. C’est-à-dire, quelques cent cinquante ans avec l’apparition de l’Islam. Pourtant, les arabes n’ont pas beaucoup persévéré dans l’écriture, préférant la tradition orale à celle de l’écriture. A l’avènement de l’Islam, il n’existait encore aucun livre arabe.

 C’est en Décembre 2015, que des chercheurs d'une expédition franco-saoudienne étudiant des inscriptions rocheuses dans le sud de l'Arabie saoudite ont publié un rapport de 100 pages dans l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres de France qui rapportait que le texte arabe le plus ancien, gravé sur une grande pierre rectangulaire qui a été trouvée en Arabie saoudite, portant la mention d'un nom, "Thawban Ben Malik", décoré d'une croix chrétienne. La même croix apparaît systématiquement sur les autres stèles similaires datant de la même période.

La découverte est sensationnelle car elle montre que les origines de l'alphabet arabe utilisé pour écrire plus tard le Coran appartient à un contexte chrétien. Cet alphabet pré-islamique est également appelé l’arabe nabatéen, car il a évolué à partir du script utilisé par les Nabatéens, cette nation Jadis puissante qui a construit le site de Petra en Jordanie, et a dominé sur les routes commerciales du sud du Levant et du nord de l'Arabie avant d'être annexée par les Romains au début du IIe siècle.

Le texte ancien est l'héritage d'une communauté chrétienne d’Arabie, autrefois florissante dans la région, également liée à la montée d'un ancien royaume juif qui régnait sur une grande partie de ce qui est aujourd'hui le Yémen et l'Arabie saoudite.

Chrétiens dans le désert

La tradition dépeint la région du Yémen et de l’Arabie préislamiques comme un espace chaotique où régnaient des troubles jusqu’à l’arrivée de l’Islam. Et il n’est fait mention d’aucune des nombreuses communautés chrétiennes et juives à travers la péninsule saoudienne qui ont prospéré à l'époque.

« Des études récentes d'œuvres d'anciens chrétiens et de documents musulmans ont remodelé notre image des sociétés qui existaient dans la région et ont jeté un nouvel éclairage sur l'histoire complexe de la région avant l'avènement de l'islam. L'un des royaumes importants en Arabie à l'époque était le royaume juif de Himyar » affirme Sam Bostron dans son article.

Le royaume de Himyar était rival de celui de Hadramout, la célèbre patrie de Hassan Al Sabbah, le leader des Hachachine. Il a été fondé vers le 2ème siècle après JC. Et vers 380 après JC, les élites du royaume de Himyar se sont converties à une certaine forme de judaïsme. Au 4ème siècle, Himyar était devenu un acteur majeur dans la lutte pour le pouvoir régional dans toute cette région d’Arabie. Ses dirigeants expansionnistes ont mené une série de campagnes pour conquérir les États voisins, dont le légendaire royaume biblique de Saba, dont la reine avait conquis le cœur du roi Salomon.

Des inscriptions royales trouvées dans la capitale saoudienne Riyadh et à Bir Hima, au nord du Yémen, attestent de la façon dont le royaume himyarite au 5ème siècle a étendu son influence en Arabie centrale, dans la région du golfe Persique et dans la région de La Mecque et de Médine, connue sous le nom de Hijaz .

Selon d'anciennes sources chrétiennes, les chrétiens de la ville voisine de Najran ont subi une vague de persécution par les Himyarites en 470. Le nom de Thawban, fils de Malik, apparaît sur huit inscriptions, ainsi que les noms d'autres chrétiens. Les experts français pensent que ces inscriptions sont une forme de commémoration de Thawban et de ses compagnons chrétiens qui ont été martyrisés pour leur foi.

Les chercheurs croient que le choix par les chrétiens de la première écriture arabe pour commémorer leurs camarades était un acte de résistance qui contrastait fortement avec les inscriptions laissées par les dirigeants himyarites dans leur Nabatéen natal. Adopter un nouveau système d'écriture était un moyen de se détacher culturellement, et de manifester une séparation d'avec Himyar, et en même temps, un moyen d'approcher le reste des Arabes pour s'unifier contre leur ennemi commun.

La résistance croissante et la pression extérieure ont finalement fait tomber Himyar. Dans les années 500 environ, il est tombé aux mains des envahisseurs chrétiens du royaume éthiopien d'Axoum. Pendant le siècle suivant, Himyar était un royaume chrétien qui continuait d'exercer un contrôle sur l'Arabie. Au cours de la seconde moitié du 6e siècle, l'un de ses dirigeants, un certain Abraha, a marché sur Bir Hima, conquérant Yathrib, l'oasis du désert qui, 70 ans plus tard, deviendrait la ville de Medine, berceau des Madianites, devenue la cité du Prophète.

Ce qui est curieux quand même, c’est que ces objets archéologiques existaient en Arabie depuis des siècles, mais il a fallu que ce soit une mission étrangère qui en parle et la rend publique. Les saoudiens n’ont pas jugé utile de s’en occuper et d’en faire profiter les autres. Toutes traces d’Archives chez les arabes disparaissent comme neige au soleil.  A ce jour, il n’existe pas en Arabie des missions archéologiques islamiques. Personne n’a fouillé les sites historiques pour retrouver les traces de la société musulmane originale. Les premiers musulmans ont également disparu sans laisser de traces, alors que leurs artefacts auraient permis de mieux comprendre cette société, et par là même, les débuts de l’Islam. Les seuls documents qui en parlent datent de plus de deux siècles après.

Les découvertes archéologiques donnent l’avantage à la science qui a de quoi s’appuyer avant d’avancer une explication ou une théorie. Or, malheureusement, tout ce qui vient d’Arabie est frappé du sceau de la sacralité théologique, empêchant ainsi de faire la lumière sur des épisodes restés obscures de l’histoire musulmane. 

Nabil Z.

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