Beaucoup de gens connaissent « la Croix du Sud », cet emblème réputé de la culture targuie. Mais d’où vient-elle et quelles seraient ses significations ?
Il existe plus d’une vingtaine de variétés de cette croix, et la plus connue est celle d’Agadez. On la retrouve dans les vitrines de tous les marchands d’argenterie berbère, qu’ils soient du nord comme du sud, tellement elle est connue de tous, et demeure populaire partout en Tamazgha. Mais là ou elle est le plus portée, c’est incontestablement dans l’Ahaggar chez les Touaregs. Et il en existe de nombreuses variantes que seuls les spécialistes peuvent distinguer.
La Croix du Sud est souvent fabriquée en argent. Mais on peut également la trouver en cuivre, en aluminium ou en pierre. Très rarement en or. En fait, tout dépend de l’oasis dans laquelle elle est produite. Chacune a une façon particulière de la dessiner, et dépendamment de ses moyens, utilise un support différent.
Origines :
En utilisant le mot « croix », certains ont tendance à la confondre avec la croix de Jésus, en pensant que c’est une c’en est une variante, remontant à l’époque chrétienne de l’Afrique du Nord. Mais il n’en est rien. Cette croix remonte à beaucoup plus longtemps dans l’histoire. Car elle symbolise une divinité phénicienne importée vers le dixième siècle avant Jésus-Christ par les marchants phéniciens avant d’être imposée par la culture carthaginoise. Son nom est Tanit. D’où son nom en langue tamacheq, Tanayilt. Cette croix est essentiellement portée par les femmes, mais on peut également la trouver suspendue au coup d’un chameau, comme porte bonheur.
Qui est Tanit ?
Tanit est une divinité d’origine chaldéenne (Irak) et très répandue dans tout le Moyen-Orient, sous différents noms : Astarté, Ishtar, ou Inanna. L’Ancien Testament dans la Bible ne cesse de la dénoncer en condamnant le culte qui lui est rendu. Elle est considérée comme une déesse de la fertilité, de l’amour et de la sexualité. Elle est l’Aphrodite chez les Grecs et la Vénus chez les romains. Plus tard, les catholiques la confondent avec la Vierge Marie sous le nom de la Reine du Ciel, nom qu’elle portait déjà en Mésopotamie.
La particularité du culte qui est rendu à Tanit, était le sacrifice humain. Dans la Bible, les prophètes condamnaient sans appel ce culte qui consistait à « faire passer par le feu » les enfants. En fait les familles riches et aisées, offraient en sacrifice à cette divinité un de leurs enfants pour que Tanit puisse préserver et développer leur prospérité. Elle était sensée leur garantir lasécurité et la fertilité, promettant de remplacer l’enfant sacrifié par une descendance abondante.
Cette pratique a peu à peu disparu, surtout à cause de l’horreur ressenti par les gens lors de grandes fêtes publiques ou les gens mettaient sur le bûcher leurs propres enfants. Et c’est à Carthage que cette pratique dura le plus longtemps. C’est lors de sa prise par les soldats romains que cette pratique jugée barbare fut interdite. Mais elle fut maintenue en secrets de façon plus ou moins régulière dans les zones non occupées par les romains, d’où le développement de la Croix de Tanit dans le sud. Le sacrifice officiel des enfants a en effet cessé, mais a été subtilement remplacé pendant longtemps par une forte mortalité enfantine, du fait que les gens ne faisaient pas grand-chose pour protéger les nouveaux nés, comptant sur cette divinité d’en prendre soin ou de la reprendre. Le développement de la médecine, surtout en zones rurales et dans le désert du Sahara a permis de fortement réduire cette mortalité. En Tunisie, le grand prix du cinéma est couronné par l’attribution du Tanit d’Or., et la compagnie maritime a baptisé un des ses plus prestigieux paquebots du nom de Tanit.
Forme et symbole.
Avec le temps, le symbole de Tanit a évolué. Relativement oublié au Moyen-Orient, il a été développé en Europe sous les noms d’Aphrodite en Grèce et de Vénus chez les Romains. Les anglo-saxons ont voulu symboliser la vie au travers de cette déesse, et la célébraient sous le nom d’Easter, qui deviendra plus tard le nom de la Pâque. Alors que certains appellent cette fête Passover, qui est l’exacte traduction du mot hébreux Pessah, d’autres continuent à l’appeler Easter, sans vraiment en connaître la raison. Tout comme ils ont transformé la fête païenne des Saturnales en celle de Noël, pourtant sans relation avec la naissance de Jésus.
Aujourd’hui, Aphrodite et Vénus symbolisent en occident la volupté, la sensualité et l’amour physique. L’industrie cosmétique en use et en abuse sous toutes ses formes. En Algérie, il existe également un laboratoire de cosmétiques appelé « Vénus ».
Physiquement, la forme de la croix de Tanit comporte les quatre points cardinaux, et est sensé symbolisé le monde dans toutes ses dimensions. Le Targui est nomade et il est libre de se déplacer et de voyager dans toutes les directions. D’où la présence de ce symbole sous le cou des chameaux. Mais au sommet, se trouve une sorte de cercle qui fait penser, si on regarde l’objet dans sa totalité, au corps d’une femme. La sexualité et la fertilité ne sont donc toujours pas loin de ce pendentif.
Il existe de nombreuses légendes chez les Touaregs qui racontent l’histoire de cette croix, toutes en relation avec une histoire d’amour. Pour indiquer à une jeune femme qu’un homme désirait l’épouser, il lui faisait parvenir de manière discrète un bijou en forme de Tanit. Longtemps on a pensé que cette divinité était berbère portant le nom de Tani, mais rien n’a pu être prouvé à ce sujet. Si l’amour est bien une valeur berbère, le symbole de Tanit est bien étranger à Tamazgha. Seuls les Touaregs continuent à l’utiliser, même si on en trouve des similitudes avec d’autres symboles chez les égyptiens, les Sénégalais et les Ghanéens.
Nabil Z.