De temps à autre paraît un livre cassant les tabous de la sexualité en Islam. Cependant, il est rare que son auteur soit une femme, comme c’est le cas pour le livre signé par Nadia El Bouga, « La sexualité dévoilée ».
Nadia El Bouga est une sexologue, sage femme musulmane, berbère originaire du Maroc. Elle a un cabinet en France et anime une chronique à la radio ou elle dévoile le long de ses émissions les secrets de lasexualité, notamment féminine, au regard de sa pratique médicale et de son exégèse coranique.
Dans son livre « La Sexualité Dévoilée », elle revient sur l’histoire du plaisir -qui dépasse seulement celui de la chair- en Islam. Selon elle, de nombreux exégètes et Faqihs musulmans ont traité de la question, sans que le grand public ne le sache. Ce fut notamment le cas d’Al Souyouti, qui est une des références préférées des islamistes. Al Souyouti était un imam, faqih égyptien du quinzième siècle. Il avait publié un traité de plusieurs volumes sur le sujet. D’autres « oulémas » ont également abordé la question de façon plus ou moins discrète, tant le sujet demeure tabou dans les sociétés musulmanes. Mais ce qui les caractérise en grande partie, c’est cette condamnation du plaisir sexuel, surtout chez la femme. Pour beaucoup, la sexualité se limite au rôle de moyen de procréation. Toute recherche de plaisir serait condamnable, et mal inspiré. Surtout chez la femme qui est régulièrement pointée du doigt et désignée comme instrument du diable, du fait qu’elle fait tourner la tête aux hommes. On peut également rappeler la publication d’Al Nafzaoui avec son célèbre « Jardin Parfumé » ou il donnait des recettes de parfums, et aphrodisiaques pour stimuler le désir sexuel. Ce livre a été comparé au Kama Sutra et traité de décadent par de nombreux oulémas qui en avaient condamné sa publication en 1876.
Il y a environs une quinzaine d’années, le philosophe algérien Malek Chebel avait tenté de démystifier la sexualité en Islam en publiant son fameux livre « le dictionnaire amoureux de l’Islam », ou il a rapporté les différentes références à la fois de la religion et de ses interprètes concernant ce sujet brûlant. Le livre a eu pour mérite de déblayer le terrain pour quiconque voulait en savoir plus sur ce sujet tel que vu par la religion musulmane et ses exégètes. Malheureusement, ce livre n’a eu de succès qu’en occident, les pays musulmans dans leur majorité avaient préféré l’ignorer, voire même le boycotter.
Nadia El Bouga casse tous les tabous et parle de sexualité musulmane. Rappelant que le musulman est un être humain comme tous les autres, il est doué des mêmes éléments corporels et psychiques et donc a les mêmes besoins que tous les autres, quelques soient leurs religions. Elle parle ainsi de "l'orgasme féminin" qu’elle compare à une "symphonie" ou chaque élément du corps joue un rôle particulier qui œuvre à compléter un autre élément, et le tout mis en œuvre avec harmonie, constitue une belle symphonie. Pour elle, séparer un élément de l’ensemble « c'est rester sourd à tout le reste du concert." Ce qui débouche sur d’innombrables frustrations comme les fantasmes, la perte de désir, le vaginisme ou l’éjaculation précoce.
L’objectif de la sexologue est clair : contribuer à "changer, en douceur, les mentalités dans la communauté musulmane". Elle fait donc œuvre de pédagogue quand elle explique à ses patients et aux auditeurs les secrets du mécanisme érotique chez l’homme et chez la femme. Elle n’hésite pas, dans son cabinet à utiliser un clitoris en trois D, un vagin de silicone, un pénis en érection, pour expliquer la mécanique sexuelle humaine. "Une partie de mon travail consiste à convaincre que les pulsions sexuelles vécues, c'est quelque chose de bon, pas de mauvais", déclare-t-elle.
Nadia El Bouga, est adepte d'un islam soufi, "minoritaire et réformiste", et affirme que la religion musulmane "reconnaît le désir et le plaisir, pour l'homme et pour la femme". Mais elle recommande de le pratiquer dans le cadre du mariage, mettant en garde les gens contre "l'hyper sexualisation" de la société.
Courageuse, elle prend position contre ce qu’elle appelle "les interprétations fondamentalistes du Coran", fruit du wahhabisme et son extension dans les sociétés musulmanes qui ont développé la culture de "la honte", sacralisant le corps de la femme au seul profit du plaisir charnel de l’homme. Elle déclare ainsi que "La femme ne doit pas être réduite à son hymen!". L’hymen est devenu le symbole de l’honneur de l’homme qui le place en position de tabou absolu. La femme n’a ainsi même pas son mot à dire sur le sujet. Et l’angoisse des mères est de réussir à maintenir la virginité de leurs filles jusqu’au mariage. Pour libérer les femmes du patriarcat « qui transforme la religion en instrument de domination", la thérapeute joue la carte de l'éducation sexuelle. C’est pourquoi elle ne se contente pas d’exercer dans son cabinet, et donne également des conférences un peu partout, surtout dans les milieux d’origine maghrébine dont elle est issue. Elle plaide ainsi pour une relecture critique du Coran. Avec son mari, cette mère de deux enfants ambitionne d’écrire une thèse sur la religion et la sexualité dans le monde musulman.
Ce livre est une belle découverte, à lire comme toujours, avec un regard critique en prenant la distance nécessaire et à compléter avec d’autres lectures, pour ne pas s’arrêter à un seul avis, et enrichir ses connaissance érotico-religieuses de données scientifiques à même d’assurer une approche rationnelle de ce tabou qui a fait couler tant d’encre et de sang.
Rappelons quand même que la plus belle et la plus célèbre chanson érotique, chantée dans le monde entier et en toutes langues, reste l’œuvre d’un Cadi musulman de Béjaia, un certain Boualem Bouzouzou. Il s’agit de Bellaredj.
Nabil Z.
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