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Photo du rédacteurNabil Z.

Lalla Robba, martyre Donatiste.

Plusieurs femmes sont mortes en martyres dans l’Afrique du Nord Antique. Perpetua et Félicité, Marcienne de Dellys, Salsa de Tipaza et Crispine de Théveste. Toutes Chrétiennes, mortes pour leur foi. La particularité de Robba réside dans le fait qu’elle était Donatiste.


Celle qu’on appelle encore aujourd’hui Lalla Robba, Dame Robba, est née en l’an 384 à Aquae Sirenses, l’actuelle Bou Hanifia dans la Wilaya de Mascara à l’ouest de l’Algérie. Elle était la soeur d’un évêque Donatiste, et était elle-même considérée comme une religieuse ou une sainte. Elle a vécu dans une période particulière, car l’Afrique du Nord Chrétienne était traversée par des troubles sociaux et religieux importants.

En l’an 355 naquit à Négrine, l’actuelle Tébessa, Donatus Magnus, Donat le Grand qui va devenir l’évêque fondateur d’un mouvement religieux Chrétien qui va marquer l’histoire de l’Afrique du Nord pendant près de trois siècles. Alors qu’il était devenu évêque Catholique de Baghaï, Khenchela actuellement, ses ambitions personnelles l’ont emmené à contester la nomination d’un important évêque à Carthage et organisa un mouvement pour le renverser. Après cela, il est monté à Rome dans l’espoir de remplacer l’évêque de la ville impériale en le renversant pour devenir le chef de tous les évêques de l’Empire. Il n’y parvint pas et fonda alors son mouvement religieux rassemblant autour de lui ce qu’on aurait appelé aujourd’hui, le prolétariat. La classe des paysans et des ouvriers essentiellement. Son mouvement prit de l’ampleur, et il ouvrit des évêchés partout dans le pays, concurrençant ainsi ceux dits « Catholiques ». Même si au début il professa la même chose que l’église officielle, les cadres de son mouvement développèrent petit à petit une théologie concurrente. En 411, Saint Augustin organisa à Carthage une conférence ou il réunit des centaines d’évêques Catholiques et Donatistes pour essayer de clarifier les doctrines et réconcilier les frères ennemis. Il démonta ainsi leurs arguments et travailla sans relâche à l’unification des deux tendances du Christianisme Africain. Mais ses efforts n’ont aboutis que partiellement et le schisme est resté vivant, surtout à l’ouest du pays. Les confrontations entre les deux mouvements n’étaient pas toujours pacifiques. Parfois, les partisans des deux camps en arrivaient aux mains, et des violences ont régulièrement été signalées.

Après la chute de Rome et l’arrivée des Vandales Ariens dans les années 420, les Catholiques ont été particulièrement combattus, forçant les responsables religieux à livrer leurs livres et objets sacrés aux nouveaux conquérants. Ce qui scandalisait les Donatistes qui considéraient les personnes qui se sont soumises comme des traitres, les Traditeurs. Les escarmouches étaient devenues fréquentes entre les deux camps et de nombreux blessés sont signalés dans toute la région.

Robba était une religieuse respectée. Elle était soutenue par les paysans et ouvriers dont elle défendait les intérêts. Avant l’arrivée des Vandales, les romains avaient distribué les terres les plus fertiles à ses citoyens, qu’ils furent Berbères ou d’origines étrangères. Les paysans d’obédience Donatiste se sont retrouvés exclus de ce partage et étaient obligés de travailler sous la domination de leurs frères romanisés. Les frictions et incidents étaient courants durant cette période et elles se sont accentuées après 429, lors de la prise de Carthage par les Vandales. Le courage et le combat de Robba étaient mal vus par les propriétaires romanisés qui considéraient son action comme plus politique que religieuse.

On ne connait pas avec précision les circonstances de son assassinat à l’âge de 50 ans, le 24 Mars 434. Plusieurs versions existent, mais peu de détails sont donnés. Certains prétendent qu’elle a d’abord été torturée puis écartelée, tandis que d’autres la considéraient comme guerrière morte au combat, à l’instar de la Kahina quelques siècles plus tard, sous les coups des envahisseurs Arabes et Musulmans. Toujours est-il qu’il y a un certain consensus sur l’identité de ses assassins : les Taditeurs. Ce qui confère à son meurtre un caractère religieux, d'où le titre de Martyre.

La mort de Sainte Robba a été un drame d’une ampleur incroyable qui a bouleversé tout le pays. Les Donatistes, pour honorer sa mémoire, lui ont construit une basilique à Ala Miria, l’actuelle Benian dans la wilaya de Mascara. C’est l’archéologue Français Stéphane Gsell qui l’a découvert en 1898. Dans cette basilique, on trouve aussi les caveaux de plusieurs autres dignitaires Donatistes, comme ceux d’évêques, de prêtres et de religieuses. Son épitaphe a été envoyée au musée du Louvre à Paris où elle se trouve encore aujourd’hui.

Dans son livre « Histoire de l’Afrique du Nord", Charles André Julien écrit : «les fouilles opérées à Ala Miliara (Benian), en 1898, nous permettent d’évoquer les rencontres sanglantes entre hérétiques et orthodoxes dans la Maurétanie occidentale où le donatisme restait puissant. Elles mirent à jour les caveaux de plusieurs dignitaires de la secte, notamment celui de la religieuse Robba, qui, pour avoir succombé, en 434, sous les coups des traditeurs mérita la palme de martyre et l’érection d’une basilique».

Aujourd’hui encore, la population appelle le monticule d’une centaine de mètres de hauteur dans la plaine de Sfisef ou se trouve cette basilique Djebel Lalla Robba. Et de nombreuses légendes sont racontées à ce sujet, faisant de cet endroit un lieu de pèlerinage. Le prénom de Robba est encore fréquent chez la gente féminine, et le gouvernement Algérien tarde à lui rendre hommage de manière officielle et digne de cette grande dame qui figure parmi les grandes héroïnes de notre histoire antique. La ministre de la Culture avait promis en 1989 de constituer une équipe spéciale chargée de préparer le classement de cette basilique comme Patrimoine National, mais rien ne semble avoir été fait depuis. Robba reste encore aujourd’hui, selon nos connaissances, la première résistante Berbère de l’Antiquité.

L’histoire Chrétienne de l’Afrique du Nord dans son ensemble, reste totalement inconnue dans nos contrées. Si ses enfants ne s’en occupent pas, personne ne le fera, sinon ceux qui en ont compris l’importance et qui voudront se l’approprier. Si ces dernières années on a déterré l’histoire de Saint Augustin, il n’en demeure pas moins que l’histoire Chrétienne de cette région a duré six siècles et a produit d’immenses talents qui ont été utilisés par les Occidentaux pour bâtir et développer leur civilisation. Nos gouvernants quant à eux, les regardent avec mépris.

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