Les Juifs d'origine algérienne qui ont souffert de la persécution nazie pendant la Seconde Guerre mondiale vont être indemnisés par l'Allemagne a annoncé le porte-parole du gouvernement d’Angela Merkel. C’est la dernière communauté à être ainsi indemnisée par le gouvernement allemand depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
Le montant de l’indemnisation a longtemps été négocié entre l’Allemagne et les représentants des juifs d’Algérie. Elle a été fixée à environ 2.550 euros par personne, soi à peine l’équivalent d’un mois de salaire moyen en Allemagne. Cette somme sera versée dès l’été prochain aux Juifs qui vivaient en Algérie entre juillet 1940 et novembre 1942 et qui ont subi la persécution du régime français de Vichy, qui a coopéré avec les nazis. On estime à environ vingt-cinq mille le nombre de personnes qui seraient concernées. La plupart d’entre elles vivent depuis longtemps en France et seulement trois mille cinq cents en Israël. Selon le journal israélien de gauche Haaretz, "Cette reconnaissance d'un grand groupe d'Algériens qui ont souffert des mesures antijuives des alliés nazis aurait dû avoir lieu il y a longtemps". Ce serait la « Claims Conference », une organisation de défense des victimes juives de la Shoah qui aurait négocié avec le gouvernement allemand. Le but de cette organisation est de réclamer des dédommagements pour les victimes des nazis et les rescapés de la Shoah, ajoute le journal. C’est donc « les Juifs algériens qui sont le dernier grand groupe de Juifs persécutés pendant la Shoah, qui recevront une compensation de l'Allemagne ». Malgré la faiblesse du montant ainsi accordé, il n’en demeure pas moins que sur le plan du principe, c’est une grande victoire arrachée après de nombreuses années de combat. Cela est aussi interprété comme une reconnaissance de l’existence de cette communauté, et du prix qu’elle a payé face aux nazis et leurs supplétifs français à cette époque. « Nous continuerons à nous battre jusqu'à ce que tous les survivants de l'Holocauste soient reconnus", a déclaré Rudiger Mahalo, représentant de la Claims Conference en Allemagne. Reste à identifier ces mêmes victimes. La plupart d’entre elles sont mortes depuis longtemps, puisque la guerre a pris fin depuis plus de soixante-dix ans. Ce qui supposerait que les bénéficiaires de cette indemnisation auraient aujourd’hui plus de quatre-vingt-dix ans. C’est là que va jouer la différence, puisque ce seront certainement les ayants droits qui vont en bénéficier. Les victimes, en tous cas la plupart d’entre elles, ne sont plus là pour voir leur souffrance enfin reconnue.
Il y a eu en arrière-plan tout un travail de recherche pour pouvoir identifier ces victimes et les circonstances dans lesquelles elles ont été déportées. Le professeur Haim Saadon, directeur du Centre de documentation sur les Juifs d'Afrique du Nord durant la Seconde Guerre mondiale à l'Université de Jérusalem, étudie actuellement un grand nombre de documents récemment publiés en France sur le déplacement des Juifs en Algérie pendant la Seconde Guerre mondiale. Selon lui, le premier et le plus important coup subi par les Juifs d'Algérie durant la guerre a été l'abolition du décret Crémieux en 1940, qui avait attribué la nationalité française à la population juive d'Algérie en 1870. La France avait tout bonnement renié les citoyens qu’elle avait courtisé quelques années avant, afin de bénéficier de leur savoir et savoir-faire. Le régime de Vichy a également été reconnu coupable d’avoir lui-même procédé à des arrestations de juifs sur le sol français même. A en témoigner, la rafle dite du Vel d’hiv.
En outre, ajoute le journal, « certains Juifs algériens, dont le nombre exact n'est pas connu, ont été envoyés en détention et dans des camps de travail dans toute l'Algérie ». Cependant, selon Saadon, « cette déportation n'a pas eu lieu de manière systématique et n'était pas dirigée contre les seuls Juifs ». Car en effet, il y a eu également des milliers d’autochtones, de communistes et autres qui ont souffert de ces déportations. Plusieurs algériens ont été déportés jusqu’en Calédonie, Syrie et ailleurs. Mais qui va réclamer des indemnisations pour ces cas précis, et à qui les demander ? Car si les juifs veillent à la reconnaissance de leur histoire, les autres se sont empressés de tourner la page sans même avoir soldé les comptes.
Nabil Z.
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