Oscar Wilde est certainement l’un des plus grands écrivains de la littérature universelle. Avec un seul roman, il a réussi à imposer un style littéraire et se hisser au rang des grands écrivains depuis.
Oscar Fingal O’Flahertie Wills WILDE dit Oscar WILDE est un écrivain Irlandais né en 1854 à Dublin dans une famille bourgeoise. Son père, Sir William WILDE, était le chirurgien attitré de la reine Victoria. Sa mère Jane Francesca Agnes Elgee, était une poétesse –connue sous le nom de Speranza- engagée pour la cause Irlandaise face à la couronne Britannique.
Il intègre en 1871 le Trinity College de Dublin d’où il obtiendra, 3 ans plus tard, une bourse pour le Magdallen College –branche de la prestigieuse université d’Oxford-. Là bas, il rencontre John Ruskin, professeur, peintre et critique d’art qui lui enseigne les préceptes du mouvement esthète, qui est un mouvement littéraire et artistique né au XIXe siècle en Angleterre, en réaction au naturalisme et au positivisme. Il désigne une conception superficielle de l’art dans le sens ou ce dernier ne doit être que la recherche de la beauté.
Marqué par celui-ci, Wilde montre rapidement son adhésion au mouvement et se démarque par l’excentricité de son style vestimentaire ou de sa personnalité. Il épouse en 1884 Constance Lloyd, fille d’un riche conseiller de la reine, avec qui il aura deux enfants. Son mariage ne fera toutefois pas taire les rumeurs concernant son homosexualité, et le procès de Queensberry (1895) l’opposant au Marquis de Queensberry qui lui exige son éloignement de son fils n’arrangera en rien les choses. Il sera condamné à deux ans de travaux forcés, puis, s’exilera à sa sortie de prison, à Paris ou il mourra en 1900 après s’être converti au catholicisme.
C’est un livre qui est paru à l’poque Victorienne –c.à.d. sous le règne de la reine Victoria-. Il fut publié pour la première fois dans une revue américaine du nom de « Lippincott’s Monthly Magazine » en Juillet 1890. Il est également le seul roman d’Oscar Wilde.
L’œuvre est une apologie de la beauté qui relate l’histoire d’un jeune Dandy d’une beauté extraordinaire qui, jaloux de son portrait, exprime le souhait de le voir vieillir à sa place afin qu’il puisse lui-même conserver sa beauté et sa jeunesse. Cette œuvre, s’inscrivant dans le cadre du réalisme fantastique, décrit avec minutie les mœurs de la société anglaise du XIXe siècle à travers les yeux et le comportement du personnage principal, qui en parfait anti-héro, montrera des signes de folie.
La Folie est omniprésente dans l’œuvre, mais elle est flagrante chez Dorian Gray, le personnage principal. Il y a lieu de savoir qu’elle n’émane pas de lui-même : elle est le fruit de l’influence de Lord Henry –aussi appelé Harry-. Il avait déteint sur lui dès leur première rencontre, qui a eu lieu malgré l’opposition de Basil Hallward, peintre du tristement célèbre portrait. Il craignait en effet l’impact que les beaux discours de son ami auraient sur le jeune homme de « …belle et candide nature » car son ami –Harry- «est un homme qui a très mauvaise influence sur tous ses amis ». Il le suppliait en ces termes « Ne le gâtez pas. N’essayez pas sur lui votre influence. Elle serait mauvaise ». Ces propos donnent un avant goût sur le rôle que jouera Lord Henry dans la vie de Dorian.
En directeur de conscience, il lui enseignera les principes de l’hédonisme, et lui apprendra à vivre sous les jougs de la tentation car selon lui « le seul moyen de se délivrer d’une tentation, c’est d’y céder ». L’Hédonisme est une doctrine philosophique grecque qui affirme que la vie se résume à la recherche perpétuelle du plaisir et à la fuite du déplaisir.
Pour Harry, le cas de Dorian Gray parait comme une expérience psychologique car il semble se plaire à influencer et à manipuler l’ « adolescent » (« Avec un fin sourire, Lord Henry l’observait. Il connaissait à merveille ces moments psychologiques ou il faut faire silence. Il se sentait vivement intéressé. Surpris de l’impression soudaine qu’avaient produite ses paroles… ». Les talents d’orateur d’Harry ne laissent pas le protagoniste indifférent « Sa voix grave et dolente exerçait sur lui une véritable fascination », bien au contraire, il développera un attachement particulier envers lui, en fera son confident et réclamera sa présence tout au long de l’œuvre. Son attraction envers lui ne l’empêchera cependant pas de prendre conscience de sa mauvaise influence. Il l’admettra dans des regrets qu’il exprimera au dixième Chapitre de l’œuvre : « Basil l’eut aidé à se défendre contre l’influence de Lord Henry ».
Le discours de Lord Henry ayant le plus bouleversé Dorian Gray, est celui concernant L’aspect éphémère de la beauté et du temps « Il est si court, le temps que durera votre Jeunesse ! ». Son impact est d’une densité telle qu’il poussera le personnage principal à Commettre sa première folie, mère de tant d’autres.
Après s’être laissé croire aux belles paroles de Lord Henry, Dorian Gray s’imprégna instantanément de la philosophie du premier. Quel meilleur exemple que sa réaction face à son portrait pour le prouver ? En effet, une fois le portrait achevé, Basil Hallward et Harry invitèrent le modèle à venir admirer le chef-d’œuvre. Sa réaction était pour le moins inhabituelle car, époustouflé par sa beauté, il se mit à repenser aux paroles d’Harry et éclata en sanglots :
« Oui, un jour viendrait où sa face serait ridée et plissée, ses yeux creusés et sans couleur, la grâce de sa figure brisée et déformée. L’écarlate de ses lèvres passerait, comme se ternirait l’or de sa chevelure. La vie qui devait façonner son âme abîmerait son corps ; il deviendrait horrible, hideux, baroque... Comme il pensait à tout cela, une sensation aiguë de douleur le traversa comme une dague, et fit frissonner chacune des délicates fibres de son être... L’améthyste de ses yeux se fonça ; un brouillard de larmes les obscurcit... Il sentit qu’une main de glace se posait sur son cœur... ».
Le jeune Dandy ne se contenta pas de pleurer uniquement, il exprima également sa frustration et formula le vœu de voir son portrait flétrir à sa place en échange de quoi il serait prêt à donner son âme. Il dit en ces mots :
« Quelle chose profondément triste, murmurait Dorian, les yeux encore fixés sur son portrait. Oh ! Oui, profondément triste !... Je deviendrai vieux, horrible, affreux !... Mais cette peinture restera toujours jeune. Elle ne sera jamais plus vieille que ce jour même de Juin... Ah ! Si cela pouvait changer; si c’était moi qui toujours devais rester jeune, et si cette peinture pouvait vieillir !... Pour cela, pour cela je donnerais tout !... Il n’est rien dans le monde que je ne donnerais... Mon âme, même !... »
Un vœu prononcé sous l’effet de la colère qui se réalisera pourtant bel et bien : Le portrait vieillira à la place de Dorian et se déformera de plus en plus après chaque péché commis par celui-ci. Le protagoniste finira par le considérer comme étant la représentation artistique de son âme et décidera de le mettre à l’abri des regards, pour cacher les déformations apparentes sur la toile.
Les péchés en question sont nombreux, parmi eux, son insensibilité face à la mort de Sibyl Vane, la jeune actrice dont il s’était « épris » pour ses talents et qu’il avait abandonné après une mauvaise prestation car, disait-il, elle avait « tué » son amour « vous avez tué mon amour […] Oui, s’écria-t-il, vous avez tué mon amour » Il la sermonna et décida de rompre leurs fiançailles –car il voulait l’épouser-. Désespérée pas sa rupture avec son « prince charmant », Sibyl avala une étrange substance et mourra instantanément. Quant à Dorian, il ne s’endeuilla que le temps d’un après-midi et s’en alla à l’Opéra le soir même. Il alla même jusqu’à considérer la mort de Sibyl comme étant le dernier rôle qu’elle avait à jouer, devint par la suite insensible à cette tragédie et décida de l’ignorer « comment avait-elle joué cette affreuse dernière scène ? ». « Je ne vois là rien d’épouvantable. C’est un des grands drames romantiques de ce temps ». « une chose dont on ne parle pas n’a jamais existé ». Il était également incapable de ressentir une quelconque culpabilité quand à la mort de la jeune fille et se dégagea de toute responsabilité « Qu’avait à voir Dorian Gray dans la mort de Sibyl Vane ? », soulageant ainsi sa conscience de cette tragédie.
Apogée de la folie
La folie de Dorian Gray atteignit son apogée un soir ou son ami, Basil Hallward vint lui demander des comptes et lui faire ses adieux avant son départ pour Paris. Il le supplia de lui dire si toutes les médisances à son sujet étaient fondées et qu’il souhaiterait tellement voir son âme parce qu’il ne le reconnaissait plus. Dorian Gray décida de répondre à son ami en lui montrant son « âme » qui n’est autre que la toile -dont il était l’auteur- qu’il était venu récupérer des années plus tôt pour l’exposer et que Dorian avait refusé de céder. En voyant le tableau, Basil pensa d’abord qu’il s’agissait d’une plaisanterie, « il voulu croire à quelque odieuse parodie…. », jusqu’au moment ou il reconnu sa signature sur le portrait « Dans le coin à gauche, son nom se détachait en hautes lettres vermillon ». Le peintre tenta de consoler son ami et l’incita à se tourner vers Dieu pour purger sa peine « Priez, Dorian, Priez ! ». Toutefois ces vaines tentatives n’eurent pas l’effet désiré. A l’inverse, Dorian Gray sentit jaillir en lui une haine sans précédent envers le peintre qu’il porta pour responsable de toutes ses malédictions :
« Il y a des années, lorsque j’étais un enfant, dit Dorian Gray, froissant la fleur dans sa main, vous m’avez rencontré, vous m’avez flatté et appris à être vain de ma beauté. Un jour, vous m’avez présenté à un de vos amis, qui m’expliqua le miracle de la jeunesse, et vous avez fait ce portrait qui me révéla le miracle de la beauté. » .
« Dorian Gray regarda le portrait, et soudain, un indéfinissable sentiment de haine contre Basil Hallward s’empara de lui, comme s’il lui était suggéré par cette figure peinte sur la toile, soufflé dans son oreille par ces lèvres grimaçantes... Les sauvages instincts d’une bête traquée s’éveillaient en lui et il détesta cet homme assis à cette table plus qu’aucune chose dans sa vie ! » .
Suite à quoi, Dorian Gray se laissa emporter par «...la folie du meurtre…» et assassina Basil par plusieurs coups de couteau :
« Il s’avança doucement, passant près d’Hallward. Arrivé derrière celui-ci, il prit le couteau et se retourna... Hallward fit un mouvement comme pour se lever de son fauteuil... Dorian bondit sur lui, lui enfonça le couteau derrière l’oreille, tranchant la carotide, écrasant la tête contre la table et frappant à coups redoublés. ».
Une fois de plus Dorian Gray n’éprouva aucun remord, aucun regret -même si plus tard, il admettra que cet acte avait été commis dans « un moment de folie » -. Paradoxalement, ce meurtre qu’il avait commit de sang froid lui apporta une sensation de bienêtre « Et quel calme étrange il sentait en lui » Il fit même en sorte de faire disparaitre le corps en faisant chanter l’une de ses anciennes fréquentations.
Dorian Gray ne réagissait certes pas immédiatement face à ses péchés, mais il ne les ignorait tout de même pas. En effet, à la fin du récit, il semble vouloir changer « Je ne suis plus le même Harry » et fait part de ses intentions à Lord Henry qui, naturellement, s’y oppose « Si, vous êtes le même ». Ferme dans sa décision, le protagoniste décide même de monter voir son portrait pour y déceler la trace du moindre changement positif suite à ses bonnes résolutions. Il constata dans « un cri de douleur et de rage » que la toile était toujours aussi souillée par ses péchés. Il comprit alors que ses tentatives de bonnes actions n’étaient qu’hypocrisie. Il prit donc le couteau qui lui avait servit d’arme cotre Basil pour se débarrasser de la toile « elle avait tué le peintre, elle tuerait de même l’œuvre de son pinceau.. » et transperça la toile. Toutefois, c’est lui qu’il détruisit en la transperçant.
Pour Conclure, l’on pourrait dire que le personnage éponyme de l’œuvre « Le portrait de Dorian Gray » a été victime de sa naïveté ainsi que de la mauvaise influence de Lord Henry avec qui il s’est laissé faire. Son incapacité à avoir ses propres idées, son propre raisonnement ont fait de lui une proie parfaite pour Harry qui ne cherche qu’à lui inculquer ses idées pour le moins, libertines. Ses discours sur la beauté, la jeunesse et le temps -contre lequel Dorian Gray semble se battre tout au long de l’œuvre- ont réussi à le corrompre et l’ont poussé à faire un pacte diabolique qui le dépasse. Cette idée de jeu avec l’âme est également présente dans « Faust » de Goethe ou le personnage l’échange contre le savoir absolu pour satisfaire sa curiosité, ou encore dans « La Peau de Chagrin » de Balzac, œuvre dans laquelle la vie du personnage est liée à la taille de la peau de chagrin : plus le personnage fait de vœux, plus la peau rétrécit, rappelant ainsi la relation des péchés de Dorian Gray avec les souillures de la toile. Ce rapprochement avec les deux œuvres issues de différentes sphères socioculturelles ne rabaisse ni l’importance ni la valeur de l’œuvre ou de son auteur. A l’inverse ceci montre le génie d’Oscar Wilde qui est considéré comme un auteur incontournable de la littérature anglaise et francophone.
L. L. ZIANI
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