La date de la découverte de l’Amérique continue a susciter des controverses, puisqu’on a la preuve de l’existence d’autres populations ayant habité le pays avant l’arrivée de Christophe Colomb. Leurs origines sont aussi débattues, puisque tous les spécialistes ne s’accordent pas toujours sur le sujet. Mais il est à peu près certain que beaucoup de tribus dites « indiennes », sont d’origine asiatique. Mais un ethnologue français du début du vingtième siècle a affirmé que beaucoup de tribus américaines, notamment aux Etats-Unis, sont d’origine Nord-Africaine, donc Berbères.
Nabil ZIANI
Gaston Cauvet était officier dans l’armée française au début du vingtième siècle. Il était établi dans le Sahara, et travaillait dans ce qu’on appelait à l’époque « Les Bureaux Arabes », une administration chargée de gérer les populations locales alors sous domination française. Dans le désert du Sahara, Cauvet avait temps de faire des recherches et de publier plusieurs livres sur la région du Hoggar et l’origine des Touaregs, sur les animaux du désert, ainsi que sur d’autres sujets. En 1930, il publia un important essai sur les Berbères intitulé « Les Berbères en Amérique ».
Le Commandant Cauvet avance une thèse très intéressante sur le peuplement de l’Amérique par des tribus Berbères, à côté d’autres venues d’autres régions du globe. Plusieurs tribus dites « indiennes» n’auraient d’autres origines que l’Afrique du Nord. Pour le démontrer, il compare les noms des tribus des deux rives de l’Atlantique, puis essaie de remonter jusqu’à leurs origines.
Il faut se rappeler que ce travail a été réalisé dans les année 1920, il y a donc un siècle. Les conditions de recherche, les moyens et l’état des connaissances sur la question des origines des peuples n’avaient pas l’état d’avancement que nous avons aujourd’hui. En cela, c’est un véritable exploit que le commandant Cauvet a réalisé avec ce livre. Il s’est appuyé sur une bibliographie assez limitée, mais de qualité. Il a jeté un regard critique sur les thèses existantes à son époque, et nous a apporté un travail digne d’intérêt, même s’il doit à son tour, être critiqué.
Origine des Berbères :
Selon Cauvet, les Berbères se sont d’abord répandus en Abyssinie du côté de l’Ethiopie, avant de se répandre dans le reste du continent où ils ont trouvé des « populations de races inférieures ». Ce sont des tribus appartenant à cette migration, mélangés par la suite à des émigrants venus d’Europe, qui auraient formé la race dite « Berbère », qui ont réussi à gagner l’Amérique ou elles se sont trouvées aussi en présence de nombreuses peuplades arrivées par le détroit de Behring. Etant plus civilisées que ces dernières, elles les firent bénéficier de certaines de leurs connaissances. Ce fut l’une des origines des civilisations américaines disparues plus tard devant les nouvelles invasions européennes.
Remarque : Le Commandant Cauvet considère que les Berbères seraient des « populations de races inférieures » à qui les Européens ont apporté la civilisation. Ces races inférieures seraient venues d’Asie, comme le reste des autres races, et seraient arrivées par l’Arabie. Le commandant Cauvet ne dit pas s’il s’aligne sur la thèse de l’origine Yéménite des Berbères, mais il affirme tout de même que « C’est par l’Arabie qu’ont transité toutes les peuplades qui ont habité en Afrique ». Il n’hésite pas à affirmer que ces peuplades ont été civilisées par les Blancs, car de races supérieures: « Tant qu’il y aura un climat tempéré, créateur de l’Homme blanc et de son énergie, celui-ci aura la primauté sur les autres races ». Aujourd’hui, ce genre de déclaration susciterait un véritable tolé. Mais à l’époque, cette thèse était largement dominante.
Si on peut largement critiquer les affirmations et interprétations du commandant Cauvet, notamment sur l’origine des Berbères, on doit cependant lui reconnaître une grande connaissance de l’ethnologie de son temps. Sa connaissance de la géographie et la répartition des ethnies répandues dans le monde est phénoménale. C’est en fait cet aspect de son travail qui est le plus intéressant. La lecture qu’il fait de ces données, pour une bonne part, se sont avérées inexactes par la suite. A titre d’exemple, il est admis depuis quelques années, que l’Homme Africain a devancé l’Asiatique dans son apparition, notamment depuis qu’on a trouvé les plus anciens ossements humains au Maroc et en Algérie. En ce qui concerne l’Asie, les migrations sont allées d’Ouest en Est et non dans le sens contraire comme l’affirme notre ethnologue.
Le peuplement de l’Amérique :
Dans le chapitre réservé au peuplement de l’Amérique, Gaston Cauvet affirme que « les tribus qui ont peuplé l’Amérique sont venues principalement d’Asie par le nord de ce continent ». Mais il ajoute « on croit aussi que les tempêtes ont pu, grâce au courant équatorial, jeter des nègres de la côte Ouest de l’Afrique sur celles du Brésil ». Le chapitre deux du livre est consacré aux noms des tribus indiennes d’origine asiatiques, venues de l’Oural, de Sibérie ou d’Europe. Le travail du commandant Cauvet est réalisé à partir des noms de ces tribus et leur transformation ou évolution. Ainsi, par exemple, il attribue l’origine des Quatos du Brésil à la région Quadi de Germanie. Les Rodetes de l’Equateur seraient également les Rodetes d’Espagne, et les Silvias de Colombie seraient les Silvanectes de Gaule. Ce rapprochement des tribus américaines avec d’autres existant ou ayant existé en Europe et en Asie est abondant dans les travaux de Gaston Cauvet. De nombreuses tribus seraient originaires d’Espagne, du Portugal, du Caucase ou d’Arménie.
Au chapitre trois, Gaston Cauvet consacre une partie de son étude sur les origines du peuplement de l’Afrique. « C’est par le nord-est qu’ont dû arriver les premières hordes de négrilles ». Il distingue ces « négrilles » des « nègres » proprement dits. « Tribus arriérées et sauvages » comme il les décrit.
A la page 137 de son livre, il affirme l’origine asiatique des Berbères, tout en ajoutant que : « C’est vraisemblable, quoi que nous ne puissions pas en apporter la preuve ». Il confirme donc que son interprétation de certaines de ses données relèvent de la spéculation et non de la démonstration scientifique. Du moins, en ce qui concerne l’origine des Berbères. D’autant plus qu’il continue en affirmant que : « Les Varvara ou les Barbara de l’Inde ont donné leur nom aux Berbères ». Il ajoute: « Bien des tribus Berbères sont venues de la Haute Asie, de l’Inde, du Caucase ».
Mais plus haut dans son ouvrage, il avait déjà affirmé : « Les Berbères sont réfractaires aux représentation antropomorphiques ». Ce connaisseur du désert algérien, n’avait pas encore entendu parler du Tassili et de ses milliers de peintures rupestres découverts après la publication de son livre. Il montre néanmoins les limites de sa connaissance des Berbères et de leur histoire, surtout quand il affirme en page 128 qu’ils sont « d’authentiques descendants du prophète Mahomet ». Il feigne d’ignorer que Mahomet était Arabe, donc Sémite, et que les Berbères sont Chamites. Sans rentrer dans les détails concernant l’identité des descendants authentiques de Mahomet au travers de sa seule fille Fatima. Ses deux fils étant morts alors qu’ils n’étaient encore que des enfants.
Pour le commandant Cauvet pourtant, « Un Berbère est un Homme qui parle la langue berbère ou dont les ancêtres l’ont parlée ». Le critère linguistique semble donc prédominer dans la définition des Berbères selon Cauvet. Pourquoi alors leur coller une origine Mahometane ?
Les Berbères aux Etats-Unis.
Le Commandant Cauvet signale dans la liste des tribus Berbères ayant émigré en Amérique, plusieurs d’entre elles qui se seraient installées dans le territoire des Etas-Unis, dans pluaisurs Etats. Il en rescence près d’une vingtaine rien qu’en Californie, comme les Wiyotes, les Pomos, les
Jenigneis, les Modois, les Foneches, etc... Il analyse en particulier le nom des Maquelcheles. Pour lui, depuis longtemps l’attention des savants Américains s’est portée sur cette tribu californienne
qui diffère complètement des peuples qui l’entourent et que l’on considère comme de race blanche. Ils transcrivent son nom Makhelchels. Leur passage dans le Nord est marqué par le nom du village de Melklilakhel aux Makatla de la commune de Sedrata près Mdaourouc la ville de naissance du Célèbre écrivain de l’Antiquité, Apulée de Madaure.
Les anciens en ont connu dans le Sud tunisien sous le nom de Mecales (Corippus) de Mctxala ou Mechal (Pline). Il existe encore dans l’Arad et à Djerba quelques Béni Maqel. Dans les généalogies berbères on trouve les noms de Xfacela et Xlaghila. Le passage des Maquelchelles par la Berbérie est établi par la duplication de la dernière syllabe qui ne se serait pas produit s’ils étaient venus directement d’Asie.
Un autre exemple qui nous a été fourni par Gaston Cauvet est ce lui de la tribu de Mutsunes. Les Mutsunes sont une tribu qui habite la Californie dans la région de Monterey. Une de leurs fractions porte le nom de Mutsos qui paraît dériver de l’ethnique primitif. J’estime qu’ils sont venus de Berbérie. Une des rares tribus dont les Romains nous aient laissé le nom authentique était celle des Musunii. Ils habitaient la Tunisie actuelle entre Thelepte (Medinet el Khedima et Cillium (Kasserine) à proximité des Musulames. Une inscription trouvée à Hassi Cheraga nous assure de leur nom et de leur existence. Un peu plus au Nord-Ouest on trouvait des Musones, peut-être un démembrement des précédents, que la table de Peutinger place entre Sétif et Ad Oculum Marinum.
L’origine de ces noms n’apparait pas ailleurs et il est probable qu’ils se sont formés sur place.
Dans les nomenclatures actuelles on trouve dans le Sud tunisien au S.O. de Sfax c’est-à-dire non
loin de la région où vivaient les Micsunii une Ain Mezouna et un Bled Mezouna que l’on identifie avec l’ancien évêché de Marazanoe Regiae. En Algérie la petite ville indigène de Mazouna
de la commune mixte de Renault et la tribu qui porte ce même nom rappellent ce même ethnique.
On peut encore en rapprocher avec quelques réserves les Msouna d’El Arrouch, les Massoume de
Blida et les Masouma de Chebli. Ces noms sont peut-être dérivés de celui des Maces, une des premières tribus Berbères signalées par Hérodote. Les Musunü de l’ancienne Byzacène ont dû faire partie des Garamantes, ou des Gétules, fort mélangés avec les précédents dans cette région, mais il ne paraissent pas avoir laissé de traces dans l’onomastique des tribus Touareg : il est donc probable que leur glissement vers l’Ouest avait précédé la dispersion cle ces nomades.
Le livre du Commandant Cauvet recèle d’exemples concernant de multitude de tribus disséminées aux USA. On trouve ainsi les Olagotanos de Floride, les Timaguanos, les Anches, les Vitachucos, les Tulas, etc... ainsi que les Tulas qui sont des Indiens de cette région dont il prend le nom comme type de cet ethnique parce que c’est le moins déformé; on trouve aussi des Tularenos ou Tulares, des Tulomos des Tolenos, des Tolowas en Californie, des Olagotanos, etc...
Cauvet nous donne aussi les noms des tribus des Antacotos de New-York, des Venados et des Avavares ou Avaraes ou Avares du Texas, des Utas ou Utah Waratchs du Nevada, des Utes du Nouveau Mexique, des Utagamis, des Foxes et des Musquakkies de l’Iowa. Et la liste est encore longue.
L’Afrique du Nord Berbère a été pourvoyeuse de populations, de culture et de civilisation pour les Américains. D’ailleurs, la plus ancienne ville des Etats-Unis s’appelle Saint Augustine en Floride. Elle porte le nom du plus célèbre des penseurs et théologiens, le Père et Docteur de l’Eglise, le Berbère Saint Augustin, Evêque d’Hiponne en Algérie.
Conclusion.
Il faudrait compléter cette étude avec les ressources de l’anthropologie, de l’ethnologie, de la linguistique, et de l’archéologie modernes. Il faut reprendre l’étude de manière plus méthodique et approfondie. Il reste aussi à savoir à quelle époque ces migrations ont eu lieu, aux moyens de transports utilisés, à l’itinéraire suivi, et à l’importance des effectifs des émigrants. On sait quand ces migrations se sont arrêtées (le 15eme siècle) avec l’arrivée des Conquistatdors, mais on ne sait pas quand elles ont commencé. En fait, à partir de cette date, c’est le commerce d’esclaves venus d’Afrique qui a commencé.
Une partie de ces migrants était constituée de pêcheurs et navigateurs que les vents et courants marins ont conduit vers les côtes de Guyane, du Venezuela ou du Brésil. D’autres vagues ont visé l’Amérique du Nord. Mais on ne peut exclure que des migrations organisées ont eu lieu. On peut se demander s’il n’y a pas eu, à certains moments, de véritables expéditions, des voyages de découverte, des envois de Colons, comme le faisaient les phéniciens dans l’Antiquité. On parle aussi de l’existence de l’Atlantide au milieu de l’Océan qui aurait pu servir de point d’escale ? Mais en règle générale, il y a un consensus sur le rôle qu’ont joué les Iles Canaries, elles aussi Berbères, comme escale entre les deux rives de l’Atlantique.
Certains noms américains ne se trouvent qu’en Berbérie. Et non dans les autres parties du globe. D’autres ont subi des déformations essentiellement Berbères. La provenance d’un certain nombre de tribus se trouve authentiquement attestée par le groupement des noms des collectivités qui les entouraient à leur point d’origine.
Le travail du commandant Cauvet est très important, mais largement insuffisant. Il a en effet ouvert un chemin, une piste de recherche très intéressante. Même s’il a limité sa recherche sur les seuls noms de tribus dont il reconnaît l’altération : « Partout, on constate la répétition des mêmes appellations, diversement altérées, mais cependant reconnaissables dans les diverses parties de la Berbérie. …Les consonnes PVQX n’existent pas chez les Berbères. …Les Grecs ont fortement estropié tous les noms Berbères ».
Il reste à vérifier pour confirmer sa thèse, d’autres aspects de ces migrations. Notamment les habitudes sociales, la manière de se nourrir, de s’habiller, celle de construire, de se marier, d’enterrer les morts, etc… Il reconnaît que son travail a besoin d’approfondissement, puisqu’il dit : « Les noms ethniques ne nous renseignent pas toujours exactement sur les caractères moraux, et physiques de la race qui les porte. Il ne faut donc pas demander aux noms ethniques plus qu’ils peuvent nous donner et on doit tenir compte de toutes les causes qui altèrent l’exactitude des renseignements qu’ils nous apportent ». Il ajoute plus loin : « L’ethnographie proprement dite, c'est-à-dire l’étude des coutumes des tribus, et l’archéologie préhistorique fournissent une importante et excellente contribution à la recherche des origines, mais mon sujet est limité à l’étude des noms ethniques. La paléontologie ne fournit pas encore assez d’informations sur le sujet qui nous préoccupe ».
Dans son travail, Gaston Cauvet utilise un vocabulaire parfois choquant, qui reflète le regard qu’avaient les occidentaux sur les autres populations. Il utilise des termes considérés aujourd’hui comme racistes et dégradants : Nègres, sauvages, arriérés, races inférieurs, hordes, etc… Pourtant, il a été démontré bien avant le 20eme siècle, période où il a vécu, que la civilisation occidentale dont il se montre si fier, est l’œuvre d’Africains comme Tertullien, Cyprien et Augustin. L’historien français Lucien Jerphanion considérait même Saint Augustin comme « Le Père de l’Occident ». D’où vient l’ignorance du commandant Cauvet à propos des Berbères notamment, sinon de cette école rétrograde qui considère que l’Europe est le nombril du monde et qui jette un regard méprisant sur les reste des Hommes ?
Il y a encore beaucoup à dire sur ce livre qui n’est malheureusement que difficilement accessible dans certaines librairies, à cause de sa rareté et de sa non réédition. Nous vous en avons livré un résumé qui reste encore à retravailler.
Notons quelques sources bibliographiques utilisées par Gaston Cauvet et qui mériteraient d’être réexaminées pour en tirer un meilleur profit :
· Dictionario ethnografico américano de M. Gabriel Varga Martin. Madrid, 1922.
· Répertoire alphabétique des tibus et douars-communes de l’Algérie., 1900.
· Nomenclature des et répartition des tribus de Tunisie., 1900
· Organisation territoriale du Maroc et Commandement indigène. 1921
· Le peuple marocain, le bloc Berbère, 1925
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