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Photo du rédacteurNabil Z.

Les Femmes du Monde Arabe dans la Bible


 



 

Je suis tombé récemment sur un livre qui m’a littéralement choqué. Il s’agit d’un ouvrage publié par la Société Biblique de Genève en 2019, écrit par Joanne Drotta et portant le titre de « Les femmes du Monde Arabe dans la Bible ». Le sujet est suffisamment intéressant pour que je m’y arrête et en examine le contenu.

 

Dans la préface de ce livre, nous pouvons lire les motivations qui ont emmené l’auteure à la rédaction de ce livre. Elle explique que beaucoup a été dit sur les femmes de la Bible, mais que rien n’a été publié sur celles du monde dit « Arabe », à partir d’une perspective biblique. Cette excellente idée est accompagnée du désir de la simplicité du texte afin de permettre une lecture aisée. Elle ajoute que son livre a été rédigé en Anglais, puis traduit en Français et en Arabe. Et c’est justement un des premiers problèmes rencontrés dans ce livre.

 

Le titre en Français, « Les femmes du Monde Arabe dans la Bible » a été traduit en Arabe de la manière suivante : « Dames Arabes Croyantes ». Il ne s’agit plus de femmes du « Monde Arabe », mais de femmes Arabes. Et la nuance est d’une grande importance. Car, le monde dit « Arabe » est constitué très majoritairement de non Arabes. On y trouve également de nombreuses éthnies connues, clairement non Arabes. Les Kurdes, les Chaldéens, les Kabyles, les Chaouis, les Nefzaouis, les Chleuhs et tant d’autres éthnies, qui vivent dans des pays dits abusivement « Arabes » et qui n’ont rien d’Arabe. Et ce n’est pas qu’une erreur de traduction de la part de « Hilary », la traductrice, mais bien un parti pris, tendant à amalgamer les identités des personnages du « Monde Arabe » en personnages Arabes. Et je vais argumenter.

 

En 2017, j’ai visité l’Institut du Monde Arabe à Paris, à l’occasion d’une exposition sur la culture Arabe. Les objets exposés provenaient de l’ensemble des pays considérés par l’IMA comme « Arabes ». Mais, après avoir parcouru les quatres étages de l’expo, nulle trace de culture Arabe. On y trouvait des bijoux Berbères, des tapis marocains, des instruments de musique irakiens, des vêtements traditionnels syriens, etc... Et surtout, y étaient exposés des rouleaux de la Torah, en Hébreu, originaires d’Égypte. Comme il n’y avait rien d’Arabe à exposer, on a teinté d’Arabité une culture qui ne l’est pas, reniant ainsi l’identité particulière de chaque ethnie pour la présenter comme ce qu’elle n’est pas. C’est l’esprit Arabe dans toute sa splendeur. Depuis les invasions Arabo-Musulmanes du septième siècle, partout ou les envahisseurs passaient, on teintait les territoires conquis d’une couleur arabe. Du coup, tout devenait, comme par enchantement, arabe. Y compris et surtout, les scientifiques, poètes et autres écrivains et Hommes d’État.

 

L’écrivain Algérien Amin Zaoui avait publié dans sa chronique sur le journal Liberté un article rappelant que les Arabes n’ont jamais eu d’intellectuels, mais qu’ils s’emparaient des noms des personnalités issues des pays conquis pour s’en glorifier en les présentant comme Arabes. Ils sont Perses, Ottomans, Maures, Égyptiens, Hébreux, Chaldéens, Assyriens, Afghans,... mais aucun d’entre eux n’est Arabe. Et il n’y a quasiment aucune femme sur cette liste, à cause de la place que les Arabes accordent à la femme. Certainement que l’initiative de Joanne Drotta est louable en essayant de revaloriser les femmes originaires du monde dit « Arabe ». Malheureusement, aucune des femmes nommées dans ce livre n’est Arabe, contrairement à ce que le titre traduit en Arabe prétend.

 

Sarah, femme d’Abraham était Hébreu, pas Arabe. Elle est même la mère de tous les Hébreux qu’elle a engendrés par Isaac son fils unique. Même si elle a été citée (pas nommée) dans le Coran et honorée grâce à sa place d’épouse de l’Ami de Dieu, non seulement elle ne pouvait pas être Arabe, mais à son époque, les Arabes n’existaient même pas encore. Certes, ils sont descendants d’Abraham également, mais à travers ses deux concubines Agar et Ketura.

 

Le fille du Pharaon de l’époque de Moïse, dont le livre ne donne pas le nom n’était pas non plus Arabe, puisqu’elle était Égyptienne. A son époque, personne n’entendait encore parler des Arabes. Le premier livre qui s’est intéressé à ce peuple est celui du roi Juba II de Maurétanie, contemporain de Jésus, soit quelques quatorze siècles plus tard.

 

Ruth la Moabite, comme son nom l’indique, vient de Moab dans l’actuelle Jordanie. Elle a été l’arrière grand-mère du roi David. Elle est également citée dans la généalogie de Jésus, comme une Moabite convertie au Judaïsme. Rien dans la Bible ne permet de la rapprocher des Arabes d’une manière ou d’une autre. Ruth s’est mariée deux fois. Son premier mari -Mahlon- était Juif. Après son décès, elle s’est mariée une deuxième fois en épousant un autre Juif, Boaz.

 

La Sunamite était une femme Juive habitant à Sunem, entre Jérusalem et Nazareth. Elle est connue pour son hospitalité en accueillant régulièrement le prophète Elisée. Elle et son mari n’avaient pas d’enfant quand Elisée lui demanda ce qu’elle voulait qu’il fasse pour eux. Ils eurent alors un fils qui grandissait auprès de son père. Un jour, ce garçon tomba malade et mourut. La Sunamite courut vers Élisée qui le ramena à la vie.

 

Quant à la femme de Naaman dont on ne connait rien, ni le nom ni le rôle qu’elle jouait auprès de son mari, il est difficile d’affirmer qu’elle fut Arabe. Naaman était le chef de l’Armée de Syrie au temps d’Élisée. Il avait la lèpre et était parti demander la guérison auprès du prophète. Si sa femme avait été d’une autre origine que la Syrie, la Bible l’aurait mentionné. La Syrie est Assyrienne et non Arabe. Attribuer l’arabité à cette femme n’a tout simplement aucun fondement biblique.

 

Même concernant la reine de Saba qui est mentionnée dans ce livre, il n’y a aucune preuve de son arabité et il n’y a pas de consensus sur la localisation de son royaume. Selon National Geographic de Juin 2021 « Une riche tradition littéraire se développa à partir de l’histoire biblique originale. Flavius Josèphe, auteur juif romain du 1er siècle, évoqua leur rencontre dans ses écrits. Élaboré au 7e siècle, le Coran présenta une version plus élaborée de cette histoire, tout comme le fit la littérature rabbinique juive. Le Kebra Nagast, un récit épique chrétien d’origine éthiopienne rédigé au 14e siècle, attribua la fondation même de l’Éthiopie à la reine de Saba. Selon ce texte, le royaume de Saba se trouvait en Éthiopie. La reine et Salomon eurent un fils qui fonda par la suite une dynastie. Cette dernière fit office de gouvernement en Éthiopie jusqu’à son dernier descendant, Haïlé Sélassié, mort en 1975 ».

 

Si Saba se trouvait au Yémen, alors la reine serait potentiellement Arabe. Mais, celle que le Coran Appelle Bilkis et les Etiopiens Makeda, vivait au dixième siècle Avant Jésus-Christ. Une période ou les Arabes ne semblent pas s’être encore installés dans cette région du monde. Les premiers Arabes vivaient à l’ouest de l’actuelle Arabie Saoudite, descendants en partie d’Ismaël, fils d’Agar l’Egyptienne et de Ketura, la troisième femme d’Abraham. Les premiers Arabes s’installèrent dans le pays de Madian, fils de Ketura, après avoir fondé la ville de Médine appelée également Yathrib. Or, la première mention du mot « Arabe » n’est apparu qu’au sixième siècle avant Jésus-Christ. Ce qui fait que les populations ne se sont identifiées comme telles qu’à partir de cette époque. Auparavant, elles étaient connue sous le nom de Madianites. Comment dès lors, considérer la reine de Saba comme Arabe ?

 

L’idée et l’approche de Joanne Drotta pour s’adresser aux femmes Arabes n’est pas dénuée de bon sens. Montrer à la femme Arabe qu’elle a eu des ancêtres spirituelles qui craignaient Dieu et croyaient en lui est même une bonne idée. Mais il faudra veiller à ce que le message reflète une vérité et non un fantasme spirituel. Associer à cette idée des personnages comme Sarah, Ruth ou la fille du Pharaon d’Égypte montre une totale méconnaissance de qui sont réellement les Arabes et ce qu’est le monde qui leur est associé. Il faudra veiller à ce que la vérité qui est en Jésus-Christ ne soit pas transportée sur un support couvert d’erreurs et de mensonges. Les Arabes, en envahissant toutes les contrées du Proche et Moyen-orient ainsi que l’Afrique du Nord ont tenté d’effacer l’identité des peuples soumis. Il ne faudrait pas que des écrits, sensés être Chrétiens, valident cette corruption de la vérité. Ceci n'enlève rien au fait que le Dieu de la Bible aime les femmes arabes exactement de la même manière qu'il aime toutes ses créatures, qu'elles soient hommes ou femmes, arabes ou non arabes.

 

Nabil Z.

 

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