Depuis février dernier, l’ensemble de la population réclame un changement de système. Cependant, pour pouvoir le faire, il est indispensable de le définir et de l’identifier. Quels sont les éléments de base, appelés mythes fondateurs, sur lesquels repose le système algérien ?
Tout pays et toute nation repose sur ce qu’on appelle des Mythes Fondateurs, basés ou pas sur une réalité historique ou sur une mythologie créée ou entretenue. Ainsi, laFrance est-elle basée sur le mythe de Vercingétorix. Le Maroc, sur celui de l’appartenance de la famille régnante à la postérité prophétique, et la Grèce sur ceux des dieux de l’Olympe.
Même si la terre algérienne existe depuis des millénaires, l’Etat algérien reste de création récente. Il a été notamment défini durant le vingtième siècle, pour se préciser peu à peu, prenant tout son sens après l’indépendance et sa consécration par l’actuel régime, ce qu’on appelle communément le Système. Et le changement des « symboles du régime » ne permettra pas de changer de système, puisque celui-ci est réputé survivre aux Hommes.
Ainsi, pour changer de système, ne devrait-on pas au moins en examiner les composantes ? Il y en a au moins trois qui sont fondamentaux, et qu’il conviendrait de regarder avec un regard critique.
Le Mythe de l’Arabité.
Le système algérien depuis l’indépendance, et même au-delà, se base sur un mythe intéressant, car décidant de toute la politique du pays, tant au niveau interne qu’international est celui qui est basé sur la prétendue arabité de l’Algérie. Ce système, résultant à la fois de l’ignorance de l’histoire et de la volonté d’arrimer le pays au bateau pan arabiste a bénéficié de grands investissements de tous les gouvernements en place depuis près de soixante ans. Notamment en décidant d’arabiser l’école dans un premier temps, l’université dans un segond et enfin, l’administration. Il en a résulté que le peuple ignore sa véritable histoire et ne connait même pas celle de substitution qu’on a voulu lui imposer, car mal définie et contenant à la fois des contradictions et des contrevérités. Si jamais l’Algérie décidait de mettre fin à ce mythe, il en résulterait une véritable fracture du système avec une option forte de changement d’optique et de vision, permettant de corriger l’histoire et de revenir aux fondamentaux historiques du pays. Sur le plan international, l’appartenance à la ligue arabe serait abandonnée au profit d’un véritable Maghreb fort, ancré dans son histoire et dans sa culture. Mais ce travail demande du courage et un effort intellectuel considérable. L’Algérie possède aujourd’hui une élite capable de faire cet effort, et nul doute qu’il sera soutenu par une population lasse du mensonge.
Le mythe de l’islamité.
Pour se maintenir en place, le régime algérien, comme beaucoup d’autres, a de tout temps brandi la question religieuse. L’article deux de la constitution stipule d’ailleurs que l’islam est la religion de l’Etat. Mais cet Islam n’a jamais été défini dans les faits. Les milliards dépensés dans la construction de mosquées ne visaient pas à mettre en pratique quelconques préceptes religieux, mais de manipuler la population en lui imposant sa domination. L’utilisation de la religion par le Pouvoir a dénaturé le concept même de foi, puisque derrière les apparences religieuses, se pratiquaient les pires désobéissances à ces mêmes préceptes. Le fruit est devant nos yeux : injustice, abus, pauvreté, ignorance, criminalité, et toutes sortes de maux qu’on ne retrouve plus que de manière marginale dans les pays qui ne se réclament plus de religion. L’utilisation d’un islam politique a conduit ces dernières années le pouvoir à interdire les autres pratiques religieuses musulmanes, à l’instar des Ahmadites et des Shiites. Mais depuis l’indépendance, cette pratique avait déjà concerné les religions chrétienne et judaïque, privant ainsi le pays d’une diversité religieuse féconde, qui aurait pu nous hisser dans notre manière de penser, à des niveaux spirituels très élevés. Le fait de redonner sa foi au peuple pour la pratiquer de manière libre et privée, constituerait une autre remise en cause d’une composante importante du régime et système algériens. La manipulation de la religion a aussi donné lieu à une guerre civile, puisque des gens qui se prétendaient plus religieux que le système lui-même, avaient voulu aller plus loin dans la manipulation des croyances et sentiments des gens, et leur dicter ce qu’il fallait penser au fonds de leur cœur et leur imposer un comportement étranger aux us et coutumes populaires.
Le Mythe de l’Unité Nationale.
L’Algérie est une et indivisible. Pourtant, elle est riche et plurielle. L’unité nationale a toujours constitué un épouvantail que le système a brandi devant toute tentative d’affirmation d’une identité pourtant évidente, qu’elle soit locale ou de dimension internationale. Ainsi, les différentes composantes de l’identité nationale, à savoir par exemple, les Touaregs, les Mozabites, les Chaouis, et les Kabyles, ont toujours été reniées par crainte de porter atteinte à la sacro-sainte unité nationale telle que conçue par le système. Et donc par extension, à la sécurité nationale. Pourtant, on voit bien que dans de nombreux pays, notamment européens, l’Espagne, l’Allemagne, la Russie, mais également l’Inde et la chine, les pays sont composés de multitudes d’ethnies qui ne remettent pas nécessairement en question l’unité nationale de leurs pays, et profitent de cette diversité pour en faire une véritable richesse contribuant au développement et à l’évolution du pays. Si l’Algérie décidait de reconnaître les composantes historiques de son territoire, le mythe fondateur de ce qu’on a appelé l’Etat FLN viendrait à sérieusement se fissurer.
La demande du Hirak de changer les symboles du système ou le départ de tous les responsables en place, ne va pas assez loin, puisque les nouvelles têtes, loin de pouvoir changer le système, devront le gérer, le replâtrer, pour le reproduire d’une façon ou d’une autres, et pour conduire à nouveau le pays dans une nouvelle crise qui risquerait de lui être fatale. Cat les jeunes de 2019 ne sont pas ceux des années soixante. Ils ont fait des études et ont vu ce qui se passe ailleurs, en ayant accès à des moyens de communications que le pouvoir ne peut plus censurer. Changer de système nécessite donc de pouvoir s’attaquer à ses mythes fondateurs pour sauver le pays.
Si l’arabité, l’Islamité et les mensonges entretenus par le pouvoir étaient remis en question, il ne pourrait en résulter que le relèvement du pays et son développement avec des perspectives nouvelles et avenir certainement moins sombre.
Nabil Z.
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