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Photo du rédacteurNabil Z.

Les Oubliés : Alger-Paris: Nouvelle Pièce de Théâtre Parisienne

Une nouvelle production théâtrale se joue actuellement sur les planches de la Comédie Française autour de la question de la Guerre d’Algérie et de son indépendance.



Deux trentenaires se posent tout un tas de questions sur ce qu’on appelait autrefois « les événements d’Algérie », avant que l’on accepte finalement d’appeler le chat par son nom. Sur les planches, trois générations se croisent autour d’un thème qui reste malgré tout encore tabou. Les plus âgés sont des pieds-noirs, et les jeunes ont la tête dans les nuages. En trois générations, le regard sur l’Algérie a bien changé. Entre ceux qui y ont vécu, et qui y sont probablement aussi nés, et ceux qui aujourd’hui regardent vers l’avenir, tournant le dos à leur histoire, se trouve une génération d’entre les deux. Certes, ces trentenaires n’ont pas connu la guerre, la violence et le déracinement, mais ont grandi avec les récits de leurs parents, les cocktails entre les anciens et auxquels les enfants ne comprenaient rien.

Nous sommes en 1958, lorsque le président René Coty fait appel au général De Gaulle pour l’aider à en finir avec les « événements d’Algérie ». Ce dernier accepte, mais pose la condition de revoir laconstitution, instituant ainsi la Vème république. C’est pendant sa présidence que l’Algérie accèdera à l’indépendance.


Le regard des auteurs de cette pièce de théâtre est certes subjectif. C’est le point de vue d’une partie de la France d’aujourd’hui qui n’a pas connu cette guerre et sur laquelle il y a une vue partielle, sinon partiale. Mais Julie Bertin et Jade Herbulot ont le mérite d’approcher cette question en se posant tout un tas de questions, et justement, en questionnant les anciens pour mieux transmettre aux nouveaux.


Selon ses producteurs de la Comédie Française, « Ce spectacle fait partie d’une sorte de quête sur notre histoire contemporaine. Les deux jeunes femmes, qui signent le texte et la mise en scène, nous restituent leur vision de la guerre d’Algérie, par le prisme de l’histoire particulière de deux familles, réunies à l’occasion d’un mariage organisé à la Mairie du XVIIIème arrondissement en 2019. Des flashes back inspirés par des archives d’époque, révèlent aux spectateurs leur regard de ce que purent être les entretiens tenus dans le bureau du Général de Gaulle entre 1958 et 1961, notamment lors de la préparation de la Constitution de la 5ème République. C'est le regard aigu d'une jeune génération sur des événements qu'elle n'a pas vécus ».


Les points forts des « Oubliés : Alger-Paris » sont à relever, puisque les metteuses en scène ont concocté une belle distribution (neuf comédiens de talent), orchestrée dans un système bi-frontal qui permet d’alterner entre des familles fictives et des personnages réels. Les comédiens incarnent ainsi la vie des trois générations depuis les années cinquante jusqu’à aujourd’hui, alternant entre le réel représenté par le fictionnel. Le choix du 18eme arrondissement de Paris ou se tient la cérémonie de mariage est judicieux, puisque pendant longtemps, il a été le quartier ou ont été parquées les populations issues de l’Afrique du Nord. D’ailleurs, la Maire qui officie à cette cérémonie en est elle-même issue, puisqu’elle est le produit d’un couple mixte franco-algérien. Cette situation, dans cette pièce, a mis mal à l’aise Yvonne De Gaulle qui a eu du mal d’ailleurs, à accepter cette nouvelle réalité d’un mariage entre un algérien et une française. Si cette situation a bel et bien existé, la nouvelle génération a du mal à comprendre ce qui était choquant dans cette histoire, car depuis longtemps, les mariages mixtes sont devenus banals dans la France moderne.


Dans l’ensemble, les acteurs ont su reproduire l’ambiance qu’il fallait pour faire ressentir des émotions difficiles à mettre en scène sans le talent de ces comédiens astucieusement choisis.


Cependant, représenter des personnages historiques, comme le couple De Gaulle, Michel Debré ou autres est difficile à réaliser. Parfois, les acteurs ont manqué de crédibilité, usant trop facilement de lacaricature. Car en effet, comment la jeune génération pourrait-elle se mettre dans la peau d’un De Gaulle qui a traversé l’histoire du vingtième siècle d’une manière aussi dramatique, ou du Gouverneur général de l’Algérie ainsi que du fameux général Challe ? Les metteuses en scènes, voulant sans doute user de didactique pour transmettre leur message, ont pu pécher par un encadrement un peu trop strict, limitant ainsi la spontanéité des gestes et les jeux naturels des comédiens. Parfois on a le sentiment d’un détachement des acteurs par rapport à la mémoire, diminuant ainsi de la profondeur des sentiments enfouis, nés de l’horreur de la guerre.


En tous cas, le théâtre ne prétend nullement la restitution objective d’événements historiques. Il propose plutôt un regard subjectif, celui de ses auteurs et de ses metteurs en scène, atténué par le jeu des comédiens. Il ne faut pas s’attendre à un cours d’histoire, mais à une invitation a jeter à nouveau un regard sur cette triste histoire des relations entre la France et ses colonies, et en particulier l’Algérie. Il faudrait rendre hommage aux auteurs de cette pièce qui, soixante ans après les faits, ont eu le courage de remettre sur les planches une période douloureuse de l’histoire des deux pays, une histoire que les français ont hâte d’enterrer définitivement, mais qui lui revient à la figure de façon très récurrente. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que Julie Bertin et Jade Herbulot du « Brigit Ensemble » font des rappels historique dans leurs œuvres. Elles ont également traité de l’histoire de leur pays après la Deuxième Guerre Mondiale ainsi qu’une tétralogie « Europe mon amour », et invitent ainsi le public à jeter à nouveau un regard sur son histoire.


Le festival International de Théâtre de Béjaia serait bien inspiré d’inviter cette troupe pour la prochaine édition, en ce sens qu’elle permettra au public algérien de découvrir ce regard français et de le croiser avec la vision algérienne de ces « événements ». Peut-être assisterons nous à un débat intéressant sur la question?


Nabil Z

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