On ignore souvent que les personnages fondateurs du Christianisme n’avaient rien de romain, sinon la citoyenneté. Beaucoup d’entre eux étaient en effet, originaires d’Afrique, d’Asie ou d’autres contrées Européennes. Les Nord-Africains (les Berbères ou Amazighs) ont joué un rôle primordial dans la création et le développement de cette nouvelle foi. Et le lecteur sera surpris d’en découvrir quelques uns.
Les personnages bibliques :
Le plus célèbre des Nord-Africains mentionné dans la Bible est sans contexte Simon de Cyrène. Le seul rôle qu’on lui attribue est celui d’avoir aidé Jésus à porter sa croix jusqu’à Golgotha le jour de la crucifixion du Fils de Dieu. Car à partir de là, il disparait totalement du texte biblique. Par contre, ce qu’on oublie, c’est de rappeler qu’il était le père d’Alexandre et de Rufus, deux personnage qui ont accompagné Saint Paul en Espagne pour évangéliser les « extrémités de la terre », après sa libération de la prison romaine. Alexandre a, en effet, aidé à évangéliser l’Espagne avant de retourner vivre à Carthage dans l’actuelle Tunisie, où il trouvera la mort en martyre. Rufus quant à lui a aidé à évangéliser la Catalogne avant de continuer son voyage vers le sud de l’actuelle France - autrefois la Gaule- et mourir à un âge avancé en Avignon, qui deviendra des siècles plus tard « la Cité des Papes ».
Alexandre et Rufus avaient un ami d’enfance, également né à Cyrène, dans l’est de l’actuelle Libye. Il s’agit de l’auteur du premier Evangile, « Jean, appelé Marc ». Saint Marc a été un Chrétien d’une grande importance dans le Nouveau Testament, même s’il s’est fait relativement discret. C’était le cousin de Barnabas, autre personnage majeur du Livre des Actes des Apôtres. Il aurait été l’ordonnateur des Noces de Cana ou Jésus a accompli son premier miracle en changeant l’eau en vin. Il est compté parmi les soixante-dix disciples que le Christ a envoyé en mission, tel que raconté dans l’Evangile de Luc. Parent par alliance avec Simon Pierre, il a été son secrétaire particulier et son interprète, l’accompagnant dans son voyage à « Babylone », cette bourgade située près de l’actuelle ville du Caire en Egypte. Marc a été compagnon de Barnabas et de Saul lors de leur premier voyage missionnaire, avant de s’en séparer et de retourner à Jérusalem. A la fin de sa vie, Paul le réclama à Timothée, lui demandant de le ramener avec lui, alors que l’Apôtre était en prison à Rome. Selon lui, Marc lui était « utile dans le ministère ».
Marc est l’auteur du premier Evangile. Il a été le premier à rédiger les paroles et les actes du Christ, inspirant ainsi d’autres écrivains, dont Matthieu et Luc qui ont repris la plupart de ses textes. A la fin de sa vie, Marc est allé évangéliser Alexandrie où il fonda une église et où il trouva la mort en martyre. Les Coptes le considèrent comme le fondateur de l’église d’Egypte.
Il existe d’autres personnages originaires d’Afrique du Nord qui ont joué d’importants rôles dans l’expansion de l’Evangile au premier siècle. Soit à titre collectif ou individuel. Nous trouvons dans le Livre des Actes des Apôtres le récit de l’Evangélisation de la ville d’Antioche an Syrie, actuellement Antakya en Turquie. Le récit de Luc nous apprend ainsi que ce furent des frères venus de Chypre et de Cyrène qui évangélisèrent la région et furent les premiers à être appelés « Chrétiens ». Juste après, alors que les conversions se multiplièrent, ce fut Lucius de Cyrène qui fut choisi comme Evêque de la région. Un autre personnage plus mystérieux fut appelé par Paul comme « les prémices de Christ en Asie », mais qui s’est retrouvé comme évêque de Carthage aux côtés d’Alexandre, fils aîné de Simon de Cyrène.
Période post-biblique :
Le Christianisme s’implanta de manière très forte en Afrique du Nord. Dès le deuxième, puis le troisième siècles apparurent des personnages qui vont marquer définitivement la nouvelle religion. Cette région du monde va donner à tout l’occident ses maîtres à penser philosophiques et spirituels.
Le premier de ces personnages fut Minucius Félix qui a publié au deuxième siècle, un ouvrage -l’Octavius- ou il met en scène trois personnages, dont un Chrétien et un incroyant, débattant sur l’existence de Dieu. Cet ouvrage a eu un grand retentissement, au point ou Félix fut considéré comme un des tout-premiers Père de l’Eglise. A la même époque naquit Tertullien. Un avocat Carthaginois qui se convertit et devint un des écrivains majeurs du Christianisme primitif. Il a vécu dans une période ou les conversions furent très nombreuses en Afrique du Nord, accompagnées de périodes de persécutions avec son lot de martyres de la foi, dont les célèbres Perpetua et Félicité. Dans son livre « Apologétique » il écrit : «Nous ne sommes que d’hier et nous remplissons tout ce qui est à vous, vos villes, vos îles, vos forteresses, vos municipes, vos conciliabules, vos camps eux-mêmes, les tribus, les décuries, le palais, le sénat, le forum.». Tertullien était un homme de caractère. Il vivait sa foi avec courage et sincérité. Il disait, pour ceux qui se vantaient d’être de descendance noble et religieuse : « On ne nait pas Chrétien, on le devient ». Son approche théologique des Ecritures a suscité de longs débats dans tout l’Empire Romain, et même au-delà. Il a été le premier à utiliser l’expression de « Trinité ». Ses oeuvres continuent à inspirer de nombreux philosophes et théologiens jusqu’à aujourd’hui. A la même époque vécurent de nombreux autres penseurs et Hommes de foi dont Julius Africanus, ou Julius l’Africain. Encyclopédiste et chercheur hors pair, il maitrisait plusieurs langues et s’attacha à résoudre de nombreuses énigmes bibliques, dont le Térébinthe de Jacob, ou encore l’Epitre de Susana annexée au Livre de Daniel. Il a élaboré avec beaucoup de détails la Chronologie du monde à partir de données bibliques et il a résolu l’énigme de la généalogie de Jésus avec les contradictions apparentes entre celle mentionnée dans l’Evangile de Matthieu et celle de Luc.
Après lui va apparaître un autre personnage en Afrique du Nord, père de l’Ecclésiologie. Il s’agit de Cyprien de Carthage, Père de l’Eglise et Evêque de cette ville. Il a marqué l’histoire de l’Eglise par ses écrits, notamment en période de persécution. De nombreux lieux et sites dans le monde portent son nom. Il est mort en martyre, décapité par les romains, après avoir prêché l’Evangile et travaillé avec persévérance sur la question de l’Unité de l’Eglise. 0n lui doit notamment la citation « Hors de l’Eglise, point de salut » qui a suscité tant de controverses. Plus tard apparut un autre personnage, Marius Victorinus. Lui aussi considéré comme Père de l’Eglise. Il était rhéteur, philosophe, grammairien, et ardent défenseur de la Trinité à qui il consacra un livre en réponse aux ariens qui en déformaient le sens.
Ces écrivains africains et Pères de l’Eglise étaient de grands personnages qui ont joué un rôle important dans le développement de la pensée chrétienne post biblique. Mais aucun d’entre eux, ni même eux tous réunis, ne sauraient égaler celui qui est considéré comme le plus grand théologien Chrétien après Saint Paul. Il s’agit de Saint Augustin. Ses livres, ses semons et traités sont innombrables. Il a traité tous les sujets possibles et imaginables et il a influencé l’ensemble des philosophes et théologiens qui sont venus après lui. On compte encore aujourd’hui dans le monde, plus de quatre cents publications de toutes sortes le concernant, chaque année. Il est considéré par bon nombre de penseurs comme étant le Père de l’Occident. Ses oeuvres les plus connues sont « Les Confessions » première autobiographie de l’Histoire et « La Cité de Dieu », premier traité de géopolitique connu. Augustin est considéré comme Père et Docteur de l’Eglise. Il est le seul à porter ces deux titres simultanément.
L’Afrique du Nord a aussi produit d’autres sommités intellectuelle ou spirituelle, à l’instar d’Arnobe de Sicca, de Lactance et de bien d’autres écrivains dont l’apport continue à influencer la pensée chrétienne encore aujourd’hui.
Papes :
A côté de ces géants de la foi, notons que l’Afrique du Nord a donné trois Papes à l’Eglise, même si la Papauté n’était pas encore structurée de la façon qu’on lui connait aujourd’hui. Il y en eu trois originaires d’Afrique du Nord : Victor 1er, Miltiade et Gélase 1er. Le premier a exercé sa charge à la fin du deuxième siècle. Il est connu pour avoir réussi à instaurer une organisation et une discipline rigoureuses dans l’église. On lui doit aussi la première correspondance officielle en latin, alors qu’à son époque, la langue grècque était dominante. C’est également à lui que l’on doit la fixation de la date de la célébration de la fête de « Pacques », après une longue controverse avec les évêques d’Orient.
Le deuxième pape d’origine africaine fut Miltiade. Il a exercé son ministère pendant quatre année, et fut associé à la controverse donatiste. Il était en poste quand l’Empereur Constantin décréta la liberté religieuse et proclama le Christianisme comme religion officielle de l’Empire. Miltiade, sans apparaître au premier rang, travaillait les questions délicates en toute discrétion, réussissant à fédérer les compétences de cette époque, malgré la crise profonde qui a secoué l’Eglise avec l’opposition des donatistes.
Le dernier pape Africain fut Gélase premier. Il est célèbre en Afrique du Nord pour avoir institué la Saint Valentin. Mais son rôle durant son pontificat fut de clarifier les domaines de compétences de l’Eglise par rapport au Pouvoir politique et de distinguer le spirituel du temporel, en insistant sur la supériorité du premier sur le second. Gélase a également été l’auteur de plusieurs livres et il est la Pape qui a établi la liste des trente-trois Pères de l’Eglise.
En dehors de ces illustres personnages, l’Afrique du Nord a connu également des moments de controverse qui ont secoué la Chrétienté, à l’instar de celle provoquée par Arius, originaire de Cyrène qui a semé le trouble avec sa doctrine connue sous le nom de « Arianisme » plus tard prônée par les Byzantins. A Carthage, ce fut l’évêque Donat, appelé Donat le Grand qui contesta l’autorité de ses supérieurs et monta à Rome dans une tentative de renverser le Pape en place. Donat créa ainsi une église parallèle et concurrente appelée Eglise Donatiste. Le Donatisme a longtemps constitué un sérieux problème pour les autorités, puisqu’elle réunissait en son sein les paysans et les pauvres et se répandait surtout dans les campagnes. Saint Augustin en particulier, les a combattus avec efficacité en organisant des conciles pour confronter leur doctrine.
Conclusion :
Le peuple Berbère est actuellement considéré comme musulman. Rares sont les régions ou vivent des Chrétiens en Afrique du Nord. A l’exception de la Vallée de Siwa en Egypte et des Iles Canaries. Ceux qu’on appelle les Maghrébins ignorent totalement ce qui concerne leurs origines et l’identité de leurs ancêtres. La publication de livres et d’articles ainsi que de films et de vidéos pourra certainement les aider à mieux comprendre leur histoire et ultimement, faire un effort pour connaître la foi de leurs pères.
Nabil ZIANI
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