La sortie du livre « Le Grand Manipulateur » en France vient s’ajouter à la multitude d’autres livres qui révèlent les secrets du président français. Mais celui-là devrait particulièrement intéresser les algériens.
Marc Endweld est journaliste. Il a déjà publié des livres sur le monde politique en France, dont un premier sur Emmanuel Macron : « L’ambigu monsieur Macron ». Dans un livre bien documenté « le grand manipulateur », il analyse les liens qu’Emmanuel Macron a tissés, via l’aide d’Alexandre Benalla, avec deux personnalités algériennes de premier plan : Ali Haddad et Issad Rebrab. Le premier, proche des arcanes du pouvoir, tandis que le second en est l’opposé.
Les français connaissaient les clans à la tête de l’Algérie, et redoutaient l’arrivée de Gaïd Salah aux commandes du pays. C’est pourquoi, ils ont pris les devants pour soutenir Abdelaziz Bouteflika et son maintien au pouvoir. Car il faut le dire, l’actuel homme fort du pays ne compte pas parmi les proches des autorités françaises. C’est ce qui expliquerait la raison pour laquelle le président français a mis les bouchées doubles pour soutenir un régime algérien à l’agonie.
Le tweet inapproprié
Depuis la première manifestation à Kherrata mi-février, le pouvoir français savait que quelque chose allait se passer. D’autres manifestations ont suivi, et la rue a dit ouvertement son rejet du Système en place et sa volonté d’un changement radical. Macron aurait alors paniqué de voir ses alliés au pouvoir en Algérie être dégagés. Le 12 mars, alors qu’il se trouvait en voyage officiel à Djibouti, il commet une erreur de débutant en se prononçant contre la volonté populaire de la rue algérienne, et en prenant position pour le clan agonisant qui venait de rendre public un ridicule plan de sortie de crise. Macron publie un tweet surprenant dans lequel il déclare : « La décision du Président Bouteflika ouvre une nouvelle page pour la démocratie algérienne. Nous serons aux côtés des Algériens dans cette période nouvelle, avec amitié et avec respect ». Il obtient l’effet inverse de ce qu’il attendait, et se met à dos la rue algérienne qui l’invite à ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures. En plus, les manifestants ont acquis la conviction que si le régime était encore en place, c’est grâce au soutien du gouvernement français. En perdant le clan Bouteflika, la France allait-elle perdre gros ?
Liens de Macron avec les clans en Algérie.
Emmanuel Macron a tissé des liens forts avec les hommes d’affaires les plus influents du régime algérien. Parmi eux, Ali Haddad, Patron des patrons, chef d’entreprise et oligarque notoire, et Issad Rebrab, puissant industriel, considéré comme l’homme le plus riche d’Algérie, et la troisième fortune d’Afrique, pourtant combattu par le pouvoir en place. Pour Macron, chacun de ces hommes représente un clan du pouvoir, et il va tout faire pour les utiliser à son profit. Le premier, on le sait, était considéré comme la tirelire du clan Bouteflika dont il a couvert et servi les pires turpitudes. Le second était soutenu par le DRS, le puissant service de sécurité algérien. Et pour entretenir ses relations avec ces deux hommes, Macron va se servir du fameux Alexandre Benalla entre autres, jetant la suspicion sur la sincérité de cette amitié publiquement déclarée. Selon certains commentateurs, « A la lecture du livre de Marc Endeweld, on a le sentiment en effet que les relations entre Emmanuel Macron et l’Algérie dissimulent quelques cadavres dans les placards ».
L’échappée belle vers Alger
Lors de la préparation de sa campagne électorale pour la Présidentielle, Emmanuel Macron s’est rendu à Alger, exactement deux ans avant que n’éclatent les manifestations populaires exigeant le départ du système en place à Alger. A cette époque le candidat français se trouvait dans une situation financière très délicate. « L’argent manquait terriblement pour poursuivre sa campagne, le budget était très entamé », rapporte Marc Endeweld, l’auteur du livre. A cette occasion, il a rencontré Ramtane Lamamra, et Abdeslam Bouchouareb. Depuis, ces deux hommes sont régulièrement consultés par l’Elysée sur le dossier algérien. Durant ce voyage, Macron a eu le courage de déclarer que « la colonisation était un crime contre l’humanité ». Ce qui a séduit les dirigeants algériens qui, dès lors, ont considéré Emmanuel Macron comme un interlocuteur privilégié. Ce dernier profitera de ce voyage pour rencontrer d’autres personnalités. En particulier, Ali Haddad et Isaad Rebrab.
Macron a dîné avec Issad Rebrab. Il faut se rappeler qu’à l’époque, le courant ne passait plus entre lui et le clan Bouteflika. Mais pour Emmanuel Macron, l’industriel investissait massivement en France, et il valait la peine de le rencontrer. Les deux hommes se connaissaient déjà, quand Macron occupait des postes clés au temps de François Hollande. Rebrab s’était fait aider dans ses investissements en France par un Franco-Algérien du nom de Farid Belkacemi, un proche d’Alexandre Benalla. Depuis, Macron a gardé une forte relation avec l’industriel algérien qu’il a reçu à plusieurs reprises.
Le patron des patrons algérien est un intime du clan Bouteflika, et devant des membres du FCE, Emmanuel Macron prend des engagements vis à vis de l’Algérie en matière d’énergies renouvelables. Mais en aparté, Ali Haddad discutera de bien d’autres choses, nous rapporte ce livre. De cette rencontre, l’auteur avoue que rien n’a été rendu public.
« Symbole de la corruption qui régna sous Abdelaziz Bouteflika, Ali Haddad n’est certainement pas un modèle de vertu ni de modernité. Pourquoi Emmanuel Macron prend-il le risque de le rencontrer à deux reprises ? Quel profit en retirer ? Autant de questions que pose, entre les lignes, l’ouvrage de Marc Endeweld », déclarera le site Mondafrique…
Des rumeurs, non confirmées, affirment que ces deux personnalités algériennes auraient participées au financement de la campagne d’Emmanuel Macron. Une affaire Kadhafi-Sarkozy, se cacherait-elle derrière ces rencontres ? Dans la préface du livre, on peut lire : « Bien évidemment, les comptes ont été validés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Plusieurs irrégularités ont pourtant amené la justice à ouvrir discrètement une enquête préliminaire en novembre 2018 sur l’origine de 144 000 euros de dons reçus par le parti En marche ! »
« Dans son ascension fulgurante, Macron n’a rien laissé au hasard. « Au final, on s’est tous fait avoir par ce don Juan qui nous a séduits à tour de rôle. Les catholiques comme les musulmans, les Gracques, les grands patrons… », décrypte un ancien collecteur de fonds pour la campagne. Cette nouvelle enquête cartographie l’ensemble de ces réseaux divers qui ont contribué en 2017, et quelques mois avant, à la victoire du jeune président. Mais aussi de comprendre pourquoi, à tous les échelons, des hommes de l’ombre sont revenus à l’avant-scène, dans la plus pure tradition de la Ve République des « cabinets noirs », et autres polices parallèles, après un quinquennat Hollande qui s’était d’abord construit contre le système Sarkozy. « Ils ont réussi une synthèse entre les pires turpitudes de la Sarkozie et de DSK », flingue un ancien camarade de l’ENA de l’actuel président ».
« La pratique du pouvoir d’Emmanuel Macron se fonde d’abord sur le secret et le cloisonnement. Ce fonctionnement lui permet de jouer avec les contraires, d’utiliser des réseaux qui se sont opposés par le passé, de les manipuler ».
Le livre de Marc Endeweld raconte aussi une histoire amusante : « Quand il était banquier chez Rothschild, Emmanuel Macron avait rencontré l’ancien gouverneur de la Banque centrale d’Algérie, Abderrahmane Hadj-Nacer. Ce dernier avait découvert le jeune premier lors d’un déjeuner avec un ami commun. Après le repas, l’économiste algérien, séduit comme tant d’autres, lançait cette remarque tranchante à une connaissance commune à propos du futur président français : « Il a le sourire du diable ! »
Nabil Z.
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