De nombreuses stèles ont été retrouvées en Afrique du Nord, témoignant d'une vie spirituelle chrétienne importante à une certaine époque. Celles de Kendsa dans la wilaya de Béchar en font partie.
Kenadsa est une commune située à environ 22 km à l’ouest de Bechar, non loin de la frontière marocaine. On y a découvert au début du 20eme siècle, un gisement de charbon. Depuis toute la région, avec Abadla et Djorf Torba, est devenue un bassin houiller qui a accueilli quelques cinq mille travailleurs exploitant des mines qui exportaient le charbon vers la France essentiellement.
La région est aussi connue pour contenir quatre-vingt tumulus, sortes de monument funéraires. En 1948-49, un officier de l’armée française fouilla vingt-cinq d’entre eux qu’il a décrit avec d’intéressants détails. Cinq d’entre eux contenaient des chapelles. A l’intérieur de ces chapelles mesurant entre treize et quinze mètres de long et environ cinq mètres de large pour des hauteurs allant jusqu’à trois mètres et demi, on n’a pas trouvé beaucoup d’objets. Par contre, on y a trouvé quatorze stèles peintes ou gravées contenant des images ou des scènes. Le cheval est largement représenté sur ces stèles, à côté d’autres animaux et quelques scènes de la vie quotidienne.
Deux stèles ont attiré particulièrement l’attention des archéologues. Il s’agit de stèles montrant six personnages de front. On y distingue un personnage qui semble le plus important, portant un javelot de la main droite et deux autres dans sa main gauche. Il porte une tenue qui semble somptueuse. Une tunique qui descend jusqu’aux mollets, avec une bande sombre descendant depuis les épaules jusqu’en bas. Il porte au-dessus de sa tunique une sorte de cape sans bras, avec une ouverture de chaque côté, permettant de la porter comme un débardeur. Il y a également sur la stèle le portrait de quatre femmes portant des tuniques recouvertes également d’une sorte de cape ou manteau court et près du corps. Ces femmes ont des cheveux longs. Cette stèle comporte également des inscriptions sur cinq colonnes en caractère libyques.
Sur la deuxième stèle, figure également six personnages, mais de face. Il y a également un homme portant trois javelots, recouvert de mêmes types de vêtements, mais plus courts. A la gauche des quatre femmes qui se donnent la main, il y a un enfant portant un petit javelot. Deux des femmes tiennent dans leur main chacune une croix. Ce qui indique clairement leur identification religieuse.
Ces stèles sont une preuve archéologique de l’existence de populations chrétiennes dans cette région du Maghreb. Des représentations du même genre ont également été découvertes à Volubilis, près de Meknès, et de Pomaria, l’actuelle Tlemcen. Le type de croix représenté, permet également de situer la scène chronologiquement, c’est-à-dire vers les cinquième-sixième siècles. Des croix qu’on retrouve sur les pièces de monnaies byzantines. Quant au fait que ces stèles ont été trouvées à l’intérieur de monuments funéraires, cela rappelle les témoignages de Tertullien et de Cyprien de Carthage qui racontaient qu’en raison de persécutions récurrentes, les chrétiens se donnaient rendez-vous dans les cimetières, les seuls endroits où ils pouvaient se rencontrer sans prendre le risque de se faire arrêter. De plus, les tumuli en question sont des lieux fermés, et donc protégés du regard d’étrangers.
Le christianisme n’a jamais été encouragé par les autorités religieuses en Afrique du Nord et ce, qu’elles aient été romaines, vandales ou byzantines. Elles agissaient seulement avec différents niveaux de persécution, et ceci, selon les gouverneurs et les époques. La proclamation du christianisme comme religion officielle de l’Empire par Constantin n’a pas mis fin à la persécution religieuse de manière définitive. En Afrique du Nord notamment, les donatistes ont continué à subir le harcèlement de la part des autorités romaines longtemps après l’annonce officielle de la liberté religieuse. En Afrique du Nord, comme le disait Lucien Oulahbib, le christianisme ne s’est pas développé avec Rome, mais malgré elle.
Toutefois, cela ne nous renseigne pas sur la date des premières évangélisations dans la région. Même si on sait que dès le troisième siècle, Carthage a été la capitale du christianisme occidental, ce qui nous indique que l'Evangile a pénétré l'Afrique du Nord bien plus tôt. Il n'en demeure pas moins que des recherches plus poussées ont besoin d'être faites pour mieux connaître et comprendre cette partie de notre histoire qu'on fait exprès de pousser vers l'oubli.
Nabil Z.
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