A 2650 mètres d’altitude, sur le Col Grand-Saint Bernard dans le Canton du Valais en Suisse, il existe un mur qui porte le nom d’Hannibal. Et les chercheurs ont décidé d’en savoir plus en engageant d’importants moyens pour percer ce mystère.
En Janvier dernier, un grand colloque fut organisé par l’Association RAMHA dont le but est d’en savoir plus sur Hannibal. Le colloque interdisciplinaire avait pour but de percer le mystère du mur dit d’Hannibal, en réunissant des chercheurs venus de Suisse, de France et d’Italie qui se mobilisent autour de ce site archéologique hors norme qui fait l’objet de recherches sur le terrain depuis 10 ans.
Il en est ressorti que Hannibal n’est jamais passé par le Grand-St-Bernard. Cependant, une dizaine de passages potentiels ont été identifiés pour essayer de comprendre l’itinéraire qu’aurait emprunté le célèbre général carthaginois pour attaquer Rome depuis le Nord. C’était en l’an 218 avant notre ère.
Les Guerres Puniques
La campagne d’Hannibal contre Rome se situe dans le contexte des Guerres Puniques. Lors de la première de ces guerres, Rome avait pris la Sicile, la Sardaigne et la Corse, tandis que Carthage s’empara de l’Espagne. C’est à partir de là que Hannibal décide de prendre Rome à revers. Il longe donc la méditerranée par le nord et décide de franchir les Alpes, en plein hiver avec toute son armée et ses animaux, dont trois douzaines d’éléphants. Pour lui, c’était le seul moyen de créer la surprise et de vaincre l’armée romaine, en l’attaquant à partir d’un endroit auquel personne ne s’attendait.
Le trajet fut long et dangereux. Hannibal a perdu la moitié de ses troupes en chemin. Malgré cela, il infligea aux romains une lourde défaite. Mais là, c’est toute une autre histoire. C’est le trajet emprunté par le général carthaginois qui continue à intriguer les chercheurs. En plus, il a réussi à faire traverser les Alpes en plein hiver, à des éléphants venus d’Afrique, et qui ne supportent normalement pas les températures basses.
Les chercheurs sont aujourd’hui, à peu près d’accord qu’Hannibal ne traversa pas la Suisse, et que son itinéraire se situait plus au sud. Les historiens estiment que le convoi serait passé par le col de la Traversette, dans les Alpes cottiennes, qui relie le Queyras à la vallée du Pô, aux portes de Turin. C’est une route qui fait partie des potentiels tracés estimés par ces historiens. Ils disposent cependant de peu d'indices, surtout que les informations disponibles jusque-là proviennent de deux historiens qui n’ont pas fourni assez d’éléments pour pouvoir reconstituer cet itinéraire avec précision. Le premier d’entre eux est Polybe, cet historien grec contemporain des Guerres Puniques, et Tite Live, l’historien romain qui a vécu deux siècles plus tard, et dont on pense qu’il a réuni des documents importants avant de réaliser son écrit à ce sujet. On en est réduits à faire des suppositions, en essayant d’exploiter au mieux les données fournies par ces deux historiens.
Intervention de l’Archéologie.
Le meilleur moyen pour dépasser l’impasse créée par l’absence d’informations suffisantes est de se déplacer sur la dizaine d’itinéraires potentiels, et d’aller à la recherche de traces archéologiques pouvant aider à avancer dans la recherche. Le passage de plus de quarante mille hommes avec armes et bagages et la mort de près de la moitié d’entre eux, sans compter les chevaux, ânes et éléphants, devraient laisser quelques traces.
Mais l’historien américain Patrick Hunt, enseignant à l'université de Stanford (Etats-Unis), a affirmé que Hannibal ne laissait rien derrière lui. « Toute personne qui mourait en route durant la pire partie de l'ascension alpine aurait été dépouillée presque immédiatement. Dans les conditions de froid terrible, les survivants avaient besoin de tous les vêtements et de tout l'équipement possible. Les corps n'auraient même pas été enterrés, cela aurait nécessité trop d'efforts sur des terrains rocheux, et même les os auraient été décortiqués par les loups », comme le rapporte Jean-Paul Fritz dans le Nouvel Observateur.
Mais, parfois, les grandes énigmes de l’histoire se résolvent grâce à l’intervention de la science. C’est en effet l’analyse ADN de crottins de cheval et d’éléphants qui pourraient éclairer ce mystère vieux de plus de 2000 ans.
Ainsi, des microbiologistes de l’Université York, à Toronto, après analyse minutieuse ont affirmé que le chef carthaginois n’est jamais passé par laSuisse lors de sa traversée des Alpes. Ces chercheurs sont arrivés à retracer le chemin exact emprunté par son armée en 218 avant notre ère. En réalité, ce chemin emprunté par Hannibal se situerait plus au sud en passant par le col de la Traversette, dans les Alpes cottiennes, qui relie le Queyras à la vallée du Pô, aux portes de Turin, comme l’affirme un article de la Tribune de Genève. Les chercheurs se sont basés sur des traces de matières fécales animales retrouvées sur un site à proximité du col. La combinaison de plusieurs techniques relevant de l’analyse microbienne génétique, de lachimie de l’environnement et de la géophysique a permis de dater les excréments à 200 ans av. J.-C., soit pendant la période située durant la deuxième guerre punique.
Mais cette conclusion ne satisfait pas tout le monde. Patrick Hunt conteste ces affirmations en déclarant : « Polybe nous donne de nombreux critères à partir desquels nous pouvons extrapoler la route d'Hannibal… la route de la Traversette ne correspond pas aux descriptions de Polybe ».
Voilà qui laisse le mystère Hannibal encore tout-entier. Ce qui donnera certainement lieu à la poursuite de la recherche. Car la reconstitution du tracé de cet itinéraire a des implications très importantes, notamment pour retrouver les restes de cette armée qui s’est dispersée après la guerre, et dont une partie a rebroussé le chemin, soit pour retourner en Afrique du Nord, soit en faisant souche en Europe.
Nabil Z.
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