Le peuple amazigh a cela d’extraordinaire, c’est que personne ne sait exactement d’où il vient. Les experts, depuis les temps anciens, ont toujours spéculé sur ses origines. Tant les grecs que les phéniciens, les romains que les vandales, les arabes que les français.
Il y a une piste mythologique développée par les grecs anciens, qui attribuent aux amazighs des origines mythiques, intéressants à découvrir. Pour cela, il faudrait s’intéresser à ce qui est communément appelé mythologie grecque.
Dans la liste des divinités auxquelles les anciens hellènes rendaient un culte, beaucoup étaient d’origine nord africaine. A l’exemple de Zeus, Atlas, Poséidon, Athéna, etc… Chacune d’elle a une particularité que les populations locales, puis plus tard romaines leur attribuaient, même si à l’occasion, on leur changeait de noms.
C’est ainsi que pour les grecs, les habitants de l’Afrique du Nord étaient les enfants d’une divinité appelée Libye. Celle-ci est considérée comme la fille d’Épaphos et de Memphis, et qui fut l’amante et l’épouse de Poséidon autrefois appelé dans nos contrées Anzar, dieu de l’eau, des mers, de la pluie, des rivières des puits et des diverses sources d’eau. De lui, elle aurait eu plusieurs enfants dont Agénor qui devint roi de Phénicie, l’actuel Liban, Bélos qui devint Roi de Tamazgha et de l’Arabie, et Lélex roi de la Grèce. Elle laissa son nom à la Libye, c'est-à-dire tout le territoire de Tamazgha, du Nil jusqu’à Tanger. C’est la première fois dans l’Histoire qu’une divinité donne son nom à un territoire. Ce sont ses trois fils qui se partageront le monde, nous dit la légende. Mais ça n’a pas été fait dans la paix et la sérénité. Agenor, Belos et Lelex se sont fait des guerres terribles. Ce qui expliquerait l’état permanent de béligérance qui caractérise les tribus berbères ? Ces guerres ont aussi donné naissance à d’autres légendes, telle celle du mythe de Danaos et Aegyptos, ou plus tard avec la descendance d’Agénor qui mèneront à la naissance de Carthage. Cela rejoint l’histoire officielle de l’origine phénicienne des carthaginois.
Autre femme de Poséidon
La légende raconte que Poséidon a eu d’autres épouses, dont une certaine Amphitrite. Homère dans son Odyssée la mentionne comme une divinité de la mer, maîtresse des monstres marins, mais sans mentionner de lien avec Poséidon. C’est Hésiode qui mentionne pour la première fois son union avec Poséidon, dont naît le monstre Triton. Les portraits d’Amphitrite, contrairement à ceux de Libye, sont largement répandus dans la littérature et les arts grecs. Ceux de la première épouse sont relativement rares. Ce qui a poussé les mythologues à spéculer sur l’histoire de Libye, épouse de Poséidon. Quant à Triton, il a donné son nom au Lac Tritonide qui se situe au sud de l’actuelle Tunisie, et ou est supposément née Athéna. Actuellement, ce lac prend le nom de Chat Ledjrid.
Dans le monde séculier, les libyens sont originaires principalement de la tribu des libous. Mais peu de travaux ont été consacrés à l’époque sur cette tribu. Ce qui, comme l’image de Libye est devenu un élément rare. Peu de documentation existe à leur sujet. On en sait par contre, un peu plus sur les descendants des libous, puisque celui qu’on appelle le Père de l’Histoire, Hérodote en parle et donne la liste des grandes tribus d’Afrique du Nord qui descendent des libous.
On peut citer par exemple, sur les seize tribus signalées par Hérodote, les Ammoniens, qui étaient les adorateurs d’Ammon, devenu Zeus en Grèce. Il y a aussi les Nasamons, les Garamantes, Les Maxys, etc…
En vraies berbères, ces tribus étaient farouchement indépendantes, et ne reconnaissaient aucune autorité étrangère sur leurs territoires. Ce qui les avait poussées à créer des armées puissantes, utilisant des techniques d’une grande efficacité. Notamment, des boucliers efficaces et des chars d’une légèreté que les armées étrangères redoutaient. Hérodote ajoute même que les grecs avaient appris à atteler des chars à quatre chevaux, directement des berbères.
La Libye antique désignait l’Afrique
Mais le mot Libye, ne désignait pas seulement une déesse et un territoire. C’était un nom donné par les grecs à l’ensemble du continent africain. Et pour cause. Pour les grecs anciens, au sud de Tamazgha, il y avait le Nil qui s’écoulait et qui rejoignait un autre fleuve qui se trouvait dans l’actuel Maroc. Ce qui en faisait à la fois un continent à part entière, et une ile géante. Hérodote avait même dessiné une carte géographique pour la représenter. Il faudrait aussi rappeler qu’à l’époque, le sud de Tamazgha n’était pas nécessairement désertique comme il l’est aujourd’hui. Les peintures rupestres du Tassili nous apprennent que c’était une région verdoyante et riche en vie humaine et animale. Ce fut un roi berbère, scientifique d’exception qui avait financé une mission spéciale pour remonter le Nil vers ses sources. Juba II voulait mesurer la longueur de ce fleuve et trouver le lieu ou il commençait. Il voulait confirmer ou pas, les liens entre le Nil et le fleuve Draa en Maurétanie occidentale. Les carthaginois avaient bien parcouru le continent jusqu’au Sénégal et même plus loin, mais ils sont toujours restés près des côtes, sans pénétration suffisante à l’intérieur des terres. Dès qu’ils trouvaient ce qu’ils cherchaient, ils arrêtaient d’explorer les territoires. Pour les anciens grecs, au Sud de la Libye se trouvait un autre territoire appelé Ethiopie. Et ce pays était bien plus grand que celui qui en porte le nom de nos jours.
Sources mythologiques
L’étude de la mythologie est donc nécessaire pour connaître le point de vue des anciens sur nous et notre territoire. Faut-il rappeler que ce qui est devenu un domaine spirituel est né de la déformation des faits réels et d’informations pratiques mal comprises ou déformées à escient. Ce qui veut dire qu’au milieu de toutes ces légendes, il existe certainement des éléments de vérité cachés sous le manteau de la mythologie.
Les libyens de l’antiquité ont fait évoluer leur nom, sans abandonner l’original. La preuve, c’est qu’il existe encore un pays d’Afrique du Nord qui porte ce nom. Ils se sont eux-mêmes donnés le nom d’Amazighs, et de berbères.
Contrairement à ce qu’on a répandu ça et là, le mot berbère n’a pas été dérivé de celui de barbare si cher aux grecs et aux romains. Selon certaines sources, le mot berbère viendrait de la langue targuie, elle-même langue berbère. En tamasheq donc, le mot berbère désignerait ce qui est entièrement recouvert ou protégé. C’est un nom qui n’est apparu que tard dans l’antiquité, pour désigner les personnes qui sont obligées de se couvrir ou se protéger contre le soleil et le vent de sables. Ceux qu’on appelle donc aujourd’hui, les Hommes Bleus. Ce seraient les romains qui auraient consacré ce nom pour désigner les populations d’Afrique qu’elle venait de conquérir.
Cette interprétation n’est pas dénuée de fondement, puisque plusieurs tribus se sont elles mêmes données ce nom, telle celle qu’on retrouve sur le Mont des Babors et qui s’appelle encore aujourd’hui Tizi Nberber.
Dans la mythologie grecque toujours, Eurypyle est un roi de Libye. Il est aussi un fils de Poséidon. Il est donc au moins apparenté à Libye, la femme de son père.
Libye quant à elle, serait également la fille de Méduse. Celle-ci était une gorgone, célèbre pour les serpents qui entourent sa tête. Malheur à qui s’en approchait. Les libyens l’invoquaient pour jeter un sort contre leurs ennemis. Elle avait été déchue par Athéna, la vierge sans mère, fille de Zeus.
Pourtant, les premières gorgones grecques ne sont pas des symboles terrifiants… elles sont représentées avec des ailes d’abeilles et des serpents en guise d’antennes et sont décorées d’un motif en nid-d’abeilles, autant de symboles manifestes de la régénération.
L’appartenance de Méduse aux divinités pré-olympiennes semble indiquer que ce mythe a un substrat très ancien. Selon Joseph Campbell, les lieux de culte à la déesse mère et aux divinités féminines auraient été remplacés par un nouveau panthéon lors de l’arrivée en Grèce des envahisseurs. Les divers états du mythe reflèteraient ainsi le passage d’une société matriarcale à une société patriarcale.
Retenons tout de même que les divinités supposées Aegyptos (Egypte), Europé (Europe) Athéna (Athènes), etc… Sont toutes originaires de Libye. Autrement dit, d’Afrique du Nord.
Bref, pour s’y retrouver, il faudrait être un habitué des arcanes de la mythologie grecque. Ceci dit, on constate que cette dernière s’est énormément inspiré des mythes et légendes libyennes, au point ou il ne serait pas tout à fait faux de parler de mythologie berbère plutôt que de celle des grecs.
Nabil Z.
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