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Photo du rédacteurNabil Z.

Martianus Capella, Encyclopédiste Amazigh, d’Expression Latine

Parmi les auteurs berbères de l’antiquité, plusieurs restent encore méconnus du grand public dans le monde entier, y compris chez les berbères, même si le monde continue encore aujourd’hui à jouir de leur travail. Martianus Capella est de ceux-là.



Martianus Minneus Felix Capella est un contemporain de Saint Augustin. Il est né presque dans la même ville que lui, c’est-à-dire dans l’actuel Souk Ahras et probablement à Madaure, la ville d’Apulée. Il a peut- être fréquenté les mêmes écoles et eu les mêmes maîtres que Saint Augustin qui avait également fait ses classes dans cette ville. On ignore si les deux personnages se connaissaient. Sa vie nous est connue grâce à quelques détails trouvés dans son œuvre intitulée les Noces de Philologie et de Mercure qui est une grande encyclopédie allégorique.


Martianus Capella était fier de ses origines, puisque même quand il vivait à Carthage, il faisait suivre sa signature par l’adjectif Afer Carthaginensis, c’est-à-dire Africain (berbère) et carthaginois. Il était avocat, comme beaucoup d’autres célébrités de son époque, usant de la rhétorique à volonté. Mais il aimait également écrire des histoires et des allégories, dans un genre littéraire très populaire, la satire. Il a créé un personnage devenu célèbre : Satura.

Comme Augustin et ses contemporains, Capella a été fortement secoué par la prise de Rome en 410 par Allaric. Alors que l’Evêque de Carthage rédigeait « La Cité de Dieu », Capella racontait la misère de Rome « capitale du monde, lorsqu'elle tenait sa force de ses armes, de ses héros et de ses rites, méritait d'être élevée aux cieux par des louanges », devenue un tas de ruines après sa chute. Carthage quant à elle a retrouvé une certaine prospérité, après avoir été écrasée par les romains. Elle qui était « réputée jadis pour sa puissance militaire, est à présent célèbre pour sa félicité ». Tout comme Rome, Carthage est aussi tombée, en 439, quelques années après la Capitale de l’Empire ». C’est là à Carthage que notre auteur a vécu, tout comme Augustin. Ce dernier a fini par s’installer à Rome puis à Milan ou il est devenu chrétien, avant de retourner à Thagaste puis s’installer définitivement à Hippone comme Evêque de la ville. Selon le peu d’informations disponibles Capella resta à Carthage ou il est également devenu chrétien, mais sans l’engagement qu’on connaît à Augustin. Il était proche des néoplatoniciens, et son ouverture d’esprit lui avait permis de faire plusieurs expériences spirituelles avant sa conversion au christianisme.


Selon l’encyclopédie en ligne Wikipedia, « On caractérise souvent l'œuvre de Martianus par son étrangeté : Martianus Capella cherche en effet, dans les neuf livres du De Nuptiis, à présenter une somme de connaissances aussi bien littéraires que scientifiques, à travers une sorte de récit mythologique, tout en mêlant des développements en prose et des passages poétiques ». Son œuvre est structurée selon neuf livres, chacun consacré à un thème.

Livre I est consacré au mariage de Mercure, le dieu des Sciences. Il a choisi d’épouser une mortelle, mais Jupiter l’oblige à faire passer sa bien-aimée par « l’Apothéose », pour devenir elle-même une déesse. Le deuxième livre raconte cette apothéose, dans une mise en scène spectaculaire.


Philologie, la fiancée de Mercure doit donc passer plusieurs étapes avant de faire partie du monde des dieux. A la fin de son parcours, il lui est permis de monter sur une litière qui doit la mener à un voyage au travers des sept sphères célestes, symbolisant les sept notes de musique. En cadeau de mariage, Mercure offre à sa femme sept jeunes filles comme demoiselles d’honneur. Chacune d’elles représente un art. Et chaque art est décliné dans les sept livres suivants. Le troisième livre concerne la grammaire. Celle-ci est représentée par une femme qui porte une boite qui contient une plume et un encrier. C’est en pédagogue de grand talent que Capella, par l’intermédiaire de cette demoiselle d’honneur, donne un cours complet de grammaire. Dans le quatrième livre, Capella parle de dialectique, et averti le lecteur sur sa complexité et ses dangers, car pleine de pièges qu’il faut éviter. Le livre suivant, qui est le cinquième est celui que préféraient les érudits de cette époque. Il s’agit de la Rhétorique. D’ailleurs, Capella la fait entrer au son des trompettes. La demoiselle d’honneur qui l’incarne est d’une beauté extraordinaire. Elle est brillante et jouit de la capacité de toucher les émotions des gens et de les diriger comme elle veut. Ses outils sont au nombre de cinq : la recherche des arguments, l'organisation des éléments, le choix des mots ou l'élocution, la mémorisation et la façon de dérouler le discours en jouant avec les voix, les intonations et les gestes, suivant l’effet recherché. Vient ensuite le sixième livre consacré à la géographie, mais qu’il appelle géométrie. Dans ce livre, Capella s’intéresse à la géographie de la terre, décrivant les cinq zones climatiques, donnant les dimensions de notre planète en termes de longitude, de latitude, décrivant les fleuves, les montagnes, etc…La septième demoiselle d’honneur s’occupe d’Arithmétique. C’est une discipline tellement importante que Martianus Capella lui consacre du temps, rentrant dans des détails, et montrant tout l’intérêt qu’il portait à cette discipline. La maîtrise des éléments de calcul, permet à la demoiselle d’honneur suivante de parler d’astronomie, qui était la discipline la plus développée chez les grecs. Le livre l’exposait avec un tel brio que l’ouvrage devient le plus important livre d’Astronomie jusqu’au douzième siècle. Martianus Capella ne faisait pas les choses à moitié. Il allait à fond dans ses recherches et ne négligeait aucun élément, même si sa méthode d’explication était beaucoup basée sur l’allégorie. Il savait captiver son lectorat et faire taire les critiques. Le dernier livre est consacré à l’Harmonie et aux arts musicaux. Aujourd’hui encore, on dit dans le monde de la musique, que le chanteur qui n’utilise que laforce et la beauté de sa voix, chante à Capella. Martianus donne dans ce dernier livre des explications sur les notes de musique et les sons tout en présentant le système des quinze tons dits « aristoxéniens », et décortique les composantes du rythme.


Cette encyclopédie de Martianus Capella l’Amazigh de Carthage fut la plus importante du Moyen-âge. Son auteur a réussi à présenter les principaux domaines du savoir humain de son époque, et ses livres sont devenus les principales références des écoles du monde gréco-romain. Il nous laisse donc cette œuvre dont Wikipedia dit « Martianus Capella se situe en effet exactement dans le genre littéraire de la satire Ménippée, qui se caractérise par le mélange (la satura latine désigne à l'origine une sorte de salade faite de raisins secs, de polente et de pignons) : mélange de prose et de poésie, mélange de sérieux et de grotesque, que l'on peut résumer par le concept grec de σπουδογέλοιον / spoudogéloion (le sérieux sous le rire). Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'inspiratrice de tout le récit est censée être la divinité allégorique Satura, sorte de divinisation de ce genre littéraire, avec laquelle Martianus a des échanges assez vifs à certains moments du récit (Satura se moque par exemple du « nom de bête » de Martianus, puisque Capella signifie proprement « la petite chèvre »). On pourra donc ranger Martianus dans la lignée des grands auteurs antiques de satires ménippées, à la suite de Varron (auteur précisément de Satires Ménippées, dont nous ne conservons que d'infimes fragments), Sénèque (Apocoloquintose), Lucien de Samosate(Icaroménippe), Pétrone (Satyricon), ou encore Apulée (L'Âne d'or).


A côté d’autres amazighs, Martianus Capella a fourni à la civilisation occidentale un de ses meilleurs outils de développement, en lui offrant une encyclopédie expliquant les domaines de la connaissance humaine et en mettant à la disposition de ses écoles l’instrument de leur développement. A quand une encyclopédie des grands amazighs qui rappellerait au monde occidental tout ce qu’il nous doit ?


Nabil Z.

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