Masties, était un chef Berbère du cinquième et sixième siècles. On ignore avec exactitude les années de sa naissance et de son décès, mais les spécialistes avancent, sans totalement convaincre, les années 450 et 515. On connait son existence grâce à une découverte archéologique faite dans les Aurès en 1941.
A cette époque, Rome venait d’être saccagée par les Vandale, et l’Afrique du Nord envahie petit à petit par les armées venant du Nord de l’Europe en passant par le détroit de Gibraltar. Saint Augustin venait de mourir alors que Carthage était prise. Les Vandales occupaient le nord de l’actuel Maghreb, et les Aurès se préparaient à combattre l’envahisseur. Mais ce dernier n’a jamais osé s’aventurer sur ces terres qui lui étaient farouchement hostiles.
Au début, Masties était simplement le chef d’une tribu Numide qui était reconnu pour son courage. Il avait mené plusieurs guerres et il en sortait souvent vainqueur, gagnant ainsi l’admiration et le respect des autres tribus. La Numidie était un grand territoire et le nombre de tribus important. Mais elles ressentaient le besoin de s’unifier pour faire face à un nouvel envahisseur, alors que l’Empire Romain en était à sa fin. Romulus Augustus venait à peine d’être proclamé Empereur de Rome que Patrice Odacre, marquant ainsi la fin de l’Empire d’Occident, le renversa.
Masties était considéré comme un Dux. Une sorte de Prince, chef d’une ou de plusieurs tribus. Au bout du compte, il constitua une confédération indépendante qu’il dirigea durant une dizaine d’années, depuis Arris dans les Aurès, là où, des siècles plus tard, se déclenchera la guerre de libération de l’Algérie moderne. Il avait ainsi profité d’une rébellion Berbère contre le roi Vandale Hunéric vers 480. En 484, les Vandales sont définitivement chassés de la région, et Masties qui n’était plus très jeune, célébra sa victoire au milieu des siens.
En 1941, on trouva un bloc de pierre au sud d’Arris, ou était gravé un texte qui nous donne quelques informations au sujet de ce personnage resté longtemps inconnu. A moins qu’il soit le Mastigas dont Procope avait parlé, le désignant comme chef de la province de Maurétanie Césarienne. Sur le bloc de pierre on pouvait lire :
« Moi Masties, dux pendant soixante-sept ans, imperator pendant dix ans. Je n’ai jamais parjuré, ni rompu la foi, ni à l’égard des Romains ni à l’égard des Maures, et j’ai obéi à Dieu dans la guerre comme dans la paix, et pour cela, en raison de ma conduite, Dieu a mis sa complaisance en moi ».
Ainsi, Masties avait régné pendant soixante-sept ans en tant que Dux, avant de devenir Empereur pour dix ans, du pays ainsi reconstitué sous forme de confédération ou d'Empire. Dès son couronnement, il s’est proclamé Chrétien et s’est engagé à rester fidèle à Dieu, "dans la paix et dans la guerre", aux Romains et aux Maures. Car à l’époque, malgré la chute de l’Empire, il y avait encore de nombreux Romains établis dans plusieurs villes et régions, notamment de la Numidie : Cuicul, Tubusuptu, Timgad, ...
Le titre d’Empereur avait beaucoup intrigué à l’époque de la découverte de la stèle. Car pour un esprit occidental, cela renvoyait à des repères bien déterminés. De quel empire s’agissait-il et pourquoi ne s’était-il pas contenté du titre de roi ?
Pour essayer de comprendre ce mystère et de bien saisir le sens de ces mots, quelques spécialistes ont rappelé qu’en langue punique, le titre d’Empereur s’écrit MNKD et se lit MeNoKaD. Un terme qui se rapprocherait curieusement de celui de l’Amenokal, le chef des Touaregs. La tradition lybico-Berbère accorde au chef d’une importante confédération le titre d’Empereur et non pas d’Aguelid, le roi.
En précisant sur la stèle que « Dieu a mis en lui sa complaisance », Masties affirme que le Seigneur était content de lui et lui accordait sa bénédiction. Cette déclaration est d’une grande importance, car l’Empire Romain était divisé en Empire d’Orient et celui d’Occident. Or ce dernier venait de chuter, affaiblissant considérablement l’église dite « Catholique » en concurrence avec l’église Orthodoxe d’Orient dont la capitale était Constantinople. Or, les archives orientales ne semblent mentionner nulle part l’existence de cet Empereur Berbère qui ne lui avait pas demandé sa bénédiction avant de se proclamer comme tel.
Toujours est-il que dans cette Berbérie du Veme siècle, le fait de se proclamer Chrétien avait une grande importance. La majorité des tribus et des fédérations régionales se réclamaient de la foi Chrétienne, et il y avait plus de Chrétiens en Berbérie qu’à Rome ou dans n’importe quelle province de l’Empire. L’affirmation de sa Chrétienté était également synonyme de fidélité et de fiabilité destinée à tranquilliser le gouvernement impérial de Rome, puis celui des Byzantins, sur l’absence de projets d’expansion.
Masties, proclamé chef de tribu vers l’âge de 17 ans, devenu Empereur vers 74 ans est décédé dix ans plus tard, vers 84 ans. Un âge considérable pour l’époque. La stèle qu’il nous a laissée témoigne d’une vie riche et intéressante que nos ancêtres ont vécu à cette époque.
Nabil Z.
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