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Photo du rédacteurNabil Z.

Maximilien de Madaure, Le Berbère qui a Développé la Grammaire du Latin

Parmi les berbères qui ont contribué à la mise en place et au développement de la civilisation occidentale, figurent des noms relativement inconnus du grand public. On connait bien Saint Augustin et Apulée de Madaure. Du moins, beaucoup en ont entendu parler. Mais qui connait Maximilien de Madaure ?



En fait, Maxime serait né vers l’an 320 non à Madaure, l’actuelle Mdaourouch dans la wilaya de Guelma en Algérie, mais à Taghaste, là où est également né Saint Augustin, l’actuelle Souk Ahras. Ils étaient contemporains et également amis, et échangeaient des correspondances quand ils étaient loin l’un de l’autre. L’un à Annaba, et l’autre à Madaure.

Maximilien était païen. Mais il était connu pour sa largesse d’esprit, et aimait discuter avec des personnes qui ne pensaient pas spécialement comme lui. Il était brillant et vif d’esprit, et aimait étudier. Il exerçait comme avocat et était considéré comme le meilleur de son époque. Comme Saint Augustin, il était également rhéteur, spécialiste en communication. Il aimait la poésie et était considéré comme poète d’exception. Ces qualités le firent remarquer et lui conférèrent le respect de tous. Il était le Supérieure de l’Université de Madaure et, après une longue réticence, il finit par admettre son ami et ancien élève Augustin pour donner quelques cours dans son établissement. Il voyait en lui un probable concurrent dans l’exercice de l’art oratoire, et craignait pour sa place. Mais Augustin avait d’autres projets en tête qui vont l’éloigner de la ville de Madaure, pour aller s’installer en Italie.


A l’époque de Maximilien de Madaure et de Saint Augustin, la langue la plus usitée était le latin. Les intellectuels se devaient de la maîtriser et même de la développer si possible. Mais elle avait un défaut majeur, l’absence de règles grammaticales précises. Qu’à cela ne tienne, Maximilien va s’atteler à en fixer les règles. C’est là qu’il gagna son surnom de grammairien.


Ainsi, ce sont bien des berbères qui ont développé la langue latine. Maximilien de Madaure en a développé la grammaire et le Pape amazigh Gélase (Ghilas) l’a imposée comme langue officielle de l’Eglise Catholique. Ce qui a permis sa préservation et son développement, ainsi que son utilisation dans toute l’Europe.


Dans ses correspondances avec Augustin, Maximilien aimait controverser sur les sujets brûlants de théologie chrétienne, et s’en moquait ouvertement. Il développait ses arguments avec force langage et essayait de démontrer la justesse de son raisonnement, usant d’ironie et de provocation. En face de lui, Augustin démontait un à un ses éléments de controverse et lui répondait avec la force de l’Esprit. Certains propos de l’Evêque d’Hiponne étaient sans équivoque, traitant son ami d’orgueilleux et d’arrogant. Après plusieurs échanges, et au début du cinquième siècle, en l’an 404, Maxime fut obligé de reconnaitre la supériorité du raisonnement d’Augustin. D’ailleurs, il déclarera publiquement qu’Augustin était le meilleur de tous, aussi bien en intelligence qu’en rhétorique. Un de ces échanges nous est parvenu sous forme de deux lettres. La première fut envoyée par Maxime à Augustin, et la deuxième en fut la réponse.


Dans sa lettre, Maximilien soutient que les polythéistes adorent un seul Dieu sous différents noms ; il s'indigne qu'on préfère des hommes morts aux dieux des Gentils, et se moque de certains noms puniques ; Pour cela, il commence sa lettre en faisant appel à la compassion de son ami, eu égard à son âge. « Comme j'aimerais à recevoir fréquemment de vos lettres et que j'ai récemment senti tout le sel de vos paroles sans que l'amitié pourtant en fût blessée, je persiste à vouloir vous rendre la pareille, de peur que vous ne preniez mon silence pour un dépit. Mais si mon langage vous semblait trahir trop visiblement ma vieillesse je vous demanderais de me prêter une oreille indulgente… je vous demande, à vous, homme si sage, de mettre de côté cette vigoureuse éloquence qui vous place au-dessus de tous, ces raisonnements dont vous vous armez à la manière de Chrysippe et cette dialectique dont les nerveux efforts ne laissent à personne rien de certain, pour me dire quel est ce Dieu que vous autres, chrétiens, vous déclarez être le vôtre, …. Faible vieillard, je ne dois pas pousser plus loin cette lutte… »


La réponse d’Augustin fut cinglante : « Faisons-nous quelque chose de sérieux ou bien voulons-nous nous amuser ? Votre lettre, soit par la faiblesse même de la cause qu'elle soutient, soit par les habitudes, d'un esprit enclin au badinage, me fait douter si vous avez voulu rire ou chercher sincèrement la vérité. » Poursuivant sa réponse, Augustin rappelle que cette polémique se déroule entre deux berbères en Tamazgha. « Et ces gracieuses railleries adressées à notre religion, à l'occasion de certains noms puniques portés par des hommes qui maintenant sont morts, dois-je les relever ou les passer sous silence ? Si ces choses paraissent à votre gravité aussi légères qu'elles le sont, je n'ai pas assez de loisir pour en rire avec vous. Si, au .contraire, elles vous semblent sérieuses, je m'étonne que, occupé comme vous l'êtes de la bizarrerie des noms, vous n'ayez pas songé que vous avez des Eucaddires parmi vos prêtres, et des Abbadires parmi vos divinités. Vous y songiez certainement quand vous m'avez écrit, et vous avez voulu me le remettre en mémoire avec l'aimable enjouement de votre esprit, afin de donner quelque relâche à la pensée en l'égayant aux dépens de tout ce qu'il y a de risible dans votre superstition. Vous avez pur vous oublier vous-même jusqu'à attaquer les noms uniques, vous, homme d'Afrique écrivant à des Africains, et lorsque l'un et l'autre nous sommes en Afrique. Si on recherche le sens de ces noms, on trouvera que Namphamon signifie un homme qui vient d'un bon pied, c'est-à-dire dont la venue apporte quelque chose d'heureux : c'est ainsi que nous avons coutume de dire en latin qu'un homme est entré d'un pied favorable lorsque son entrée a été suivie de quelque bonheur. Si vous condamnez le punique, il faut nier ce qui est dit par de très-savants hommes, que les livres puniques renferment beaucoup de bonnes choses dont on se souvient ; il faut regretter d'être né ici au berceau de cette langue ».


La réponse d’Augustin paraît ainsi sèche, mais elle était pleine d’amitié de respect et d’affection. « Si vous voulez que nous traitions ces questions comme il convient à votre âge et à votre sagesse, et comme le peuvent désirer nos amis les plus chers, cherchez quelque chose qui soit digne de discussion …. Cependant, pour que vous ne l'ignoriez pas et que vous ne retombiez point imprudemment dans des reproches sacrilèges, sachez que les chrétiens catholiques, dont une église est établie dans votre ville, n'adorent point les morts ni rien de ce qui a été fait et créé par Dieu, mais qu'ils adorent ce Dieu unique, auteur et créateur de toutes choses. Nous traiterons ceci plus amplement, avec l'aide de ce même vrai et unique Dieu, lorsque je saurai que vous voulez le faire gravement. »


Vive discussion donc entre deux berbères au caractère passionné. L’un a développé la grammaire latine en lui donnant ses règles, l’autre a développé la foi chrétienne plus que tout autre après lui. L’occident doit beaucoup aux amazighs qu’ils regardent avec mépris aujourd’hui. Il faudrait donc lui rappeler que sans les berbères, ils seraient encore en train de patauger dans leur médiocrité.


Nabil Z.


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