La relation entre le christianisme originel et l’armée a toujours été conflictuelle
Déjà, Jean Baptiste, répondant au questionnement de quelques soldats sur ce qui devrait être leur comportement disait « Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne, et contentez-vous de votre solde ». Le prédécesseur de Jésus savait combien la tentation d’abuser de son autorité guettait les soldats de l’époque. Mais il n’a pas remis en question leur statut de militaires. Jésus lui-même a eu affaire à plusieurs soldats- comme le célèbre centenier dont il avait guéri le serviteur- sans leur faire aucun reproche du fait qu’ils soient dans l’armée. Dans l’église primitive, le statut de militaire ne semblait donc pas incompatible avec la foi. Ce qui était attendu des militaires était d’adopter un comportement exemplaire, sans se laisser tenter par l’abus de pouvoir.
Au temps de Tertullien par contre, les choses semblent avoir évolué, puisque certains chrétiens refusaient de s’enrôler dans l’armée. Tertullien lui-même, fils d’un officier dans l’armée romaine, avait encouragé, à la fin de sa vie, le refus de s’engager dans l’armée. Dans son traité « De Corona », il raconte dès le début du livre, l’histoire d’un jeune militaire chrétien qui refusait les honneurs dus à son rang prétextant qu’en sa qualité de chrétien il n’avait rien à faire dans l’armée et encore moins en recevoir les honneurs. Il faut ainsi, jugé et condamné puis exécuté. Il fut compté par le christianisme antique parmi les martyrs de la foi. Cet événement, selon les spécialistes, se déroula soit à Carthage soit à Lambèse, la première décennie du troisième siècle.
Les défections chrétiennes furent nombreuses au sein de l’armée romaine. Les jeunes croyants refusaient de s’associer aux exactions commises par leurs pairs et désobéissaient aux ordres de leurs supérieurs quand il s’agissait de commettre des actes qualifiés de criminels. Cela provoquait beaucoup de troubles au sein des troupes, ce qui obligea les autorités à chercher un compromis avec les chrétiens pour maintenir un minimum de discipline dans les rangs de l’armée.
Durant tout le deuxième siècle, les églises ont réussi à imposer un certain nombre de conditions selon lesquelles les chrétiens pouvaient s’enrôler dans l’armée. Notamment en définissant les critères de mise à mort d’un ennemi. S’engager dans l’armée consistait seulement en la défense d’un territoire et d’une population, ainsi que le maintien de l’ordre. S’engager dans les guerres de conquête avec destructions et assassinats était hors de question. Et petit à petit, les nombre de jeunes qui s’engageait dans l’armé diminuait et la troupe se trouvait insuffisamment nombreuse pour faire face aux différents dangers qui guettaient la région. Surtout en Afrique du Nord ou les autochtones étaient en perpétuelle révolte contre l’occupant romain.
Vers la fin du troisième siècle, Dioclétien arriva au pouvoir et décida de rétablir l’autorité de Rome. Il commença par interdire les religions considérées comme « inassimilables », surtout en Numidie. Le seul culte admis était celui de l’Empereur. Les religions le Manichéisme, le Platonisme ou le Judaïsme étaient tout simplement interdite. Et Le Christianisme fut violemment combattu. Dioclétien promulgua des édits interdisant les livres saints, ordonna la destruction des églises et l’arrestation des évêques. Le recrutement des jeunes dans l’armée fut rendu obligatoire et de nombreux jeunes chrétiens se retrouvèrent de force sous le drapeau et les résistants furent fortement combattus.
Mais dans l’armée, malgré la menace, de nombreux légionnaires se mirent à déserter sitôt que l’occasion leur était offerte. Les désobéissances et les désertions furent ainsi très nombreuses, affaiblissant ainsi les légions romaines affectée au rétablissement de l’ordre en Numidie. Et c’est dans ce contexte que se déroula l’histoire de Maximilien de Theveste.
Maximilien de Theveste.
Theveste était une ville située dans l’est de la Numidie, dans la province romaine d’Afrique. C’est l’actuelle Tébessa dans l’est de l’Algérie. Cette région au troisième siècle était fortement chrétienne. C’est non loin de là, dans la ville de Taghaste que naitra Saint Augustin un siècle plus tard.
Maximilien, fils de Fabius Victor, officier romain, avait vingt ans quand il fut engagé de force dans l’armée. Tant qu’il s’agissait de simples opérations de maintien de l’ordre et de la sécurité, il faisait son travail du mieux qu’il pouvait. Mais, étant chrétien, il ne s’associait pas à ses camarades dans les excès et les beuveries, se tenant à l’écart de toutes sortes d’exactions et de débordements. Ce qui faisait râler contre lui les légionnaires qui se sentaient mal à l’aise devant son comportement irréprochable.
C’est dans ce contexte qu’après leur retour d’une mission de « pacification » dans les environs de la ville que le centenier décida de féliciter ses légionnaires pour les encourager à continuer à obéir à ses ordres en créant de la crainte au milieu de la population. Les soldats, couronnés de lauriers, étaient appelés l’un après l’autre pour recevoir la médaille de l’empereur à l’effigie de l’empereur Dioclétien. Quand le tour de Maximilien arriva, il déclina la récompense et déclara à son officier : « Je suis chrétien, je ne peux servir ni faire le mal ». Arrêté et présenté devant le proconsul Don Cassius, il ajouta : « En conscience, je ne pense pas que l’Evangile soit compatible avec l’exercice de quelque forme de violence que ce soit ». Par crainte de voir cette attitude se propager dans son armée, le proconsul haussa le ton pour tenter d’impressionner le conscrit : « Sers dans l’Armée, si tu ne veux pas mourir », lui ordonna-t-il. Mais sans se laisser intimider, Maximilien lui répondit : « Je ne sers pas, tranche-moi la tête, je ne milite pas dans l’armée de ce monde, mais dans celle de mon Dieu ». Et il en fut ainsi. Le jeune soldat chrétien fut condamné et décapité sur la place publique le 12 Mars 295.
Maximilien de Theveste ne fut pas le seul chrétien Nord-Africain exécuté pour avoir refusé de servir dans l’armée, tout autant, à l’époque romaine que durant celles des Vandales et des Byzantins. Ils furent nombreux ceux qui osèrent dire non à la pratique de la violence gratuite et des exactions de toutes sortes. Déjà, au premier siècle, nous avons le témoignage de Dernatinus qui avait déserté l’armée à cause des pratiques qu’elle avait adoptée. Pour autant, l’armée ne peut pas être systématiquement soupçonnée d’exactions. Elle est aussi, quand elle respecte les règles, un outil au service de son peuple, pour assurer sa protection et sa sécurité face à ceux qui sont une véritable menace pour la société.
Nabil Z.
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