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  • Photo du rédacteurNabil Z.

Mazekouane, Connaissez-Vous ?

La plupart des gens n’ont jamais entendu parler de ce village perdu sur les montagnes des Babors, dans la commune de Boukhlifa. Même à Béjaia, chef-lieu de la wilaya, rares sont les personnes qui en ont entendu parler. Mazekouane est un village qui se situe sur le mont Djoua, à la frontière ouest de la commune de Boukhlifa, en voisinage direct avec celles d’Amizour et de Barbacha.



Sa situation géographique n’est pas des plus enviables. Son isolement est total. Pour y accéder, il faut emprunter une route sinueuse et quasiment vide, menant de Maghra dans la commune de Tichy, vers Barbacha. La route est relativement en bon état, mais elle est tellement étroite que deux véhicules ont de la peine à se croiser entre deux virages. L’un d’eux devra fatalement se mettre sur le bas-côté de la route pour laisser l’autre passer. Mais la végétation y est abondante et verdoyante, et l’eau ruisselle à tous les coins. Au bout d’une demi-heure de route, on aperçoit un village isolé juste au-dessous du sommet de Djoua.


C’est Mazekouane ! Pour y accéder, il faut emprunter un chemin, ou faudra-t-il le dire autrement, une piste non goudronnée, sur une longueur de deux kilomètres environ. Les éboulements sont fréquents, rendant cette même piste peu praticable. En arrivant audit village, on est accueilli par un silence frappant. Aucune activité ne vient perturber la quiétude de ses habitants. Plus de deux cents maisons s’y trouvent dont la plupart sont construites en pierres et couvertes par de la tuile romaine. La plupart d’entre elles datent du début du vingtième siècle, sinon même avant. Il y a quand même quelques nouvelles constructions, mais elles sont inachevées et font contraste avec les vielles bâtisses pittoresques. Sur les toits de certaines maisons, on peut quand même voir quelques antennes paraboliques, puisque le village a la chance d’être traversé par un réseau électrique transportant du courant de Kharrata vers la région de Béjaïa. Sur ce qui fait office de place du village, se trouve une sorte de mosquée, ou plutôt une salle de prière, peinte à la chaux. Sinon, rien d’autre. Pas de café pas de magasins, pas de marché. Notre ami Omar, originaire du village mais qui habite dorénavant à Adekkar, avoue qu’il est obligé de revenir régulièrement approvisionner ses vieux parents qui sont restés au bled.


Un village martyr

Malgré les conditions de vie difficiles, ils ne souhaitent pas partir d’ici. Au bout du village, se trouve un monument aux morts, en hommage aux martyrs que le village a donnés pour l’indépendance du pays. Sur le monument, une trentaine de noms figurent avec des dates couvrant toute la période de la guerre de l’indépendance. Mais près de la moitié d’entre eux ont été fusillés sur cette même place par l’armée coloniale, le même jour, un certain 31 août 1956. Mazekouane a payé très cher son désir d’indépendance et sa foi en une Algérie libre, démocratique et sociale, comme l’avait promis la déclaration du premier novembre 54. Et c’est cette Algérie-là malheureusement, qui lui a tourné le dos. Le village manque de tout. Absolument tout ! Les enfants du village sont obligés d’aller passer la période scolaire chez des parents à Béjaïa, Tichy, Amizour ou Barbacha, car à Mazekouane, plus de cinquante ans après l’indépendance, il n’y a toujours pas d’école. Pour se soigner, il faudra se déplacer dans des conditions très difficiles vers les communes voisines, car dans le village, il n’y a aucune structure sanitaire. Malheur à la femme qui est subitement prise par les douleurs de l’enfantement, et qui a besoin d’être évacuée vers une structure de santé pour y accoucher.


À Mazekouane, l’Etat est totalement absent. Pas d’antenne administrative de la commune, pas de commissariat ni de poste de gendarmerie. Plus de mille habitants livrés à eux-mêmes. Et dire que de là-bas, on a une magnifique vue sur Béjaïa, Gouraya et le Cap Carbon, faisant certainement rêver les habitants de ce village oublié de tous. Cela rappelle étrangement le film de Mohamed Yargui, «Je te promets» qui est sur le point de sortir. Ce film raconte une histoire d’amour entre un frère et une sœur qui habitent quelque part sur ce même territoire, et qui voient Béjaïa et ses lumières d’aussi loin. Ils se mettent à rêver d’y aller un jour, quand le frère promet à sa sœur que quand il deviendrait grand, il l’y emmènerait. Heureusement que le rêve est gratuit. Les habitants de Mazekouane ne s’en privent pas. Toute leur vie oscille entre le cauchemar de la réalité quotidienne vécue et le rêve d’une vie meilleure, qu’ils ont osé pour une fois, réclamer en demandant aux autorités de les raccorder au réseau d’alimentation en gaz de ville, pour leur permettre de faire face à la rudesse de la vie dans cette région où la neige fait partie de la période hivernale. Il est vrai que le raccordement d’un village isolé à ce réseau coûterait un peu cher.


Développement ? circulez, il n y a rien à voir

Mais où est le devoir de solidarité entre Algériens ? Où est le fruit du sacrifice consenti par ces familles afin que ces mêmes algériens vivent en paix et bénéficient des bienfaits du développement ? Ne doit-on rien à ces gens qui font partie de nous-mêmes, de notre peuple et de notre vie ? L’Algérie, continuera-t-elle à tourner le dos à ce genre de villages, qui constituent l’authenticité de la vie nationale, d’où nos parents sont issus, et qui constituent une véritable réserve de citoyenneté de bravoure et d’espoir ? La République n’est-elle qu’au service des villes et des régions urbaines, reniant l’arrière-pays qui en fait la valeur et qui en constitue la richesse ? Pourtant, à juste quelques encablures de Mazekouane, se trouvent les villages d’Ath Kharoun et de Taddarth Tamokrant, qui se situent sur l’autre versant de Merj Ouamane, dans la commune d’Amizour. Ces deux villages bénéficient bien du réseau du gaz de ville, et il suffirait de faire un petit effort pour atteindre Mazekouane et faire justice à ses habitants si calmes et si patients, pourtant, si méritants. La République leur doit bien plus que ça, en réalité et il serait temps pour la wilaya de se pencher sur le cas de tous ces villages qui ne comptent pour le moment que pour du beurre, et qui un jour, pourraient s’avérer si importants.


N. Si Yani

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