De touts temps, les peuples étrangers se sont intéressés à la vie des berbères, et en ont parlé dans leurs publications. Depuis des lustres, la vie de nos ancêtres a été scrutée par les historiens et observateurs égyptiens, grecs et romains. Diodore de Sicile est l’un des plus anciens à l’avoir fait.
Selon l’encyclopédie en ligne Wikipedia, Diodore de Sicile est un historien et chroniqueur grec du premier siècle avant Jésus-Christ. Il est né en 90 avant Jésus-Christ en Sicile. Il était donc contemporain de Jules César et d’Auguste. Après avoir reçu une formation en rhétorique, il a beaucoup voyagé dans le monde, à la découverte de pays et peuples qu’il ne connaissait pas. Il a mis une trentaine d’années pour compiler toute la documentation historique qui existait à son époque, et il a pu en vérifier le contenu en se déplaçant lui-même dans un grand nombre de contrées. Il a ainsi pu rédiger une encyclopédie en quarante volumes, dont seulement une quinzaine nous est parvenue. Il est donc l’auteur de la plus grande encyclopédie d’histoire de l’antiquité, La Bibliothèque Historique. Son œuvre recense donc les données historiques disponibles à son époque, datant depuis un millier d’années, jusqu’à environs l’an 60 avant Jésus-Christ. En plus de sa compilation d’œuvres anciennes, il a enrichi sa bibliothèque d’un apport personnel très apprécié à son époque. Comme l'a dit fort bien l’historien Eusèbe, « si Diodore a joui de la plus grande réputation auprès des plus érudits des Grecs, c'est pour avoir réuni dans le cadre d'un seul ouvrage tout l'ensemble des livres d'histoire. » Tel est exactement le sens du titre choisi par Diodore : la Bibliothèque historique.
La Bibliothèque historique
La Bibliothèque historique est incroyablement riche, puisqu’elle contient des données de toutes sortes : sciences physiques, botanique, politique, philosophie, mythologie, etc… Il laisse une œuvre considérable, rédigée en grec ancien, une des plus riches sources d'informations sur l'Égypte antique et la Grèce antique mais aussi sur la Rome antique et le monde antique occidental, sujet peu traité par ses contemporains de Grèce orientale. On attribue parfois à Diodore de Sicile la liste des Sept Merveilles du monde, étant donnée sa description détaillée des jardins suspendus de Babylone dans le deuxième livre de la Bibliothèque historique.
Libye et Femmes Amazones.
Dans le troisième livre de son encyclopédie, il consacre beaucoup de temps à décrire entre autres, l’Ethiopie (qui était un vaste pays à l’époque, s’étendant du Sud de l’Egypte jusqu’à l’équateur), et la Libye. Dans la partie consacrée à la Libye, qu’il appelle aussi Afrique, il décrit avec beaucoup d’admiration le rôle que jouaient les femmes dans la société amazighe de l’époque. Il introduit le sujet de la manière suivante : « C'est ici le lieu de parler des Amazones d'Afrique,… Il est certain, qu’elles sont plus anciennes que les autres et les ont surpassées par leurs exploits. ... Pour moi, ayant trouvé que plusieurs poètes ou historiens dont quelques‑uns mêmes sont modernes, ont fait mention des Amazones de l'Afrique, j'exposerai en abrégé leurs exploits les plus remarquables en suivant les traces de Dionysius qui a écrit l'histoire des Argonautes et de Bacchus, et qui rapporte ce qui s'est passé de plus mémorable dans l'antiquité la plus reculée.
Femmes de valeur
Il y a eu en Afrique plusieurs nations de femmes recommandables par leur valeur… Vers les extrémités de la terre et à l'occident de l'Afrique habite une nation gouvernée par des femmes, dont la manière de vivre est toute différente de la nôtre, car la coutume est là que les femmes aillent à la guerre, et elles doivent servir un certain espace de temps en conservant leur virginité. Quand ce temps est passé elles épousent des hommes pour en avoir des enfants, mais elles exercent les magistratures et les charges publiques. Les hommes passent toute leur vie dans la maison, comme font ici nos femmes et ils ne travaillent qu'aux affaires domestiques, car on a soin de les éloigner de toutes les fonctions qui pourraient relever leur courage. Dès que ces Amazones sont accouchées, elles remettent l'enfant qui vient de naître entre les mains des hommes qui le nourrissent de lait et d'autres aliments convenables à son âge. Si cet enfant est une fille, on lui brûle les mamelles de peur que dans la suite du temps, elles ne viennent à s'élever, ce qu'elles regardent comme une incommodité dans les combats et c'est là la raison du nom d'Amazones que les Grecs leur ont donné. On prétend qu'elles habitaient une île appelée Hespérie (Maghreb) parce qu'elle est située au couchant du lac Tritonide (Tunisie). Ce lac prend, dit‑ on, son nom d'un fleuve appelé Triton, qui s'y décharge. Il est dans le voisinage de l'Éthiopie au pied de la plus haute montagne de ce pays‑là, que les Grecs appellent Atlas et qui domine sur l'océan.
Myrine, ancêtre de la Kahina. 5eme siècle avant Jésus-Christ
Les Amazones, portées par leur inclination à faire la guerre, soumirent d'abord à leurs armes toutes les villes de cette île, excepté une seule qu'on appelait Méné et qu'on regardait comme sacrée. Elle était habitée par des Éthiopiens Ichtyophages, et il en sortait des exhalaisons enflammées. On y trouvait aussi quantité de pierres précieuses comme des escarboucles, des sardoines et des émeraudes. Ayant soumis ensuite les Numides et les autres nations africaines qui leur étaient voisines, elles bâtirent sur le lac Tritonide une ville qui fut appelée Cherronèse à cause de sa figure. Ces succès les encourageant à de plus grandes entreprises, elles parcoururent plusieurs parties du monde. Les premiers peuples qu'elles attaquèrent furent, dit‑on, les Atlantes. Ils étaient les mieux policés de toute l'Afrique et habitaient un pays riche et rempli de grandes villes. Ils prétendent que c'est sur les côtes maritimes de leur pays que les dieux ont pris naissance, et cela s'accorde assez avec ce que les Grecs en racontent. Myrine, reine des Amazones, assembla contre eux une armée de trente mille femmes d'infanterie et de deux mille de cavalerie, car l'exercice du cheval était aussi en recommandation chez ces femmes à cause de son utilité dans la guerre. Elles portaient pour armes défensives des dépouilles de serpents, l'Afrique en produit d'une grosseur qui passe toute croyance. Leurs armes offensives étaient des épées, des lances et des arcs. Elles se servaient fort adroitement de ces dernières armes, non seulement contre ceux qui leur résistaient, mais aussi contre ceux qui les poursuivaient dans leur fuite. Ayant fait une irruption dans le pays des Atlantides, elles vainquirent d'abord en bataille rangée les habitants de la ville de Cercène, et étant entrées dans cette place pêle‑mêle avec les fuyards, elles s'en rendirent maîtresses. Elles traitèrent ce peuple avec beaucoup d'inhumanité afin de jeter la terreur dans l'âme de leurs voisins, car elles passèrent au fil de l'épée tous les hommes qui avaient atteint l'âge de puberté et elles réduisirent en servitude les femmes et les enfants ; après quoi, elles démolirent la ville. Le désastre des Cercéniens s'étant divulgué dans tout le pays, le reste des Atlantes en fut si épouvanté que tous, d'un commun accord, rendirent leurs villes et promirent de faire ce qu'on leur ordonnerait. La reine Myrine les traita avec beaucoup de douceur. Elle leur accorda son amitié et en la place de la ville qu'elle avait détruite, elle en fit bâtir une autre à laquelle elle fit porter son nom. Elle la peupla des prisonniers qu'elle avait faits dans ses conquêtes et des gens du pays qui voulurent y demeurer. Cependant les Atlantes lui apportant des présents magnifiques et lui décernant toutes sortes d'honneurs, elle reçut avec plaisir ces marques de leur affection et leur promit de les protéger.
Les Gorgones autres femmes guerrières vaincues par les Amazones.
En effet, comme ils étaient souvent attaqués par les Gorgones, cette autre nation de femmes qui étaient leurs voisines et qui tâchaient d'égaler en tout les Amazones, la reine Myrine voulut bien les aller combattre dans leur pays à la prière des Atlantes. Les Gorgones s'étant rangées en bataille, le combat fut opiniâtre, mais enfin les Amazones ayant eu le dessus, elles passèrent au fil de l'épée quantité de leurs ennemies et n'en prirent guère moins de trois mille prisonnières. Le reste s'étant sauvé dans les bois, Myrine qui voulait abolir entièrement cette nation, commanda qu'on y mît le feu. Mais ce dessein n'ayant pas réussi, elle se retira sur les frontières du pays des Gorgones. Cependant, comme les Amazones faisaient la garde avec négligence à cause de leurs succès, leurs prisonnières s'étant saisies de leurs épées lorsqu'elles dormaient, en égorgèrent un grand nombre. Mais enfin étant accablées par les Amazones qui se mirent bientôt en défense, elles furent toutes tuées après une résistance très vigoureuse. Myrine fit brûler les corps de ses compagnes mortes sur trois bûchers et elle fit élever trois grands tombeaux qui s'appellent encore aujourd'hui les tombeaux des Amazones. Les Gorgones s'étant relevées dans la fuite, furent attaquées encore une fois par Persée fils de Jupiter ; Méduse était alors leur reine. Mais enfin cette nation et celle des Amazones furent détruites l'une et l'autre par Hercule lorsqu'étant passé dans l'Occident, il planta une colonne dans l'Afrique, ne pouvant souffrir après tant de bienfaits que le genre humain avait reçus de lui qu'il y eût une nation gouvernée par des femmes. On dit que le lac Tritonide a entièrement disparu par la rupture de tout le terrain qui le séparait de l'océan.
Myrine, à la conquête du monde
Mais pour revenir à Myrine, après qu'elle eut ravagé une grande partie de l'Afrique, elle entra dans l'Égypte où elle lia amitié avec Horus, fils d'Isis, qui gouvernait alors ce royaume. De là, elle alla attaquer les Arabes et elle en extermina un très grand nombre. Ensuite, elle soumit a son empire toute la Syrie, les Ciliciens lui offrirent des présents et lui promirent d'exécuter ses ordres. Myrine leur laissa la liberté parce qu'ils étaient venus se rendre d'eux‑mêmes. C'est pour cela qu'on les appelle encore à présent Éleuthéro‑Ciliciens. Ayant dompté ensuite les peuples qui habitent auprès du Mont Taurus et qui sont recommandables par leur force et par leur courage, elle entra dans la grande Phrygie et ayant parcouru avec son armée plusieurs contrées maritimes, elle termina enfin cette expédition au bord du fleuve Caïque. Elle choisit ensuite dans les pays qu'elle avait conquis les lieux les plus propres pour des villes et elle y en fit bâtir de très grandes. Elle donna son nom à la principale et voulut que les autres fussent appelées du nom des premières femmes de son armée comme le sont, par exemple, les villes de Cyme, de Pitane et de Priène qui sont situées au bord de la mer, mais elle en fit bâtir plusieurs autres dans la terre ferme. Elle fournit aussi quelques îles et entre autres celle de Lesbos où elle bâtit la ville qu'on appelle Mytilène du nom de sa soeur qui commandait une partie de son armée. Pendant qu'elle allait à d'autres îles, son vaisseau fut battu de la tempête. Ayant fait un voeu à la mère des dieux, elle fut jetée dans une île déserte qu'elle consacra à la déesse, suivant l'avertissement qu'elle en avait eu en songe ; elle lui dressa des autels et lui institua des sacrifices. Elle donna ensuite à cette île le nom de Samothrace qui dans sa langue maternelle signifiait île sacrée. Il y a pourtant des historiens qui prétendent que cette île s'appelait d'abord Samos et que depuis elle fut appelée Samothrace par les Thraces qui l'habitèrent. On dit que quand les Amazones furent sorties de cette île, la mère des dieux qui s'y plaisait y transporta pour la peupler un grand nombre de gens et, entre autres, ses enfants appelés les Corybantes. A l'égard de leur père, il n'est connu que de ceux qui sont initiés aux mystères qu'on y célèbre encore aujourd'hui, et que cette déesse enseigna dès lors aux hommes dans un temple dont elle fit un asile. Environ ce temps‑là, un certain Mopsus né en Thrace fut banni de son pays par Lycurgue qui en était roi et s'étant fait suivre par un assez grand parti, il se jeta dans le pays des Amazones. Sipyle, Scythe de nation, banni de même de sa patrie, se joignit à Mopsus dans cette guerre. Leurs troupes réunies remportèrent la victoire. La reine Myrine et la plupart de ses compagnes furent tuées sur le champ de bataille. Ces étrangers les ayant attaquées en d'autres rencontres, toujours avec succès, ce qui resta de cette armée de femmes fut obligé de revenir dans la Libye. Telle fut, dit‑on, la fin de l'expédition des Amazones.
Une partie de notre histoire restée inconnue, et qu'il convient de déterrer pour la partager.
Nabil Z.
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