Le Comité des Fêtes de la ville de Béjaïa a décidé d’honorer des femmes centenaires à l’occasion de la célébration de la Journée internationale de la femme.
Ce projet a été mené à bien avec l’APC d’Amizour. Sitôt le projet connu, nous nous sommes rendus au service d’état civil de l’APC de Béjaïa, où nous avons été reçus par son premier responsable. Il n’existe, hélas, pas de fichier recensant les centenaires de la ville. Les données disponibles, selon le chef de service, devraient être soigneusement vérifiées avant d’être confirmées et authentifiées. Il y a cent ans, les données de l’état civil n’étaient pas aussi rigoureuses qu’elles le sont aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle la notion de « présumé » était aussi répandue. Par contre, il faudrait quand même essayer, au moins par le bouche à oreille, de localiser ces personnes, les recenser et leur présenter les hommages qu’elles méritent. À Amizour, le président de l’APC nous a tenu le même discours. Les personnes centenaires connues ne le sont que verbalement. Les fichiers d’état civil existants manquent de précisions et de fiabilité jusqu’à un certain point. Ceci n’a pas empêché une délégation conduite par Malek Bouchebah, responsable du Comité des Fêtes de la ville de Béjaïa, et Mokhtar Bouzidi, président de l’assemblée populaire d’Amizour, d’honorer trois femmes centenaires. La délégation était composée de membres du mouvement associatif et de nombreux journalistes.
Yemma Tata, autonome malgré ses 103 ans Curieusement, les trois centenaires portent le même prénom : Fatma. La première à laquelle nous avons rendu visite s’appelle Arouf Fatma, vivant avec ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants chez Madjid Krim qui nous recevra très chaleureusement dans sa maison à Boukhalfa. La délégation est entrée dans la chambre de Yemma Tata, comme on l’appelle affectueusement, pour lui rendre les hommages qui lui sont dus. Une grande corbeille de fruits lui a été offerte, ainsi que de nombreux cadeaux. Yemma Tata a cent trois ans. Elle est originaire d’Oued Ghir. Elle vit le plus normalement possible. Elle est encore relativement autonome, n’ayant besoin d’aide que pour monter ou descendre les escaliers. En dehors d’un traitement pour le cœur qu’elle prend régulièrement, elle ne souffre d’aucune maladie. Elle mange de tout, sans restriction particulière. Légumes, fromage, viandes et poissons. Les membres de la délégation ont ainsi pu discuter avec elle et les journalistes l’ont abondamment prise en photo. Sa mémoire reste encore valide et Yemma Tata se souvient encore des événements anciens dont elle parle régulièrement. Son souvenir le plus ancien remonterait à l’âge de huit ans. De la guerre de libération nationale, elle garde encore des souvenirs vifs et intacts.
Na Fatma Boumraou, bon pied bon œil Un peu plus bas, quasiment dans le même village, nous avons rendu visite à la deuxième centenaire de la région. Elle a aussi cent trois ans. Son nom est Fatma Boumraou. Nous avons été reçus par toute la famille qui était visiblement heureuse de cette visite. Na Fatma était visiblement dans ses beaux jours. Après que la délégation lui ait rendu hommage et qu’elle lui ait offert des cadeaux, elle s’est mise à entonner un Achewiq magnifique, exprimant sa joie et sa reconnaissance pour la visite qui lui a été rendue. À ce moment, une intense émotion est tombée sur la maison. Certains membres de la délégation ont ainsi été émus aux larmes. Un des fils de Na Fatma, sa femme et une de ses filles nous ont raconté que la centenaire jouit d’une très bonne santé. Elle va encore quotidiennement à la fontaine remplir de l’eau, rend visite à ses filles qui habitent à plusieurs centaines de mètres de la maison, à pied, et continue à faire son jeûne du Ramadhan. Quand ses enfants la grondent pour qu’elle ralentisse son rythme de vie, elle leur répond qu’elle finira par les enterrer tous. Elle se sent en meilleure santé que ses nombreux descendants. Elle a eu quatre garçons et trois filles, et de nombreux petits-enfants et arrière-petits-enfants. Na Fatma a encore bon appétit et ne connaît pas de médecin. Par contre, elle n’oublie jamais de prendre sa dose quotidienne d’huile d’olive. Une de ses petites filles nous a confié qu’elle ak ; dore particulièrement manger Atemine, mais qu’elle mange la même chose que tout le monde, sans faire la difficile.
142 ans?
La troisième femme centenaire à laquelle nous avons rendu visite relève de la légende. Na Fatma Mansouri, habite au village Hamma, sur les hauteurs d’Ighil Ialwanene, dans la commune d’Amizour. Tout le monde parle de cette femme, et de son incroyable âge, estimé à cent quarante-deux ans, faisant d’elle la doyenne du monde. Nous avons également été très bien accueillis par la famille de Na Fatma. Cette dernière semblait encore en bonne santé. Elle était parfaitement consciente de ce qui arrivait et s’est montrée très contente de l’attention qui lui a été ainsi accordée. Na Fatma Mansouri serait née en 1873. Elle serait donc contemporaine des Cheikhs Ahedad et El Mokrani. Son extrait d’acte de naissance, dont l’authenticité nous a été attestée et confirmée par le maire d’Amizour, Mokhtar Bouzidi, mentionne que notre centenaire a été déclarée à l’état civil en 1891. À cette date, elle avait dix-huit ans. Elle aurait été mariée à l’âge de vingt ans, mais n’aurait pas eu d’enfants. Elle se serait remariée en 1941 à l’âge de 68 ans, selon la mention portée sur son extrait d’acte de naissance, sous le n° 288/1873. Selon quelques-uns de ses descendants (dont le nombre est estimé à quatre-vingt-cinq) avec qui nous avons pu discuter, dont Tahar Hadouche, âgé de vingt-huit ans, il y aurait eu au moins deux autres centenaires dans la famille, mais décédés aujourd’hui. Or, le fils aîné de Na Fatma a aujourd’hui 85 ans. Ce qui veut dire qu’il serait né vers 1930.
En tout état de cause, ces données paraissent quelque peu confuses. Aurait-elle pu avoir des enfants après l’âge normal de la Ménopause ? Sans exclure les cas exceptionnels et les miracles dont Dieu seul a le secret, l’authentification du cas de Na Fatma Mansouri demande des investigations plus approfondies. À notre avis, les ministères de l’Intérieur et celui de la Population devraient constituer une délégation d’experts qui seraient chargés de mettre la lumière sur ce cas incroyable. S’il venait à se confirmer, cela ne devrait pas rester sans conséquences. Non seulement procéder à sa validation au niveau du Guiness des Records, mais aussi au niveau scientifique, avec un traitement adéquat et son exploitation en vue de découvrir les secrets de cette longévité. Il faudrait alors obligatoirement rendre à Na Fatma Mansouri un hommage national, et instituer pour la circonstance, une journée nationale des centenaires, dont Na Fatma serait l’image emblématique. Les deux APC, Béjaïa et Amizour, ont eu une très bonne idée et ont pris une excellente initiative, en organisant cet hommage à nos mères, en cette occasion. Le huit mars, en effet, ne devrait pas être seulement une occasion de faire la fête, mais aussi de nous rappeler de ces nombreuses femmes qui ont « traversé le temps » dans des conditions difficiles, pour nous donner la vie et nous laisser un héritage moral et culturel. Espérons que d’ici peu, les familles qui comptent encore des centenaires vivants, hommes ou femmes, se manifestent auprès des APC afin qu’un hommage leur soient rendus.
Nabil Z.
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