Selon de nouvelles études, plusieurs indices convergent pour remettre en question la théorie avancée jusque-là sur la dispersion de l’Homo sapiens. Selon l'analyse génomique des populations, l’Homme ne serait plus apparu en Afrique, mais en Eurasie.
Dans un article publié dans la revue « Trends in Ecology & Evolution » , des scientifiques spécialistes de l'évolution humaine, de la génétique et des climats du passé, déclarentqu'au cours des 300.000 dernières années, l’espèce humaine s’est caractérisée par une diversité générée par une dynamique complexe de rencontres et de relations, de séparations, de brassages et de métissages entre les différentes lignées et cultures humaines.
C’est la découverte au Maroc l’année dernière des restes d'un Homo sapiens qui a mis la puce à l’oreille de ces chercheurs. C’est le paléo-anthropologue Jean-Jacques Hublin et son équipe qui ont mis à jour les plus anciens ossements connus de l’espèce humaine, dont l’âge a été estimé à plus de 100.000 ans plus anciens que les premiers ossements découverts auparavant en Ethiopie. Ce qui a posé la question de l’enracinement initial de l’Homo Sapiens.
Dans les temps anciens, des régions actuellement arides telles que le Tassili dans le Sahara, étaient humides et vertes, abondantes en sources d’eaux de toutes sortes : lacs, rivières, contrairement à certaines régions tropicales qui étaient arides. Les changements de climat ont conduit à des subdivisions au sein des groupes de populations humaines, qui ont du traverser de nombreux cycles de séparation puis de mélanges, induisant des adaptations aux conditions de vies locales et à des brassages et des mélanges génétiques et culturels.
L’une de ces scientifiques, le docteur Eleanor Scerri, archéologue au Jesus College de l'université d'Oxford et chercheuse à l'Institut Max-Planck affirme que « L'évolution des populations humaines en Afrique était multi-régionale. Notre ascendance était multi-ethnique et l'évolution de notre culture matérielle était bien multiculturelle ». Ce qui est proprement l’inverse de ce qui a été avancé jusque-là.
C’est aussi ce qu’affirme un autre chercheur, Svan Paabo de l’Institut allemand Max-Planck. Pour lui les groupes humains ont depuis longtemps mélangé leur gènes. Il serait donc difficile de conclure à une origine unique de l’Homme. Ce chercheur est connu dans le monde scientifique pour défendre la théorie de l’évolution. Il s’est intéressé à un fragment d'os d'à peine 2,5 cm découvert en 2012 parmi des milliers d'autres fragments d'animaux dans une grotte des montagnes de l'Altaï en Asie. Il appartiendrait à une adolescente de treize ans qui vivait là il y a 90.000 ans. Une première analyse pratiquée en 2016 sur son ADN mitochondrial (coté maternel) a montré que l'os appartient à un hominidé d'origine Néandertal. En étudiant ensuite l'ADN nucléaire (coté paternel), il a été découvert que la jeune fille était métisse, issue de l'accouplement d'une mère néandertalienne et d'un père dénisovien, originaire d’une région se situant entre la Russie, laz Chine et la Mongolie.
Cet ADN des Dénisoviens influence chez les Inuits la gestion des tissus adipeux ; chez les Tibétains, il améliore le transport de l'oxygène dans le sang, expliquant leur capacité à vivre en altitude où l'air est pauvre en oxygène. Il a aussi contribué à hauteur de 4 à 6 % au génome des Papous de Nouvelle-Guinée et des aborigènes australiens.
Ainsi, une étude réalisée par des chercheurs américains, des universités de Washington et de Princeton, a montré que plusieurs interactions se sont produites avec Homo sapiens. L’étude a porté sur le génome de plus de 5.500 individus, et a montré que de l'ADN dénisovien existait chez les populations d'Asie de l'Est, en particulier deux ethnies chinoises et les Japonais. Cet ADN différe significativement de celui retrouvé dans les populations d'Australasie. Ce qui les a conduit à déduire qu’il existait deux populations dénisoviennes que nos ancêtres ont croisés en Asie de l'Est et en Asie du Sud-Est.
Déjà, l’an passé, on a découvert en Grèce un hominidé plus ancien que Toumaï, notre supposé ancêtre découvert au Tchad. Ce qui conforte la thèse du modèle alternatif au berceau africain qui situe l'origine de l'homme... en Eurasie. D’autes études avaient déjà émis des doutes sur l’origine africaine de l’Homo Sapiens. Comme le fit le professeur de génétique suédois Ulfur Arnason. Les conclusions de ses travaux sur l'analyse génomique des populations d'hominidés qui peuplaient la région qui se situe entre l'Europe et l'Asie montrent que les mélanges génétiques entre Homo sapiens, Néandertal et Denisova ne peuvent pas s'expliquer avec le peu de temps de vie en commun que suggère le modèle « Out of Africa ».
C’est donc un nouveau schéma qui nous est proposé avec ces études. L’Homo Sapiens serait parti d'Eurasie et aurait colonisé l'Afrique, l'Europe et l'Asie par plusieurs groupes distincts. Ce qui expliquerait les mélanges génétiques marqués de l'homme moderne avec ses cousins d'une région à l'autre du globe. « La dispersion d'Homo sapiens à travers l'Eurasie, il y a 60.000 ans, a sans doute permis des interactions répétées à grande échelle avec les populations archaïques », affirme Ulfur Arnason.
L’origine Eurasienne renverrait-elle en définitive à la source biblique du Jardin d’Eden situé quelque part en Asie, entre le Tigre et l’Euphrate en Irak ? Les chercheurs ne répondent pas à cette question, et ne veulent même pas l’aborder. Mais il est sûr que d’une part, la science avance, malgré toutes ses contradictions et ses insuffisances, et la soif de l’Homme de connaître ses origines n’est pas prête à s’étancher.
Nabil Z.
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