Depuis le 5 Février, la Bibliothèque du Congrès à Washington exhibe un document exceptionnel, écrit en arabe par un érudit sénégalais d’origine berbère, racontant sa vie d’esclave aux Etats-Unis.
La découverte du Sénégal par las anciens berbères et les carthaginois, remonte à très loin dans le passé. Plus tard ce fut au tour des Senhadja de visiter le pays à la recherche de l’or. Dans ce pays inconnu, de nombreux maures se sont installés, le nommant d’après leur propre tribus : le Sénégal. Car en fait, ce nom descend directement de celui des Senhadja. Pendant longtemps, on a appelé ses habitants les Maures, tout comme leurs frères du nord du continent.
En 1807, Omar Ibn Said, né en 1770, commerçant érudit, fut capturé au Sénégal et vendu comme esclave aux Etats-unis. Il avait trente-sept ans, de nombreux frères et sœurs, et surtout, il était un vrai érudit. Depuis son enfance, il a fréquenté les écoles coraniques et a voyagé pour étudier chez de nombreux maîtres. Il raconte dans son livre qu’il a étudié durant vingt-cinq ans. Chose rare en ces temps et en ces lieux. Il raconte que son voyage au pays des mécréants a duré un mois et demi. Un jour, il se retrouve à Charlestone en Caroline du Sud ou il fut vendu comme esclave. Son maître, durant deux années le maltraita. Omar dit de lui qu’il ne craignait pas Dieu. Un jour, l’érudit sénégalais décide de se faire la malle et fuir vers le nord. Au bout d’un mois de pérégrinations il est arrêté « par des hommes à cheval ». Il fut emprisonné durant six jours. Le septième jour, il reçut la visite d’un homme de bien, qui lui demanda s’il voulait le suivre. Omar accepta, pourvu qu’il quitte la prison. Il se retrouve dans la maison d’un général, frère du Gouverneur de la Caroline du Nord qui le traita si bien qu’Omar a témoigné dans son livre qu’il mangeait comme son maître et que celui-ci lui donnait même ses propres vêtements pour se vêtir.
Tout en gardant son statut d’esclave, Omar retrouve des forces et mène une vie plus confortable que chez son premier maître. On a gardé de lui quatorze écrits rédigés de sa main entre 1819 et 1831, en arabe. Dans le premier, il disait qu’il souhaitait rentrer chez lui. Dans le dernier, il raconte sa vie. Il est mort en 1864 à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans, après avoir témoigné de la bonté que ses maîtres ont usé à son égard. Plus que ça, il dit dans une correspondance adressée à un Révérand (Pasteur), qui lui demanda de raconter sa vie :
« Vous m’avez demandé d’écrire ma vie. Je ne saurais le faire car j’ai oublié ma langue et celle des arabes. Je sais tout juste un peu de grammaire et de vocabulaire. Ô mes frères, en raison de ma faiblesse visuelle et corporelle, je vous demande, au nom de Dieu, de ne point me blâmer. …Je m’appelle Omar Ibn Said. Je suis né au Fouta Toro, entre les 2 rives et j’ai étudié au Boundou et au Fouta auprès de Cheikh Mohammad Said, auprès de mon frère et auprès de Cheikh Souleymane Kimba et Cheikh Djibril Abdal. J’ai continué à chercher le savoir durant vingt-cinq ans. Je revins chez moi et y demeurai pendant 6 ans. Une grande armée vint dans notre contrée et tua beaucoup de personnes. Elle me captura, me conduisit dans la grande mer, me vendit comme esclave à un Nasrani qui m’amena en bateau »… « Avant ma venue au pays des Chrétiens, ma religion était celle de Mohammad, le prophète d’Allah. … J’allais à la mosquée avant l’aube, je lavais ma figure, ma tête, mes mains, mes pieds. J’effectuais les prières de la mi-journée, de la fin de l’après-midi, du coucher du soleil et de la nuit. Je donnais l'aumône chaque année en or, argent, en récoltes et bétail : moutons, chèvres, riz, blé et orge » Omar fut vite adopté par son environnement, et on l’a surnommé le Prince Maure. Certains l’appelaient Morro, Uncle Moreau, ou Monroe. En fait, il donne un indice de ce changement de nom : Omar s’est converti en embrassant comme il dit « la religion de Jésus-Christ ». Il fut traité comme un véritable prince, et personne ne comprenait comment un prince pouvait se retrouver comme esclave. Avec l’âge et la diminution de ses capacité visuelles, il a finit par oublier l’arabe.
Les manuscrits qu’il laissa sont les seuls dans la langue d’El Moutanabi à témoigner de l’esclavage en Amérique. Son dernier manuscrit a été traduit en 1925 puis égaré. Il a été retrouvé soixante-dix ans plus tard, en 1995 chez un collectionneur qui en a fait don à la Bibliothèque di Congrès. Une nouvelle édition a donc été publiée : « The life of Omar Ibn Said, written by himself, la vie d’Omar Ibn Said écrite par lui-même ».
En 1991, l’Etat de Caroline du Nord décida de lui rendre hommage en baptisant une mosquée de la ville de Fayetteville de son nom. En face, Une stèle a été érigée racontant sa vie.
Nabil Z.
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