En cette semaine consacrée à la femme, il est bon de se souvenir des héroïnes berbères qui ont marqué l’histoire. L’une d’elle, connue du monde entier, sauf de son peuple, a été une vraie femme courage qui a tenu tête à la persécution romaine et est morte en martyre. Il s’agit de celle qu’on nomme Sainte Perpétue, ou plus simplement Perpetua.
Au début du troisième siècle, l’Evangile se répandait de plus en plus en Afrique du Nord. Il y a très peu de sources qui racontent l’arrivée de la Bonne Nouvelle en Afrique. Pour en résumer la provenance, Saint Augustin dira dans une de ses épitres « C’est de toutes les régions de la Méditerranée, affirme-t-il, que l’Evangile est venu en Afrique ». Ainsi, le débat est clos. Et le message chrétien avance à une telle vitesse que Rome s’en inquiète. Elle décidera alors d’adopter une politique de répression, allant jusqu’à interdire toute pensée ou religion contraires aux dogmes de l’Empire. Et Saturninus, le gouverneur de de la Province Proconsulaire d’Afrique exécutera cette interdiction avec zèle. L’histoire retiendra qu’il a été « le premier à tirer le glaive contre les chrétiens ». Dès l’an 180, une série de campagnes de persécutions vont être menées par le zélé gouverneur. Et c’est à Madaure, près de Guelma, précisément la ville d’Apulée, que cette persécution commencera avec la mise à mort d’un groupe de nouveaux croyants. Il existe même un procès-verbal de l’interrogatoire d’un groupe de dix-sept croyants originaire d’une ville de la région appelée Scilli. Ce fut le 17 juillet 180. Tous ont été mis à mort. L’un deux, devant l’ordre qui lui fut donné par Saturninus de renier sa foi a répondu tout simplement « Nous ne craignons personne si ce n’est le Seigneur notre Dieu qui est au Ciel ». Ceux de Madaure étaient quatre : Migin, Sanamé, Lucitas et Nomphano. Cette campagne se poursuivra des dizaines d’années durant. Un peu plus tard, six croyants vont être arrêtés. Parmi eux, deux jeunes femmes. Vibia Perpetua et Félicité, la nourrice de son nouveau-né. Perpetua était la fille d’un homme riche et distingué. Elle eut une excellente éducation et un bon mariage. Au moment des faits, elle venait d’avoir son premier enfant depuis quelques mois, et elle en attendait un autre. L’histoire raconte que le groupe des six, composé de croyants de différentes origines sociales, était en train de prier lorsque des soldats arrivèrent et les arrêtèrent. Ils furent donc présentés devant le procurateur Hillarianus. En interrogeant Perpetua, il essaya de lui faire renier sa foi, en jouant sur le côté affectif, car son père était triste et abattu par ce qui lui arrivait. « Prend pitié des cheveux blancs de ton père et de la jeunesse de ton enfant », lui dit-il. Mais rien ne pouvait faire reculer cette amazighe pur-sang, entêtée jusqu’à la moelle. Ni les supplications de son père, ni les menaces de supplices cruels ne la firent renoncer à sa foi. Aucun de ses compagnons non plus n’a abdiqué.
Le sept Mars 203, les condamnés furent présentés aux arènes de Carthage. L’exécution des prisonniers était à l’époque un spectacle donné en public. On les livra tour à tour aux ours affamés, puis à un léopard. Quand arriva le tour de Perpetua et de Félicité, les romains ont préféré utiliser une méthode encore plus cruelle. On les a dévêtis, puis les ont entourées d’un filet pour les empêcher de bouger et de se défendre face aux bêtes féroces qui allaient en faire leur proie. Ce fut à une vache furieuse qu’on les livra. Elle avait beau les déchiqueter, les deux saintes ne succombaient pas à leurs blessures. Alors, on chargea un gladiateur de les achever. Il donna un coup de glaive au flanc de Perpétue, mais ne réussit qu’à la blesser. Se relevant avec peine, cette dernière prit le glaive du gladiateur et le plaça sur sa propre gorge, lui demandant de l’achever par égorgement. C’est ainsi que prit fin la vie de cette héroïne berbère de la foi. Une foi authentique, sans calculs ni intérêts. Une foi vraie et profonde, qui dérangeait les dictateurs et les criminels. Les romains n’ont ainsi eu aucune chance d’éradiquer la nouvelle foi. Car une fois prise en mains par les berbères, il n’y avait plus aucune chance d’y mettre un terme. D’ailleurs, Tamazgha va donner à l’Eglise ses plus grands penseurs et théologiens, à l’exemple de Tertullien, de Cyprien et d’Augustin. L’Eglise d’Afrique va tellement faire évoluer la nouvelle foi qu’elle donnera à l’Europe même, la plupart de ses évangélistes. Ce furent les berbères qui diffusèrent le plus l’Evangile en Europe. Et la femme berbère ne fut pas en reste, puisque Perpetua et Félicie ouvrirent le bal et Monique, la mère d’Augustin reste encore l’une des saintes les plus vénérées dans la chrétienté. La persécution romaine fut féroce et dura longtemps. Mais elle finit par cesser et l’Empereur Constantin fit du Christianisme la religion officielle de l’Empire.
Perpétua et Félicité auront donc été les ancêtres des autres martyrs berbères, et en particulier les femmes martyres. Parmi elles, on peut citer la Kahina, Hassiba Ben Bouali, Katia Bengana, et bien d’autres encore. Leur courage et leur abnégation ont fait de Tamazgha ce qu’elle est aujourd’hui, une terre peuplée de courage et de sacrifices. C'est ainsi Perpetua qui a perpétué la tradition de martyres des femmes amazighes. A sa mort, elle n'avait que vingt-deux ans.
Nabil Z.
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