C’est le titre d’un roman du Sud-Africain Alan Paton, au moment ou son pays basculait dans l’apartheid dans las années quarante. Aujourd’hui cependant, tous ceux qui aiment leur pays en Tamazgha, ont-ils des raisons de se lamenter ?
L’Algérie fait partie d’un ensemble beaucoup plus grand que ses deux millions et demi de kilomètres carrés. C’est Tamazgha, cette terre mythique qui appartient à un peuple mystérieux qui n’arrive toujours pas à maîtriser son territoire ni à orienter correctement son destin.
Depuis plus de trois mille ans, les berbères peinent à prendre en charge leur territoire, pourtant si riche et si généreux. A lui tout seul, il constitue un véritable continent, avec une mer et un océan, des fleuves et des rivières, des montagnes immenses et un désert infini, des prairies et des forêts. Et cela pour ne parler que des richesses apparentes. Dans son sous-sol, Tamazgha regorge de richesses considérables. Pétrole et Gaz, or et diamants, phosphate et uranium, fer et aluminium et beaucoup plus encore. Sur sa surface, on peut encore voir les stigmates de son histoire. Des gigantesques constructions et des ruines, des grottes et des tentes, des maisons et des cabanes. Autant de rappels de ce que fut notre pays bien-aimé. Autrefois un territoire glorieux, aujourd’hui un pays digne des lamentations prophétiques.
Qu’est-tu devenu ô pays de Gaïa, de Massinissa et de Jugurtha ? Que sont devenus les Maxices, les Getules, et le Garamantes ? Ou sont passé tes laboureurs, tes penseurs et tes pasteurs ? Que sont devenus tes girafes, tes éléphants et tes antilopes ? Que reste-t-il de Hiempsal, de Juba et de Takfarinas ? Ou sont parties la Kahéna, Tin Hinan et Fatma N’Soumer ?
Au-delà de l’Etoile de Kateb Yacine, Tamazgha était peuplée de plus que Nedjma l’algérienne ; il y avait Tiziri la berbère, cette véritable constellation d’étoiles inondant le ciel et éclairant la terre, transmettant une lumière divine à l’humanité. Elle contenait des étincelles appelées Augustin, Cyprien, Tertullien, Hépathie, Salsa, Perpetua, Apulée, Térence, Julius, Minucius, Lactance, Théodore, et tant d’autres… Telles des étoiles filantes, elles nous ont glissé des mains et filé entre les doigts, et nous n’avons pas su les retenir et les garder. Nous étions trop occupés à nous battre contre de multiples envahisseurs. Et quand il n’y en avait plus, nous nous retournions les uns contre les autres : Massessyles contre Massyles, et Massyles contre Carthage, pour la grande joie de Rome qui n’attendait plus que le moment favorable pour en cueillir les fruits.
Ce n’était pas seulement Nedjma qui était convoitée en Algérie. C’est Tiziri qui a été violée sous le ciel de Tamazgha, avec la complicité de ceux qui étaient en charge de veiller sur elle.
Alors, comment ne pas pleurer sur ce pays bien-aimé ? Comment ne pas se lamenter de ce qu’est devenu le paradis raconté par nos artistes du Tassili ? Comment ne pas redevenir des troglodytes et ne pas se cacher de honte dans des afalous pour y mourir et y être enterrés sans sépulture ? Comment oserons-nous regarder le ciel et nous moucher dans les étoiles, si la lumière de Tiziri est devenue ténèbres ? Comment oserons-nous nous confronter à notre environnement, si nous avons dédaigné le martyre de Cyprien, et l’enseignement d’Augustin ? Au lieu de regarder au ciel en relevant nos têtes, nous nous sommes condamnés à tourner le regard vers le nord et vers l’est. Avec une tête courbée, une nuque raidie, un genou fléchi, un corps ensanglanté, un visage défiguré que seules les larmes pourront désormais laver.
On ne sait plus vraiment si c’est le pays bien-aimé qui doit pleurer, ou bien ses habitants qui s’en sont montré depuis trop longtemps indignes. Ces habitants, c’est nous, malheureusement, et nous n’en sommes même pas conscients. C’est à nous de pleurer, et pas notre pays. A moins de nous examiner nous mêmes en profondeur, de nous mettre à genoux, et de pleurer toutes les larmes de notre corps et de nous repentir de tout le mal que nous avons rendu pour le bien qui nous a été fait, nous n’avons aucune chance de nous en sortir. La repentance serait un acte salvateur, réparateur et régénérateur. Elle aura pour conséquence de remettre le pays sur les rails et de reprendre une destinée depuis longtemps brisée et détournée de son fleuve, comme l’avait expliqué en son temps un Tahar Djaout autant lucide et visionnaire qu’inspiré.
Aujourd’hui, Tamazgha est loin d’être une terre de liberté. Tout juste si ses habitants se contentent de s’en prévaloir, en s’accordant le titre immérité d’Imazighen, les Hommes libres. Tellement libres qu’ils se sont refusé à toute discipline salvatrice, transformant leur liberté en soumission, aveuglement et esclavage. Nous nous donnons l’illusion de la liberté, tout en vivant totalement dans la dépendance à ceux qui se sont érigés comme nos maîtres, après avoir été les disciples à qui nous avons transmis savoir et connaissance. Pour preuve, le berbère, sans le savoir a maudit sa terre nourricière. Après avoir nourri l’Europe et ses dépendances romaines, il n’est même plus capable de se nourrir lui-même et ses enfants. Il importe tout, devenu incapable de produire quoi que ce soit. Il est devenu esclave des maîtres qu’il s’est donné, tout en prétendant être libre de ses décisions. Tellement libre qu’il lui faut l’autorisation des autres pour décider quoi faire dans son propre pays, qui choisir et comment le faire pour mieux être utile à ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre, sans vraiment s’en cacher.
La situation est lamentable. Ce n’est pas au pays de pleurer, mais à ses habitants. Si le pays pleure, c’est à cause de ses enfants qui, depuis longtemps s’en sont montré indignes. Le pays pleure parce qu’il a mal. Non pas à cause des coups qui lui sont régulièrement donnés par ses ennemis, mais à cause de l’inconscience et de l’indifférence de ceux qui sont sensés le protéger. Et en la matière, ils ont largement failli. Certains vont même jusqu’à montrer à celui qui tient le fouet, quel est l’endroit le plus fragile et le plus sensible de Tamazgha, pour que les coups portés deviennent encore plus efficaces dans l’avilissement, l’humiliation et le brisement du pays qui nous a été légué par ceux qui espéraient que leurs enfants feraient mieux qu’eux. En cela, ils se sont trompés, au point de se demander si vraiment nous sommes leurs enfants, tellement nous les avons méprisés, reniés et rejetés. Non, ce n’est pas la faute à nos ennemis si nous sommes dans cet état. C’est bel et bien notre faute. Et ce serait une erreur d’attendre de la part des autres des excuses. C’est à nous de nous demander pardon les uns et les autres après nous être repentis pour demander le pardon divin. Car après tout, c’est bien à Dieu que nous avons fait le plus de mal. Lui qui nous a créés pour le bien, nous lui avons tournés le dos pour nous faire du mal à nous et à nos enfants, les privant ainsi de toutes les richesses divines. Puisse-t-il nous pardonner et encourager les amazighs à changer leurs voies et revenir vers celles que nous ont tracées les illustres Pères de la Nation Amazighe. Si l’Afrique du Sud a pu s’en sortir après des décennies d’apartheid, c’est grâce à l’un de ses enfants qui a passé quelques vingt-sept années en prison, en réfléchissant, méditant et priant pou que Dieu aie pitié de son pays. En Afrique du Nord, nous avons besoin de voir un Homme se lever non pas pour se servir comme le font les actuels dirigeants, mais pour servir le peuple et donner sa vie pour le bien de tous.
Nabil Ziani
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