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Photo du rédacteurNabil Z.

Il y a 1800 ans, La Peste de Saint Cyprien.

Dernière mise à jour : 10 avr. 2020


Au troisième siècle de notre ère, alors que l’Afrique du Nord était sous occupation romaine, sévit une terrible peste qui a ravagé la population. Le courage de Saint Cyprien et de ses disciples a permi de faire des miracles et l’Histoire l’a retenu sous le nom de La Peste de Cyprien..


L’épisode connu sous le nom de “La peste de Cyprien” était une pandémie qui a frappé l'Empire romain pendant treize ans, de 249 à 262. Elle a provoqué des pénuries alimentaires importantes, allant jusqu’à affaiblir même l’Armée. A la fin de la crise, Saint Cyprien a pris le temps de méditer sur la mort, et a publié un important livre sur le sujet: “De Mortalitate”.


Saint Cyprien était l’évêque de Carthage au moment des faits. Il est l’un des trente trois Pères de l’Eglise, et un des cinq Berbères à avoir ce titre. Sa présence et son courage ont permi d’éviter le pire. Ce qu’on appelle aujourd’hui la Peste est en fait mal déterminé. Les spécialistes disent en fait qu’il pouvait s’agir de la Variole, la Grippe Pandémique, ou le Filovirus, une sorte de fièvre hémorragique de type Ebola. C’est dire la gravité de la situation, devant une médecine loin d’avoir les connaissances et les moyens dont elle dispose aujourd’hui. Certaines sources avancent qu’au plus fort de l’épidémie, ce qu’on appelle aujourd’hui son Pic, il y avait jusqu’à cinq mille morts par jour, rien qu’à Rome.


A Carthage, la situation n’était pas meilleure. Les gens tombaient comme des mouches et personne n’y pouvait rien. Les conditions d’hygiène dans la population n’étaient pas respectées, et beaucoup ne faisaient pas le lien entre le manque d’hygiène et la maladie. 


Cyprien la décrit en des termes clairs: “ ... les intestins, détendus dans un flux constant, déchargent la force corporelle; qu'un incendie provenant de la moelle fermente en blessures des fauces; que les intestins sont secoués de vomissements continus; que les yeux sont en feu avec le sang injecté; que, dans certains cas, les pieds ou certaines parties des membres sont enlevés par la contagion d'une putréfaction malade; que de la faiblesse résultant de la mutilation et de la perte du corps, soit la démarche est affaiblie, soit l'ouïe est obstruée, soit la vue assombrie…”


De son côté, Ponce de Carthage, le secrétaire particulier et compagnon de Saint Cyprien raconte cet épisode de manière dramatique: 


« Bientôt éclata un effroyable fléau, un mal abominable qui dévastait tout. Il emportait chaque jour d'innombrables victimes, et attaquait brusquement chacun dans son logis. L'une après l'autre, à la suite, il envahissait les maisons du vulgaire tremblant. Alors, pris d'horreur, tous de s'enfuir, d'éviter la contagion, de jeter indignement à la voirie leurs parents : comme si, avec le moribond atteint de la peste, on pouvait aussi mettre à la porte la mort elle-même. Et par toute la ville, dans les rues, gisaient, non plus des corps, mais des cadavres innombrables de malheureux, qui imploraient la pitié des passants en contemplant mutuellement leur infortune. Personne ne se retournait, si ce n'est pour s'enrichir par la cruauté. Personne ne s'empressait, à la pensée qu'un malheur semblable le menaçait. Personne ne faisait pour autrui ce qu'il eût voulu qu'on fît pour lui. »


Quelques années plus tard, l’écrivain berbère Chrétien, Arnobe de Sicca en a rendu coupable la persécution systématique organisée par l’empereur de Rome, Dèce. Il écrit: “ Les pestes, disent mes adversaires, et les sécheresses, les guerres, les famines, les sauterelles, les souris et les grêlons, et d'autres choses blessantes, par lesquelles la propriété des hommes est assaillie, les dieux nous attaquent, irrités comme ils le sont par vos actes répréhensibles et par vos transgressions”.


Pour faire face à cette épidémie, Cyprien agit en évêque et en homme de foi. Il exhorte ses fidèles à agir en conséquence, leur rappelant le bénéfice spirituel qu’il y a à aller à l’aide des autres : “Quelle grandeur d'esprit que de lutter avec tous les pouvoirs d'un esprit inébranlable contre tant de désastres et de morts! quelle sublimité, de se tenir debout au milieu de la désolation de la race humaine, et de ne pas se prosterner avec ceux qui n'ont aucune espérance en Dieu; mais plutôt de se réjouir et d'embrasser le bénéfice de l'occasion; qu'en manifestant ainsi bravement notre foi et en endurant la souffrance, en allant vers Christ par la voie étroite que Christ a foulée aux pieds, nous pouvons recevoir la récompense de sa vie et de sa foi selon son propre jugement!


Les spécialistes modernes de l’épidémiologie, comme l’historien William Hardy Mac Neil affirment que la Peste de Cyprien était la deuxième de la sorte. Il y en eut également une autre entre 166 et 180, appelée Peste Antonine, en rapport avec l’empereur Antonin


Selon cet historien, ces épisodes “ont été les premiers transferts d'animaux hôtes vers l'humanité de deux maladies différentes, l'une de la variole et l'autre de la rougeole, mais pas nécessairement dans cet ordre”. 


Mais, selon un autre historien, Kyle Harper, “les symptômes attribués par des sources anciennes à la peste de Cyprien correspondent mieux à une maladie virale provoquant une fièvre hémorragique, comme l'Ebola, plutôt qu'à la variole”. D’ailleurs, cette épidémie a été d’une telle gravité que “la période de la peste a presque vu la fin de l'Empire romain”


L’intervention de Saint Cyprien et de ses fidèles au risque de leur vie, ont été salutaires, puisque, redonnant courage à la population, et amenant les gens à l’église ou des règles d'hygiène basiques leur ont été inculqués a permi à carthage et l’ensemble de l’Afrique du Nord de survivre à l’épidémie. C’est pour cela que les historiens ont appelé cet événement “La Peste de Cyprien” Non pas celui qui l'a provoquée, mais celui qui a eu le courage de l'affronter..


Y a-t-il quelque chose à en tirer dans le cas de l’actuelle épidémie du Coronavirus? La science a retenu bien des leçons depuis tous ces siècles où les épisodes épidémiques ont été réguliers et récurrents. 1700 ans plus tard, Albert Camus raconte, dans un de ses plus célèbres romans, opportunément intitulé “La Peste”, comment la ville d’Oran et sa région ont dû faire face à l’épidémie de la peste durant le vingtième siècle. C’était d’ailleurs au début de ce même siècle que la plus grande épidémie des temps modernes a été enregistrée sous le nom de la Grippe Espagnole qui a fait des dizaines de millions de morts dans le monde entier, principalement en Inde et… en Chine.




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